PROPOSITION DE LOI visant à l’application du principe de laïcité

jeudi 4 janvier 2024.
 

présentée à l’Assemblée nationale par Bastien Lachaud et les députés LFI, en décembre 2023. Débat reporté.

présentée par

M. Bastien LACHAUD, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, M. Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Alexis CORBIÈRE, M. Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, M. Hendrik DAVI, M. Sébastien DELOGU, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Martine ETIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, Mme Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mme Raquel GARRIDO, Mme Clémence GUETTÉ, Mme Mathilde HIGNET, Mme Rachel KEKE, M. Andy KERBRAT, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, Mme Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, Mme Pascale MARTIN, M. William MARTINET, M. Frédéric MATHIEU, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Adrien QUATENNENS, M. Jean-Hugues RATENON, M. Sébastien ROME, M. François RUFFIN, M. Aurélien SAINTOUL, M. Michel SALA, Mme Danielle SIMONNET, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER, M. Léo WALTER,

députées et députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Fidèles à la loi du 9 décembre 1905, convaincus qu’elle est toujours d’actualité, nous souhaitons rétablir ses principes tels qu’ils étaient, avant d’être abimés par de nombreuses attaques.

La présente proposition de loi vise à l’application de la laïcité dans notre pays. Elle en propose une approche d’ensemble aux trois niveaux de la puissance publique : celui de l’État et des collectivités territoriales qui l’incarnent, celui de l’école conçue comme une institution essentielle de la République, et celui des services publics qui font vivre le bien commun à tous.

L’esprit général d’une telle proposition de loi est celui d’une République laïque et sociale.

D’une part, les lois communes sont conçues en toute indépendance par rapport aux convictions particulières, qu’elles soient religieuses ou athées, et reposent uniquement sur les droits fondamentaux de tout être humain. Elles excluent donc tout privilège de la religion ou de l’athéisme. Ainsi fondées, elles sont universelles et permettent à des personnes issues d’origines ou de traditions diverses de vivre ensemble sur des bases justes, source d’émancipation.

D’autre part, la défense de l’intérêt général définit une sphère commune destinée à rendre accessibles à toutes et à tous les biens fondamentaux que sont la santé, l’instruction et la culture, et plus généralement les conditions matérielles d’une vie digne. Ces services publics, financés par l’argent public, font donc correspondre aux lois communes une action sociale d’envergure, qui promeut la justice sociale en même temps que la laïcité. Ils donnent ainsi une réalité matérielle à l’universalisme républicain en conjuguant la cohésion politique par un droit émancipateur, fondé sur la laïcité, et cohésion sociale par la solidarité redistributive ainsi que le droit du travail.

La République française ainsi comprise est un creuset. La nécessaire fondation d’un cadre de vie commun à tous, capable de promouvoir l’intérêt général par‑delà les différences, a quelque chose d’exemplaire. Elle rejette toute conception de l’identité de la Nation destinée à exclure, au nom de traditions plus ou moins rétrogrades. Elle rattache l’identité nationale à une réalité politique, celle des luttes pour la liberté et l’égalité, et aux acquis législatifs qui en ont résulté. Si bien que la République laïque et sociale fournit par elle‑même une identité fraternelle, tournée vers l’universel et l’internationalisme.

Il est bien sûr essentiel de mettre en œuvre une conception juste de l’articulation entre l’unité du peuple et la diversité des convictions et des références personnelles. Tel est le rôle assumé par la laïcité.

De fait, la séparation laïque de l’État républicain et de toute église n’a supprimé le budget public des cultes que pour mieux assurer la promotion de l’intérêt général, commun à tous. Il s’agit là d’une règle simple : l’argent public affecté intégralement au bien commun à toutes et tous est aussi profitable aux personnes croyantes qu’aux athées. La laïcité ne s’en prend nullement aux religions, et encore moins aux personnes les pratiquant, mais uniquement aux privilèges publics qu’ont longtemps constitués la reconnaissance discriminatoire de l’option religieuse comme étant d’intérêt public et les financements de tout ordre qui l’accompagnaient. L’émancipation laïque n’a fait que distinguer ce qui est commun à tous et ce qui est propre aux personnes croyantes. La religion est alors assignée à la sphère privée, car elle doit engager uniquement ces dernières.

