Marie George Buffet et les perspectives pour 2007

dimanche 21 mai 2006.
 

Pour battre la droite, vous avez lancé un appel à la construction d’une majorité antilibérale à gauche. Mais avez-vous le sentiment que cette majorité existe vraiment dans le pays ? On a l’impression qu’après chaque grand élan social, la pâte retombe un peu.

Marie-George Buffet. Elle semble retomber mais les hommes et les femmes qui se mobilisent dans ces mouvements restent disponibles, on le voit dans les forums. Ils cherchent comment concrétiser leurs luttes dans une solution politique. Une résistance à l’offensive libérale s’exprime en France depuis des années. Il y a eu les grandes luttes de 1995, celles multiples contre les licenciements boursiers et les délocalisations, le mouvement sur les retraites. Et puis en quelques mois, le référendum, la révolte des banlieues et la victoire contre le CPE. Mais à chaque fois, même avec la victoire, le projet et la démarche politiques permettant une réponse durable à leurs revendications n’apparaissent pas lisibles.

Voilà pourquoi mon objectif, en appelant à un rassemblement antilibéral, n’est pas que les antilibéraux se comptent, n’est pas d’être l’aiguillon du Parti socialiste, c’est de gagner. C’est-à-dire de rendre ces idées antilibérales majoritaires. Je mets l’ambition à ce niveau-là, parce que la situation de notre pays l’exige et parce que notre peuple attend les réformes qui répondront enfin à ses aspirations. Nous devons nous donner les moyens qu’une majorité politique de gauche porte un projet en rupture avec le libéralisme, et ce jusqu’au gouvernement.

Je veux pour cela qu’un projet alternatif de transformation sociale soit mis en débat dans tout le pays, qu’il colore toute la gauche, qu’il l’imprègne de toute une série de grandes propositions telles que la réforme de la fiscalité, la sécurité d’emploi et de formation, le droit de vote des résidents étrangers, une protection sociale redevenue universelle, des services publics démocratisés et élargis... Un nombre croissant d’hommes et de femmes de gauche doit s’approprier toutes ces propositions.

Et vous pensez possible de bousculer le paysage d’ici 2007 ?

Marie-George Buffet. Je ne sais pas dans quelle configuration nous parviendrons aux élections de 2007. Mais je me refuse à voir imposer à notre peuple le bipartisme d’alternance comme seul paysage politique : je ne veux pas que les luttes et les espoirs soient piétinés par la droite, trahis par un social-libéralisme ou bien encore stérilisés par une gauche émiettée. Je veux que ces luttes et ces espoirs débouchent. C’est pourquoi nous devons nous efforcer de faire suffisamment entendre la voix de ceux et de celles qui veulent que cette fois-ci le changement soit au rendez-vous. Le rassemblement antilibéral est un atout pour une victoire de la gauche, et un atout pour que cette fois elle réussisse.

On me demande parfois si j’entends mettre des conditions au rassemblement de toute la gauche lors du second tour. Pour ma part, c’est une évidence, nous devrons nous rassembler sans tractations pour battre la droite. Mais j’ai envie de dire que les « conditions » que nous voulons créer sont celles qui permettront que la gauche ne déçoive pas de nouveau. Et ça, c’est maintenant, pas entre les deux tours, qu’elles se construisent, dans le débat, sur quelles propositions alternatives et quelles conceptions du pouvoir. Et ce débat, nous voulons le mener grâce au déploiement, avant et après les échéances électorales, d’une dynamique populaire et citoyenne.

Beaucoup expriment la peur de voir se rééditer 2002, l’extrême droite au deuxième tour...

Marie-George Buffet. C’est une inquiétude sérieuse que je prends totalement en compte et qui me motive dans cet appel au rassemblement. Si on en reste au climat et au paysage politique d’aujourd’hui, ce scénario est possible. J’entends dire que pour éviter un nouveau 21 avril, il faudrait que le candidat socialiste soit le candidat unique de la gauche. Ceux-là nous disent : « Pour battre la droite, éviter la catastrophe, mettez-vous d’accord, on discutera après. » Pour d’autres, c’est : « Mettez-vous d’accord, Besancenot, Buffet, Bové, Laguiller. » Pour d’autres encore, souvent dans les mêmes salles, c’est : « Mettez-vous d’accord Royal, Buffet, Voynet, Besancenot. » Face à toutes ces demandes, j’ai envie de répondre : « Je suis d’accord pour qu’on se mette d’accord. » Je me bats pour le rassemblement de la gauche. Mais « accordons-nous » sur une politique qui permette de changer la vie ! Et pour cela, il ne suffit pas de se rencontrer à quatre, huit, dix ou onze. Déjà, le PS annonce qu’il aura un ou une candidat(e). D’autres formations à gauche également. Avec les communistes, j’agis pour ma part pour unir la gauche sur des propositions aptes à changer la vie. Aux citoyens et aux citoyennes qui nous demandent de nous mettre d’accord, je leur propose... de se faire entendre, afin que cet accord corresponde à leurs attentes.

Comment ?

