Entre les Jeunes LR, RN et Reconquête !, une porosité sans frontières

samedi 2 septembre 2023.
 

Officiellement, leurs trois formations de rattachement, le Rassemblement national, Les Républicains et Reconquête ! restent des adversaires. D’autant que les trois partis louchent sur le même électorat, se situant à la droite de la droite d’Emmanuel Macron. Or, pendant que les aînés s’écharpent, les jeunes du RN, de LR et du parti zemmouriste partagent (un peu) plus que des idées.

Au début du mois de mars 2023, la couverture du magazine L’Incorrect, dirigé par un proche de Marion Maréchal, illustrait cette porosité. Celle-ci présentait les leaders des branches jeunesse des trois partis, Pierre-Romain Thionnet (RN), Stanislas Rigault (Reconquête !) et Guilhem Carayon (LR), tout sourires, évoquer leurs convergences dans un entretien croisé.

Une initiative qui a provoqué des remous dans la classe politique, mais pas forcément à droite, le parti présidé par Éric Ciotti n’y voyant rien à redire, en dépit des condamnations exprimées à titre personnel par Xavier Bertrand et certains de ses proches.

« Compliqué de ne pas leur parler »

« Guilhem n’a absolument pas été sanctionné. Quand on se souvient qu’Erik Tegnér, qui était pourtant un simple militant, a été viré pour moins que ça en 2019, on mesure le chemin parcouru. C’est encourageant », savoure auprès du HuffPost Stanislas Rigault, en référence à l’exclusion (contestée en interne) de cet ex-candidat à la présidence des Jeunes LR proche de Marion Maréchal qui militait pour une alliance entre l’ex-UMP et l’ex-FN.

Aujourd’hui, le libéralisme est devenu ringard chez les jeunes militants de droite

« On a fait 4 % à l’élection présidentielle, c’est compliqué de ne pas leur parler, quand près d’un électeur sur deux a choisi Marine Le Pen au deuxième tour », justifie de son côté Guilhem Carayon, tout en prenant ses distances avec l’interprétation faite par certains. « Dans ’L’Incorrect’, je dis que je suis contre l’union des droites. En revanche, j’assume le débat, avec la conviction que c’est quand la droite est forte et solide sur ses fondamentaux que disparaît l’extrême droite », poursuit le leader des jeunes LR, proche d’Éric Ciotti.

Reste que quelques semaines après cette interview commune, et alors que la bataille des retraites fait rage à l’Assemblée nationale, des jeunes cadres locaux de fédérations de l’ouest de la France claquent la porte des Républicains, en raison du refus du parti de se joindre à la motion de censure transpartisane qui aurait pu faire tomber le gouvernement.

Certains, une poignée, rejoignent alors le Rassemblement national. Malin et soucieux d’apparaître comme un pôle d’attraction, le parti lepéniste a eu la bonne idée de proposer des offres d’emploi à ceux qui seraient tentés de franchir le Rubicon. Il faut dire que, désormais, le trajet est moins difficile à faire, tant le discours tenu par l’état-major des Républicains résonne avec ceux d’Éric Zemmour ou de Jordan Bardella.

Petit monde

« Le mouvement n’est pas nouveau. En 2015, les jeunes de la droite populaire autour de Thierry Mariani, alors LR, incarnaient le début de ce processus de clarification. Aujourd’hui, le libéralisme est devenu ringard chez les jeunes militants de droite qui ont compris l’importance de la question sociale et l’impasse de la mondialisation. Ça se fait petit à petit, mais ça avance », décrypte auprès du HuffPost Pierre-Romain Thionnet, le directeur du Rassemblement national pour la jeunesse (RNJ).

En coulisses, ce petit monde a l’habitude de se croiser, voire de se côtoyer. « Le noyau des militants s’est rétréci. Aujourd’hui, ils vont souvent dans les mêmes facs de droit que ceux du RN ou de Reconquête !. Ils ont affronté les mêmes syndicats étudiants de gauche, ont des amis en commun, vont aux mêmes soirées », décryptait fin avril pour Le Monde le député LR du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont, lui-même issu de la branche jeunesse de l’UMP.

Ce que reconnaît volontiers Stanislas Rigault. « Sur le terrain, on échange, on se parle, on s’écoute, sans le moindre problème », avance le patron de la Génération Z, autant invité par l’Union nationale inter-universitaire (UNI), syndicat de droite longtemps considéré comme proche des LR avant sa bascule vers Reconquête !, que par la Cocarde étudiante, présidée par Vianney Vonderscher, assistant parlementaire de l’eurodéputé RN Jean-Paul Garraud.

Pierre-Romain Thionnet, aujourd’hui président du Rassemblement national de la jeunesse, y occupait d’ailleurs jusqu’il y a peu le poste de secrétaire général. « C’est vrai qu’on fréquente les mêmes endroits, mais c’est surtout qu’on a en commun l’amour de la France et une certaine vision du pays. Donc on se respecte pour ça », aquiesce un ex-cadre des Jeunes LR figurant parmi les démissionnaires du mois d’avril.

Pendant les émeutes, vous prenez les discours d’Éric Zemmour, Marion Maréchal, Jordan Bardella ou Éric Ciotti, vous enlevez les voix et les têtes, bon courage pour retrouver qui a dit quoi !

Au-delà du petit monde étudiant et des viviers militants de chaque parti, la convergence de vocabulaire entre les trois formations facilite également les rapprochements. « Pendant les émeutes, vous prenez les discours d’Éric Zemmour, Marion Maréchal, Jordan Bardella ou Éric Ciotti, vous enlevez les voix et les têtes, bon courage pour retrouver qui a dit quoi », illustre Stanislas Rigault, qui assure que « le jeune sympathisant de droite lambda aime autant les analyses de Zemmour, que les punchlines de Bardella ou les discours de Ciotti ».

Opération séduction

Pierre-Romain Thionet livre une analyse proche : « Il y a de moins en moins de choses sur lesquelles il faut convaincre. Et si on sonde les jeunes LR ou les GZ (Génération Zemmour, ndlr) sur Jordan, je ne serais pas surpris de constater qu’il y est très populaire, voire plus que leurs propres chefs ».

Le patron du RNJ compte d’ailleurs sur « l’atout phénoménal » que représente le président du RN, qui compte plus de 716 000 abonnés sur TikTok (plus que Marine Le Pen) pour recruter davantage chez les jeunes qui hésitent entre Les Républicains, Reconquête ! ou le Rassemblement national. Il aurait tort de s’en priver. « C’est vrai qu’il a la cote chez les jeunes LR. Il est charismatique, il est jeune, il tient tête face à des gens d’extrême gauche à la télé... Il est inspirant », lâche l’ancien cadre des jeunes LR cité plus haut.

Dans cette compétition aux airs d’opération séduction, hors de question de dénigrer les concurrents, assure Pierre-Romain Thionet, à rebours des aînés qui ne manquent pas une occasion de s’accuser mutuellement d’incompétence : « Toute agressivité envers GZ et les Jeunes LR serait contreproductive. Nous n’avons aucun intérêt à s’en prendre aux uns et aux autres. On peut critiquer le bilan de Nicolas Sarkozy, mais ça n’engage plus vraiment les cadres actuels de LR. C’est Emmanuel Macron qui est aux responsabilités, pas Éric Zemmour ou Éric Ciotti ». Et puis les jeunes ambitieux le savent : il ne faut jamais insulter l’avenir. Car peut-être qu’un jour tous militeront ensemble. Reste à savoir sous quelle bannière.


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