L’enjeu d’une émancipation à la fois politique et sociale est décisif. Elle évite aussi bien le traitement privilégié des options spirituelles particulières que l’enfermement communautariste nuisible au lien social. Dans un tel contexte, les religions n’ont rien à craindre de l’émancipation laïque et sociale, qui ne fait que mettre en correspondance l’argent public et le bien public, tout en permettant à la sphère privée de se vivre librement selon les choix personnels des individus, dans le respect de la loi commune. Les principes de notre devise, la liberté, l’égalité et la fraternité, et l’universalité sont l’âme même de la République laïque.

Encore faut‑il une définition claire de la laïcité. Celle‑ci est rendue aujourd’hui nécessaire en raison des considérations polémiques, dictées par la nostalgie des privilèges perdus, ou par une volonté de diviser le peuple, qui en ont brouillé délibérément le sens. Le triptyque républicain fournit clairement les orientations fondatrices de la laïcité et inspirent les principales lois qui les ont traduites juridiquement en formulant leurs conséquences pratiques.

La laïcité se définit par la conjonction de trois principes indissociables qui assurent l’unité du peuple (le terme grec laos désigne l’unité indivise d’une population et le terme latin laicus la personne individuelle qui fait partie de cette population). Le premier principe est la liberté de conscience, le deuxième l’égalité des droits des citoyennes et citoyens quelles que soient leurs convictions personnelles, qu’elles soient religieuses ou philosophiques. Le troisième est la dévolution de la puissance publique à l’intérêt commun. Il ne saurait donc y avoir laïcité sans égalité de droits. Tout privilège des religions ou de l’athéisme, qu’il soit juridique ou pécuniaire, porte atteinte à cette exigence.

Les trois principes constitutifs de la laïcité impliquent des politiques publiques propres à les promouvoir et à les assurer.

Ainsi, la liberté de conscience appelle l’abstention et la neutralité stricte des personnes chargées de représenter l’État dans l’exercice de leurs fonctions, concernant les différentes options spirituelles.

Ainsi, les options spirituelles particulières ne doivent engager que ceux et celles qui les adoptent : elles sont du ressort de la sphère privée sans empiètement possible sur la sphère publique. La neutralité de la puissance publique a pour corollaire le fait que n’est reconnu d’intérêt général que ce qui l’est effectivement.

Elle exige que les lois communes ne privilégient ni ne stigmatisent aucun choix de vie et d’accomplissement personnel. Elle requiert une école publique et laïque, source d’autonomie de jugement et de citoyenneté éclairée. Elle implique le refus d’une reconnaissance publique des religions, tout comme le refus de les financer par des fonds publics ainsi soustraits à leur seule destination légitime : l’intérêt commun à tous. D’où une règle claire : nul financement public direct ou indirect des cultes et des manifestations religieuses ou des divers types de pratiques spirituelles n’est permis à quelque niveau que ce soit.

L’égalité de droits de tous les citoyennes et citoyens nécessite l’attribution du même statut juridique aux différents types d’options spirituelles, qu’elles soient religieuses ou non. Toutes sont privées en ce sens qu’elles n’engagent que les personnes qui les choisissent.

L’égalité passe aussi par les grands services publics en ce qu’ils compensent les inégalités de fortune de la société qui pèsent sur l’accès aux soins, à la culture, et aux autres biens d’intérêt général. L’école laïque, là encore, est décisive, car elle seule se soucie des moyens de promouvoir pour tous les ferments de l’esprit critique et de la compréhension lucide du monde, à l’exclusion de tout prosélytisme.