Marie-George Buffet. J’ai lancé un appel au rassemblement sur des contenus de transformation. Je propose que, lundi 29 mai, dans chaque département et dans un maximum de communes, tous ceux et toutes celles qui sont d’accord avec cette idée se retrouvent. Pour faire la fête bien sûr, mais surtout pour débattre et pour acter, tous ensemble, des propositions de changements. Il existe beaucoup de convergences entre nous. Et j’appelle à partir de là à créer des espaces permanents - pourquoi pas des collectifs d’Union populaire, au plan local, départemental, voire national - permettant de poursuivre le débat, mais aussi de réfléchir en commun aux candidatures aux législatives et à la présidentielle. Je sais qu’une proposition allant, je crois, dans le même sens est lancée par d’autres. Tant mieux, tout cela converge.

Vous avez lancé cet appel fin mars au Congrès du PCF, vous proposez cette initiative du 29 mai, y a-t-il des réponses ?

Marie-George Buffet. Oui, ça marche. Dans beaucoup d’endroits les rendez-vous se prennent. Là où cela n’est pas encore fait, j’appelle les communistes à s’adresser à toutes celles et tous ceux qui aujourd’hui ont envie de ce rassemblement.

Dans les sondages, la dynamique à gauche semble plutôt du côté de la candidature Ségolène Royal. Comment appréciez-vous cette poussée dans les sondages ?

Marie-George Buffet. Je crois que le soutien à cette candidature manifeste à sa manière que nombreux sont ceux et celles qui à gauche cherchent des solutions pour battre la droite. Et pour le moment, ils ne voient pas d’autres chemins proposés. Dans les mêmes sondages, les autres candidats de gauche potentiels sont chacun crédités de 3 % à 5 %. Cela traduit à la fois les doutes sur les possibilités de mettre en oeuvre une politique radicalement neuve et un manque de crédibilité dû à la division. Avec l’appel que j’ai lancé, avec les propositions alternatives qui ont été débattues dans différentes initiatives, nous avons la possibilité de montrer aux Français et aux Françaises qu’il existe un chemin efficace capable, lui, de battre durablement la droite : à nous de le dégager !

Le PCF a avancé votre nom pour être cette candidature unitaire de la gauche antilibérale. Cela ne risque-t-il pas de rebuter certains des partenaires potentiels de ce rassemblement ?

Marie-George Buffet. Nous avons choisi la clarté en proposant qu’une candidature issue du PCF puisse être cette candidature de rassemblement. Le PCF est à la fois audacieux, très exigeant sur les contenus et très ouvert sur les contours du rassemblement. Il ne met aucune exclusive et vise le rassemblement le plus large possible sur un contenu transformateur. Certains disent que le fait que cette candidature soit issue d’un parti est un obstacle. Je ne partage pas cette idée. Aurait-on pu obtenir la victoire du « non » sans les militants et les militantes politiques organisés, enracinés dans des entreprises, des quartiers ou des villages ? Un candidat issu d’un parti est un atout s’il devient le candidat du rassemblement. À condition évidemment de mener une campagne vraiment originale. Nous y sommes prêts.

Avec plusieurs porte-parole ?

Marie-George Buffet. Bien évidemment. Si la diversité du rassemblement n’apparaît pas, ce sera un échec. Rappelons-nous la force des estrades du référendum, chacun disait ce qu’il avait à dire, sans masquer ses différences. Il faudra des porte-parole parmi lesquels la candidate ou le candidat. L’essentiel est que notre objectif commun soit clair lors de cette échéance : battre la droite et donner à la gauche les moyens de réussir. C’est ce que notre peuple attend.

Et aux législatives ?

Marie-George Buffet. Il sera possible de construire des candidatures portant ce rassemblement dans toute la France. Il ne s’agira pas de marchander les circonscriptions. Il faudra à chaque fois désigner les meilleurs porte-parole de ce rassemblement antilibéral.

Olivier Besancenot vous a fait une proposition pour un repas à quatre Buffet, Bové, Laguiller et lui. Va-t-elle dans le même sens ?

Marie-George Buffet. Il propose de décider à quatre du sort de ce rassemblement. Mais quelle signification cela aurait-il ? Nous déposséderions ceux qui se sont investis, citoyens et citoyennes, collectifs, syndicalistes... Nous leur dirions : « Assez joué, c’est nous qui décidons. » Je ne suis pas pour cette solution. Ce n’est pas la voie à emprunter. Méfions-nous des formules qui peuvent plaire à la presse mais qui ne peuvent pas répondre aux enjeux actuels. Mettons les décisions entre les mains de tous.

Le calendrier presse. Certains battent déjà la campagne. En juin, la LCR prendra sa décision. Avez-vous le temps ?

Marie-George Buffet. Nous ne partons pas de rien. Le rassemblement se construit déjà avec des convergences sur le projet. La question des échéances électorales vient maintenant dans tous les débats. Pour leur part, les communistes acteront leur décision en octobre. Mais pour avancer, il faut faire le maximum d’ici à l’été pour pousser le débat. Il faut aller sur les marchés, devant les entreprises avec l’appel, le faire signer, organiser des débats, rencontrer des syndicalistes, des personnalités de gauche, des gens qui se battent contre la loi CESEDA, contre la précarité. Posons leur la question : est-ce que les propositions que nous avançons sont celles qui correspondent à vos attentes ? Beaucoup va se jouer dans les semaines à venir. Faisons donc de la journée du 29 mai un rendez-vous important pour la constitution de ce rassemblement !


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