A propos de la synthèse au congrès socialiste du Mans (Jean Luc Mélenchon)

mercredi 30 novembre 2005.
 

Je n’aurais pas imaginé que tant de monde se donne le mal de me faire connaître son avis à propos de la synthèse réalisée au Congrès socialiste.

Un conclave studieux de gens qui travaillent jusqu’a 4heures du matin. Mais c’est plutôt bon signe. Cependant vu de l’extérieur on peut facilement commettre des contresens. Par exemple, on me demande pourquoi j’ai « fait allégeance » à François Hollande, ou bien d’autres choses dans ce registre. Une synthèse dans un congrès socialiste ce n’est pas cela. En votant un texte de synthèse, personne ne renonce à son point de vue ou à son identité culturelle dans le mouvement socialiste. La synthèse désigne la mise au point d’un texte d’orientation qui devient commun à ceux qui l’amendent. On part de la motion qui a recueilli le plus de voix, et on discute pour voir si ce qui parait essentiel à chacun peut se retrouver dans un même texte. C’est ce qui a été fait. Il fallait ensuite savoir si j’approuvais ce compromis. C’est ce que j’ai fait avec la quasi-totalité des congressistes. Je l’ai fait parce que sur un point décisif à mes yeux j’obtenais gain de cause. Je parle, bien sûr, du refus de signer la Constitution européenne au lendemain de la prochaine élection présidentielle

Cette question est essentielle car c’est celle qui lève l’impossibilité de l’union des gauches. En effet il est impossible de faire un gouvernement des gauches, notamment avec les communistes, si ce gouvernement doit signer la Constitution européenne. Je pense que tout le monde comprend cela assez facilement. C’était vraiment la question essentielle à mes yeux puisqu’elle engage l’avenir de la gauche. Tout le reste ne manquait pas d’intérêt bien sûr, loin de là. Mais cela concernait des divergences assez traditionnelles non seulement entre socialistes mais entre les socialistes et les autres forces de gauche (pouvoir d’achat, nationalisation etc..). Tandis que cette question là, celle de la non ratification de la Constitution européenne, est devenue une question incontournable de laquelle tout le reste de la construction politique à gauche dépend. Sur cette question, tout le monde doit passer par le même point de passage, celui du respect du non, pour que l’on puisse commencer le travail de construction d’une nouvelle union des gauches. C’est un préalable en quelque sorte.

C’était donc le combat central pour moi. Surtout que j’ai commencé ce congrès avec mes amis sur une contribution dont le nom résumait le programme politique : « trait d’union ». Il s’agissait de créer un trait d’union dans mon parti pour rendre possible un trait d’union avec le reste de la gauche. L’essentiel du contenu de ce trait d’union est évidemment dans la logique du non au référendum. C’est pourquoi l’idée qu’il fallait "respecter le non des français" était essentiel. A partir du moment où quoique proposé par une minorité ce point pouvait entrer dans l’orientation du parti il me semble qu’un pas décisif était accompli. En ce qui concerne la synthèse elle-même au sens large, je pense que la formule "tout le monde ou personne" que Laurent fabius et moi nous avons rabaché sur tous les médias était juste. Elle signifia d’abord que nous ne ferions pas une synthèse séparée avec la direction sans le NPS. Puis quand il est devenu évident que François Hollande et le duo Peillon Emmanuelli souhaitaient activement la synthèse, pourquoi l’aurions nous refusée alors même que l’essentiel était pris en compte (smic à 1500 euros, non ratification de la Constitution européenne, re-nationalisation d’EDF).

Pendant qu’on discutait au congrès du Mans, mes camarades participaient a la manifestation pour la défense des services publics A maints égards, cela revenait même à afficher une véritable inversion des votes car on aurait eu un tableau avec 80 % d’un côté et 20% de l’autre au lieu du 53/47 enregistré à l’entrée du congrès.

Evidemment, au départ du congrès, j’espérais bien davantage. Je pensais qu’il était possible de changer de cap général et d’équipe de direction. Je pensais qu’une dynamique pouvait être enclenchée sur la base du rassemblement de tous ceux qui avaient voté non au PS. Très vite il est apparu que cela ne serait pas possible. D’abord par ce que la motion commune des oppositions n’a pas été acceptée par les autres oppositions. Au contraire un regroupement s’est fait entre Montebourg Peillon et Emmanuelli qui a tenu tout le temps du congrès une ligne d’équidistance entre la motion que je soutenais avec Laurent Fabius et celle de François Hollande. En toutes hypothèses, la motion Hollande arrivait donc loin en tête et c’est autour d’elle que se ferait la discussion. Cela était établi à l’instant même où les oppositions se présentaient séparées. Ceux qui n’ont pas voulu de la motion commune le savaient aussi bien que moi. La synthèse de cet automne est d’ailleurs déjà réclamée dans la tribune d’Henri Emmanuelli parue dans le journal " Libération" au mois d’août.

De mon point de vue, l’essentiel est acquis : d’une part la voie est ouverte à l’union des gauches puisque le préalable constitutionnel est levé, et de l’autre, le candidat socialiste pour l’élection présidentielle issu du vote non n’a pas été mis hors jeu. Je n’ai donc qu’un regret, celui qu’il n’y ai pas eu de motion commune des oppositions car cela aurait pu tout changer. Mais, comme dit le proverbe « on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif ». Cependant, avec ce qui est acquis je pense que le travail de construction d’un trait d’union sans exclusive à gauche peut avancer sérieusement. Ceux qui se sentent concernés par cet enjeu ont donc matière à s’engager.


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