L’universalité de l’action publique vise à mettre en accord la réalité de son action avec les exigences contenues dans les droits proclamés. Elle est le gage de la concorde publique. L’honneur d’une politique laïque et sociale est ainsi de veiller aux applications pratiques des principes abstraits.

Ce rappel raisonné permet de mettre en place des repères conformes aux principes qui définissent l’idéal laïque et de clarifier les règles d’une République laïque et sociale.

La présente proposition de loi fonde un programme législatif dont elle fixe les principales mesures. Celles‑ci prennent place dans une politique d’ensemble. Les textes législatifs qui mettront en œuvre et préciseront ces orientations trouveront ainsi leur sens et leur cohérence.

Dans l’immédiat, les dispositions contenues dans la présente proposition de loi qui s’articulent autour des axes principaux présentés ci‑dessus, sont les suivantes.

Le titre Ier fixe les modalités d’application et d’extension à l’ensemble du territoire de la République du principe de séparation des Églises et de l’État.

L’article 1er précise, conformément au principe défini à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel la loi est « l’expression de la volonté générale » et « doit être la même pour tous », que la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État s’applique sur l’ensemble du territoire de la République française.

L’article 2 supprime les dispositions concordataires relatives au droit local des cultes en vigueur en Alsace‑Moselle. La suppression concerne seulement les privilèges publics dont bénéficient certains cultes ; les droits sociaux hérités du régime bismarckien, dont certains devraient d’ailleurs utilement inspirer le système français de protection sociale, ne sont absolument pas remis en cause. Dans la continuité, l’article 3 supprime les établissements publics locaux du culte d’Alsace‑Moselle et institue des associations cultuelles dans ces départements, comme le prévoit la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. L’article 4 met un terme au recrutement de ministres du culte par l’État en Alsace‑Moselle et organise la transition pour ceux qui sont en fonction, dans les conditions prévues par la loi du 9 décembre 1905 et mises en œuvre dans les autres départements lors de son entrée en vigueur.

L’article 5 abroge l’ordonnance de Charles X du 27 août 1828, qui fait bénéficier le culte catholique d’un financement public en Guyane. Il abroge les décrets‑lois qui s’appliquent dans les départements et collectivités d’outre‑mer. Un délai d’une année est prévu afin de définir les conditions d’application du présent titre.

L’article 6 prévoit que la reconnaissance d’utilité publique d’une association ou d’une fondation doit s’effectuer en conformité avec le principe de séparation des Églises et de l’État. Il exclut également le financement de l’exercice d’un culte ou du soutien à l’exercice du culte par les fonds de dotation. Ainsi est mis un terme au financement indirect des religions par l’exonération fiscale des dons.

L’article 7 modifie le code général des impôts afin de supprimer un certain nombre de dispositifs qui contreviennent de manière directe ou déguisée à la loi du 9 décembre 1905, comme les réductions d’impôts pour les dons et versements aux associations cultuelles. Il ajoute également à la loi de 1905 une interdiction relative au financement des associations cultuelles. En vertu des dispositions de la présente loi, les associations cultuelles ne peuvent recevoir, de la part des personnes morales et des personnes physiques ne résidant pas fiscalement en France plus de 33 % de leur budget annuel. Pour garantir le respect de cette exigence, les dons réalisés par ces personnes font l’objet d’une déclaration préalable et les associations en bénéficiant sont soumises au contrôle du ministère des finances et de l’inspection générale des finances.

L’article 8 clarifie les responsabilités qui relèvent de la charge du propriétaire et celles qui relèvent de la charge de l’affectataire en matière d’entretien et de réparation des lieux des cultes qui sont propriété de l’État, des départements, des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale.

L’article 9 abroge le contrat d’engagement républicain instauré par la loi dite « séparatisme » qui est une atteinte au principe de laïcité.

Le titre II présente des mesures visant à garantir la laïcité de l’enseignement public et à clarifier ses financements.

