Inde : la nappe de la révolution s’étend et s’approfondit

dimanche 21 février 2021.
 

« LE SOULÈVEMENT NE SE LIMITE PAS AUX PAYSANS, C’EST LA LUTTE DES GENS ORDINAIRES POUR RÉCUPÉRER LA DÉMOCRATIE ». Un paysan s’exprimait ainsi à un Mahapanchayat (AG populaire dans le cadre d’un système de démocratie directe des structures municipales).

Il est impossible de savoir comment va évoluer le soulèvement paysan en Inde, quels vont être ses rythmes et ses étapes. Ce qu’il y a de sûr, au vu de l’énorme participation aux Mahapanchayats qui sont complétés par une foule de simples Panchayats, de réunions, d’AG populaires plus petites et de meetings et à leurs multiplications annoncées pour demain, c’est que c’est un gigantesque tsunami populaire qui est en train de se préparer.

Quand on regarde les étapes passées du mouvement, on peut en voir 4 qui toutes ont apporté quelque chose et qui donnent ses caractéristiques aujourd’hui et à partir de là où le soulèvement peut aller.

Le soulèvement a commencé il y a 14 mois en décembre 2019 avec un premier mouvement baptisé Shaheen Bagh qui a mobilisé de larges parties de la population – avec une grève générale le 8 janvier 2020 de 250 millions de grévistes – contre les divisions de castes, de religions et de sexes sur lesquelles s’appuie le gouvernement de Modi pour régner. Le soulèvement paysan actuel a gardé cette envie de fraternité.

Puis ça a eu lieu une première coordination, des 500 organisations paysannes, l’AIKSCC qui a réussi à forcer les directions syndicales ouvrières à faire une journée de grève générale nationale ensemble le 26 novembre 2020 – 250 millions de grévistes et des dizaines de millions de paysans, le plus grand mouvement de l’histoire de l’Inde. L’AIKSCC a appelé dans la foulée par dessus la tête des directions syndicales ouvrières qui pour leur part voulaient s’arrêter là, à une seconde journée de grève et blocage général le 8 décembre. Ca a été très suivi mais pas suffisamment pour permettre à l’AIKSCC de continuer. Cependant l’idée de l’union ouvriers-paysans était acquise et fait partie du capital du soulèvement actuel.

A partir de là est née une nouvelle coordination plus restreinte de 40 organisations paysannes, le SKM (mais toutes membres de l’AIKSCC) dont le but était de marcher sur les bâtiments gouvernementaux de Delhi, en donnant un ultimatum au gouvernement le 26 janvier, bref de désigner le pouvoir politique comme adversaire et la nécessité de le menacer de le dégager pour obtenir satisfaction. Après la manifestation de 1 million de paysans et soutiens à Delhi, le 26 janvier, le jour de la fête nationale, la situation a à nouveau changé mais il était acquis en plus des deux étapes précédentes pour le mouvement qu’il fallait s’attaquer au gouvernement voire le faire tomber, pour gagner.

La dernière étape à partir du 29 janvier a été le lancement de Mahapanchayats partout, c’est-à-dire de construire des structures de pouvoir à la base autour de sortes de conseils municipaux (les panchayats) en démocratie directe sous contrôle d’AG populaires. Bref, comme le dit le paysan cité plus haut, « le soulèvement ne se limite pas aux paysans, c’est la lutte des gens ordinaires pour récupérer la démocratie ».

En effet dans ces Mahapanchayats, participe toute la population d’en bas, pas que les paysans, et en particulier tous ceux que le mouvement a déjà rencontré dans ses différentes étapes, les opprimés, les castes d’en bas, les Intouchables, les femmes, les jeunes, les religions méprisées, les musulmans, les ouvriers, les syndicalistes qui tous ensemble expérimentent la construction du pouvoir par en bas. C’est tout cela que porte le soulèvement actuel, une révolution…

Jacques Chastaing.


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