L’article 10 réaffirme le principe de la laïcité de l’enseignement public ainsi que son indépendance vis-à-vis de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique. La réaffirmation du principe de laïcité garantit de ne favoriser aucun culte au sein de l’enseignement public. En outre, conformément à la Constitution et au code de l’éducation, qui dispose que : « L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État », la puissance publique doit assurer un enseignement public gratuit et laïque sur l’ensemble du territoire de la République française. Il est inacceptable qu’il existe encore plus de 500 communes sans école publique en France, un chiffre en augmentation de 11 % en dix ans. Cette situation contraint les parents à inscrire leurs enfants dans des établissements privés confessionnels.

La réaffirmation de l’indépendance à l’égard de l’emprise politique, économique, religieuse ou idéologique est indispensable pour garantir un enseignement pluraliste et libéré de la tutelle des lobbies de toute sorte. L’orientation néolibérale des programmes scolaires est inacceptable. Elle ruine l’esprit critique et nuit au pluralisme des opinions politiques inhérent à toute société démocratique. La multiplication des partenariats avec des groupes privés est également contraire à l’article L141‑6 du code de l’éducation. Elle favorise certains acteurs économiques et participe à l’endoctrinement consumériste des jeunes générations qui va à l’encontre des objectifs de transition écologique qui s’imposent aujourd’hui. Il convient donc de réaffirmer les principes listés à l’article précité afin de rappeler aux futurs gouvernements la responsabilité qui est la leur dans la promotion d’un enseignement public véritablement neutre.

L’article 11 inscrit la formation à la laïcité parmi les objectifs de l’Éducation nationale.

L’article 12 abroge le statut scolaire particulier de l’Alsace‑Moselle. Les cours de religion sont ainsi supprimés, et les certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (CAPES) de religion, créés par voie réglementaire, disparaîtront de facto.

L’article 13 rappelle le principe de liberté de l’enseignement des établissements d’enseignement privés, qui n’engage pas pour autant à financement public. L’enseignement public est financé sur fonds publics quand les établissements d’enseignement privés sont financés sur fonds privés. La liberté de l’enseignement implique que l’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque soit assurée sur l’ensemble du territoire de la République française, comme le prévoient la Constitution et le code de l’éducation. Le fait qu’il existe plus de 500 communes sans école publique est une atteinte à la liberté de l’enseignement.

L’article 14 modifie le régime de simple déclaration pour l’ouverture d’une école privée, en allongeant les délais d’examen et en renforçant le contrôle exercé par l’inspecteur d’académie, afin de mieux encadrer une activité dans laquelle la protection des mineurs face à toute tentative d’endoctrinement doit être garantie. Il est anormal que l’ouverture d’une école privée chargée d’instruire et de former les esprits de jeunes citoyens en devenir soit moins encadrée, par exemple, que l’ouverture d’un débit de boissons.

L’article 15 libère les établissements d’enseignement privés de la tutelle de l’État ou des collectivités territoriales par la suppression de leur financement public. En conséquence, les articles du code de l’éducation qui résultent de l’application de la loi Debré sont abrogés.

L’article 16 renvoie à une future loi de programmation le transfert des fonds publics de l’enseignement privé vers l’enseignement public, ainsi que la construction d’établissements d’enseignement publics dans les zones qui en sont actuellement dépourvues, conformément à l’obligation constitutionnelle faite à l’État, et rappelée à l’article L. 141‑1 du code de l’Éducation nationale, qui dispose que « l’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État ».

L’article 17 permet aux personnels enseignants titulaires des établissements d’enseignement sous statut privé de demander leur intégration dans l’enseignement public dans les cinq années suivant l’entrée en vigueur de la loi.

L’article 18 abroge la loi n° 2009‑1312 du 28 octobre 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence, qui a organisé l’inégalité financière au détriment du service public d’éducation en créant des privilèges en faveur l’enseignement privé.

L’article 19 réserve le bénéfice des mesures sociales versées par les collectivités publiques ou les caisses des écoles aux enfants scolarisés dans l’enseignement public, qu’une disposition adoptée sous le régime de Vichy, abrogée à la Libération, puis rétablie par la loi n° 2004‑809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait élargi à la scolarisation dans l’enseignement privé.

L’article 20 réaffirme le principe du monopole de l’État dans la collation des grades et diplômes. Cet article s’inscrit pleinement dans la remise en cause du protocole signé entre le Gouvernement et le Vatican. De même, les protocoles d’accord signés au mois d’avril 2002 entre le ministère de l’Éducation nationale et les représentants de l’enseignement supérieur privé devront être abrogés.

Le titre III institue des dispositions pour renforcer la laïcité dans les services publics.

L’article 21 instaure le 9 décembre comme jour férié, journée de la laïcité. L’institution de la laïcité en 1905 a été un élément décisif pour la paix sociale et la République, qui mérite, au même titre que le 1er mai et le 14 juillet, d’être rappelé chaque année par un jour férié.

L’article 22 interdit la manifestation d’une appartenance religieuse comme la participation à une cérémonie religieuse, par toute personne investie d’une autorité publique dans l’exercice de ses fonctions. Il donne un fondement législatif à la jurisprudence constante (avis du Conseil d’État du 3 mai 2000, Dame Marteaux), et prépare la remise en cause du titre de Chanoine de Latran, dont la République n’a que faire.

L’article 23 prévoit que les hommages de la Nation rendus à une personne défunte ne peuvent se faire dans un lieu de culte. Ces hommages étant ceux de toute la Nation, il convient d’organiser une cérémonie laïque distincte de l’éventuelle cérémonie religieuse liées aux obsèques de la personne.

L’article 24 crée un service public laïque et gratuit des obsèques. La laïcité assure l’égalité devant la loi et devant la mort. Il a été mis fin par la loi sur la liberté des funérailles du 15 novembre 1887 à l’ancien monopole religieux de droit concernant les obsèques, et les cimetières sont devenus des espaces publics accessibles à toutes et tous, quelle que fussent les options spirituelles du temps du vivant. Il reste cependant très difficile de pouvoir avoir droit à une cérémonie gratuite et digne en dehors des services religieux. La mise en concurrence des obsèques en 1993 fait porter le coût des personnes dépourvues de ressources suffisantes aux communes, tandis que le coût des obsèques reste souvent faramineux. Ce service public permet de proposer à tous un service d’obsèques dignes, prises en charge par l’État, incluant une cérémonie laïque si les familles les demandent. Il prévoit également l’obligation par les mairies de mettre à disposition une salle pour l’organisation de ces cérémonies.

L’article 25 supprime les services d’aumônerie dans les établissements publics ouverts et garantit l’exception pour les catégories d’établissements publics fermés ainsi que les situations d’empêchement de libre exercice du culte (campagnes militaires, hospitalisation…), conformément à l’esprit de la loi du 9 décembre 1905.

L’article 26 clarifie le régime juridique applicable à la retransmission d’émissions religieuses sur le service public de l’audiovisuel.

L’article 27 prévoit l’obligation de continuité de service public, conformément aux principes constitutionnels, afin de combiner le principe de laïcité, qui garantit les droits fondamentaux des femmes et notamment celui du libre choix de disposer de leur corps, le principe de continuité du service public et la clause de conscience du praticien hospitalier. Il s’agit de garantir l’activité d’interruption volontaire de grossesse comme faisant partie des missions dont il faut impérativement assurer la prise en charge.

Enfin, un titre IV, composé d’un article unique, l’article 28, emporte les éventuelles conséquences financières de la présente loi pour l’État et les collectivités publiques.

PROPOSITION DE LOI

TITRE IER

DE LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT

Article 1er

La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est applicable sur l’ensemble du territoire de la République française.

Article 2

Le 13° de l’article 7 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas‑Rhin, du Haut‑Rhin et de la Moselle est abrogé.

Article 3

I. – Dans les départements du Bas‑Rhin, du Haut‑Rhin et de la Moselle, des associations sont constituées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public d’un culte, conformément aux articles 21 à 79‑III du code civil local. Elles sont soumises aux dispositions de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.

II. – Les établissements publics locaux du culte sont supprimés. Leurs biens mobiliers et immobiliers sont transférés aux associations mentionnées au I du présent article. Les biens mobiliers et immobiliers n’ayant pas été réclamés par ces associations dans les deux années suivant l’entrée en vigueur de la présente loi sont mis en vente.

Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État.

Article 4

Il est mis un terme au recrutement par l’État des ministres du culte dans les départements du Bas‑Rhin, du Haut‑Rhin et de la Moselle.

Toutes les années où un ministre du culte a rempli des fonctions ecclésiastiques rémunérées par l’État sont considérées comme cotisées au titre du régime général des pensions de retraite.

Article 5

I. – L’ordonnance royale du 27 août 1828 concernant le Gouvernement de la Guyane française, l’article 33 de la loi du 13 avril 1900 portant fixation du budget général des dépenses et recettes de l’exercice 1900 ainsi que le décret du 16 janvier 1939 instituant outre‑mer des conseils d’administration des missions religieuses et le décret du 6 décembre 1939 relatif aux conseils d’administration des missions religieuses aux colonies sont abrogés.

II. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État.

Article 6

I. – L’article 10 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les associations ayant pour objet l’exercice d’un culte ou le soutien à l’exercice d’un culte ne peuvent faire l’objet d’une reconnaissance d’utilité publique. »

II. – L’article 18 de la loi n° 87‑571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les fondations reconnues d’utilité publique ne peuvent empiéter sur les compétences dévolues aux services publics, ni avoir pour objet l’exercice d’un culte ou le soutien à l’exercice d’un culte. »

III. – Le I de l’article 140 de la loi n° 2008‑776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fonds de dotation ne peut pas empiéter sur les compétences dévolues aux services publics, ni avoir pour objet le financement de l’exercice d’un culte ou du soutien à l’exercice d’un culte. »

Article 7

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le e du 1 de l’article 200 est abrogé ;

2° Le b du 1 de l’article 238 bis est ainsi modifié :

a) Après la référence : « a », la fin de la première phrase est supprimée ;

b) La deuxième phrase est supprimée ;

3° Le 10° de l’article 795 est abrogé ;

4° Le I de l’article 1407 est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Pour les locaux affectés à l’exercice d’un culte. »

II. – Au premier alinéa du II de l’article 910 du code civil, les mots : « , des congrégations » sont supprimés.

III. – Ne peuvent être exonérées de la part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement en application du 1° de l’article 1635 quater D du code général des impôts :

1° Les constructions édifiées par les associations cultuelles ou unions d’associations cultuelles et, en Guyane et à Mayotte, par les missions religieuses ou pour le compte de ces associations, unions ou missions ;

2° Les constructions édifiées dans les départements du Bas‑Rhin, du Haut‑Rhin ou de la Moselle par les établissements publics du culte et par les associations ayant pour objet exclusif l’exercice d’un culte non reconnu ou pour le compte de ces établissements et associations.

Article 8

La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État est ainsi modifiée :

1° L’article 13 est ainsi modifié :

a) L’avant‑dernier alinéa est complété par les mots : « , dans les conditions de droit commun de tout locataire » ;

b) Le dernier alinéa est supprimé ;

2° Le dernier alinéa de l’article 19 est ainsi rédigé :

« Elles ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’État, des départements ou des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux monuments classés. »

Article 9

I. – Le chapitre II du titre Ier bis du livre Ier du code du service national est ainsi modifié :

1° Les deux dernières phrases du deuxième alinéa de l’article L. 120‑30 sont supprimées ;

2° Le dernier alinéa de l’article L. 120‑31 est supprimé.

II. – Le dernier alinéa de l’article 10 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association est supprimé.

III. – Le quatrième alinéa de l’article 18 de la loi n° 87‑571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat supprimé.

IV. – La loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est ainsi modifiée :

1° L’article 10‑1 est abrogé ;

2° Le 4° de l’article 25‑1 est abrogé.

TITRE II

DE LA LAÏCITÉ DE L’ENSEIGNEMENT PUBLIC

Article 10

La Nation proclame solennellement son attachement au principe de laïcité de l’enseignement public tel que défini aux articles L. 141‑1 à L. 141‑6 du code de l’éducation.

Article 11

Au début de l’article L. 121‑4‑1 du code de l’éducation, il est ajouté un I A ainsi rédigé :

« I A. – La formation à la laïcité constitue l’un des objectifs fondamentaux de l’éducation nationale. Le principe de laïcité fait l’objet d’un enseignement assuré par des personnels enseignants dans les établissements d’enseignement scolaire des premier et second degrés. Les enseignements mentionnés à l’article L. 312‑15 déclinent cet enseignement par niveau de classe. »

Article 12

L’article L. 481‑1 du code de l’éducation est abrogé.

Article 13

L’article L. 151‑3 du code de l’éducation est ainsi rédigé :

« Art. L. 151‑3. – Les établissements d’enseignement du premier et du second degré peuvent être publics ou privés, dans le respect du principe de la liberté de l’enseignement tel que défini à l’article L. 151‑1.

« Les établissements publics sont fondés et entretenus par l’État, les régions, les départements ou les communes. Leur financement est entièrement public.

« Les établissements privés sont fondés et entretenus par des particuliers ou des associations, fonds de dotations et fondations. Leur financement est entièrement privé. »

« Les dons aux associations, fonds de dotations et fondations cités à l’avant‑dernier alinéa du présent article sont exclus des exonérations fiscales prévues à l’article 220 du code général des impôts. »

Article 14

L’article L. 441‑1 du code de l’éducation est ainsi rédigé :

« Art. L. 441‑1. – I. – Les personnes souhaitant ouvrir un établissement privé doivent être titulaires d’une autorisation d’exercice accordée par le rectorat de l’académie où se situe l’établissement à ouvrir.

« II. – Les conditions suivantes doivent être remplies pour que l’autorisation soit délivrée :

« 1° La demande doit être adressée par le futur directeur ou la future directrice de l’établissement ;

« 2° Il ou elle doit présenter les pièces justificatives suivantes :

« a) S’agissant de la personne physique déclarant l’ouverture et dirigeant l’établissement :

« – la ou les pièces attestant de son identité, de son âge et de sa nationalité ;

« – l’original du bulletin de son casier judiciaire mentionné à l’article 777 du code de procédure pénale, daté de moins de trois mois lors du dépôt du dossier ;

« – l’ensemble des pièces qui attestent que cette personne remplit les conditions prévues à l’article 19 de la loi n° 84‑16 du 11 janvier 1984 portant disposition statutaire relative à la fonction publique de l’État et remplit les conditions de disponibilité prévues à l’article 51 de cette même loi.

« b) S’agissant de l’établissement :

« – le plan des locaux et, le cas échéant, de tout terrain destiné à recevoir les élèves, indiquant, au moins, la dimension de chacune des surfaces et leur destination ;

« – ses modalités de financement ;

« – un projet d’école ou d’établissement qui détaille les axes pédagogiques qui seront développés dans l’établissement.

« III. – Le rectorat se réserve le droit de ne pas attribuer cette autorisation si :

« 1° Les conditions exigées aux I et II ne sont pas respectées ;

« 2° Le dossier est incomplet après relance, conformément au premier alinéa de l’article L. 114‑5 du code des relations entre le public et l’administration ;

« 3° Le projet pédagogique ne remplit pas les obligations requises par les exigences de l’article L. 311‑2 du présent code.

« IV. – En cas de silence de l’administration et par dérogation à l’article L. 114‑5 du code des relations entre le public et l’administration, la demande d’autorisation est réputée rejetée. »

« V. – En cas de changement de direction de l’établissement, la nouvelle ou le nouveau directeur doit, sous un délai d’un mois, fournir les éléments listés au 2° du II du présent article. ».

Article 15

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° L’article L. 151‑2 est abrogé ;

2° L’article L. 151‑4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 151‑4. – Les établissements d’enseignement privés ne peuvent obtenir de subventions ou de locaux des communes, des établissements publics de coopération intercommunale, des départements, des régions ou de l’État. » ;

3° Les articles L. 442‑5 à L. 442‑21 et L. 443‑4 sont abrogés.

Article 16

Dans l’année suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, une loi de programmation quinquennale détermine l’échéancier de la suppression progressive des subventions publiques aux établissements d’enseignement privés et de leur réaffectation parallèle à l’enseignement public. Elle prévoit la construction d’établissements d’enseignement publics dans les zones ou secteurs qui en sont dépourvus et le recrutement d’enseignants et de personnels nécessaires à leur bon fonctionnement.

Article 17

Dans les cinq années suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, les personnels enseignants titulaires des établissements d’enseignement sous statut privé peuvent demander leur intégration dans l’enseignement public.

Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article.

Article 18

Les articles L. 442‑5‑1 et L. 442‑5‑2 du code de l’éducation sont abrogés.

Article 19

À la fin de l’article L. 533‑1 du code de l’éducation, les mots : « sans considération de l’établissement d’enseignement qu’il fréquente » sont remplacés par les mots : « scolarisé dans un établissement d’enseignement public ».

Article 20

La Nation réaffirme son attachement au principe de monopole de la collation des grades universitaires tel que défini à l’article L. 613‑1 du code de l’éducation.

TITRE III

DE LA LAÏCITÉ DANS LES SERVICES PUBLICS

Article 21

Après le 10° de l’article L. 3133‑1 du code du travail, il est inséré un 10° bis ainsi rédigé :

« 10° bis Le 9 décembre ; ».

Article 22

Toute personne dépositaire de l’autorité publique, chargée par la loi d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public ne peut, dans l’exercice de ses fonctions, assister à une cérémonie religieuse, ni manifester son appartenance religieuse.

Article 23

Les hommages de la Nation rendus à une personne défunte ne peuvent se tenir dans un lieu de culte.

Article 24

I. – La section 2 du chapitre III du titre II du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :

1° L’article L. 2223‑27 est ainsi modifié :

a) A la fin du premier alinéa, les mots : « pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes » sont supprimés ;

b) ll est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

2° Après l’article L. 2223‑41, il est inséré un article L. 2223‑41‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2223‑41‑1. – Les mairies mettent à disposition gratuitement une salle pour permettre la tenue de cérémonies funéraires laïques. » ;

II. – Il est créé un service public laïque et gratuit des obsèques.

Article 25

Les services d’aumônerie ou d’office religieux dans les services publics sont supprimés. Ils peuvent toutefois être maintenus dans certaines catégories de lieux de privation de liberté, d’établissements fermés ou en cas d’empêchement temporaire du libre exercice du culte. La liste de ces établissements est fixée par décret en Conseil d’État.

Article 26

La dernière phrase de l’article 56 de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est supprimée.

Article 27

Tout hôpital public est tenu d’assurer la continuité du service public, notamment l’activité d’interruption volontaire de grossesse et d’en assurer le fonctionnement effectif et régulier. Ces éléments doivent figurer dans les documents d’accréditation de l’établissement.

Les obligations du directeur d’hôpital en matière de respect de la clause de conscience des praticiens, des principes de neutralité et de laïcité du service public hospitalier, sont déterminées par décret en Conseil d’État.

TITRE IV

DISPOSITIONS COMPLEMENTAIRES

Article 28

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.


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