Embargo sur les armes pour Israel : une campagne de long terme…

mardi 9 janvier 2024.
 

Au milieu des bruits des bombes, le premier appel syndical palestinien était attendu avec impatience de la part de syndicats français ne sachant pas toujours prendre position. Le 15 octobre 2023, une trentaine de syndicats palestiniens ont donc lancé un appel à cesser tout commerce d’armement et de munitions avec Israël, ainsi que tout financement et toute recherche militaire, « Stop Arming Israel » (1) :

– Refuser de fabriquer des armes destinées à Israël. – Refuser de transporter des armes vers Israël. – Adopter des motions à cet effet au sein des syndicats. – Prendre des mesures contre les entreprises complices qui participent à la mise en œuvre du siège brutal et illégal d’Israël. – Faire pression sur les gouvernements pour qu’ils cessent tout commerce militaire avec Israël.

Le 8 novembre des organisations de défense des droits humains (Al-Haq, Women’s International League for Peace and Freedom, International Service for Human Rights) lancent un appel proche, pour un embargo bilatéral sur les armes avec Israël (2).

– Tous les États doivent demander un cessez-le-feu immédiat, l’accès inconditionnel et sans entrave du carburant et de l’aide humanitaire, y compris l’eau, la nourriture et les fournitures médicales, dans la bande de Gaza afin d’atténuer la grave crise humanitaire, et la levée immédiate du blocus et du bouclage illégaux qui durent depuis 16 ans ;

– Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Canada, l’Italie et les autres États qui autorisent la poursuite des transferts d’armes et d’autres formes de soutien militaire à Israël doivent :

– mettre immédiatement fin à ces transferts conformément à leurs obligations en matière de droit international, et

– cesser immédiatement la fourniture de tout matériel, équipement ou autre marchandise susceptible d’être utilisé pour commettre des violations graves du droit international, y compris des crimes internationaux ;

– Les États qui importent des armes et des technologies de surveillance d’Israël doivent immédiatement cesser ces importations ;

– Les États de transit doivent refuser que leurs ports et aéroports soient utilisés pour le transfert d’armes vers Israël ; et

– Tous les États membres du TCA (Traité sur le commerce des armes) doivent coopérer au sein des organisations internationales et régionales compétentes pour imposer un embargo bilatéral sur les transferts d’articles militaires à destination et en provenance d’Israël, notamment en soutenant l’organisation rapide d’une réunion extraordinaire de la Conférence des États membres, comme le prévoit l’article 17, paragraphe 5, du TCA.

Ces appels ont d’abord été relayés, parfois signés, par des syndicats de plus de 13 pays et par des organisations du monde entier. Par la suite, Stop Arming Israel est devenu une coalition mondiale d’activistes persuadés qu’une telle campagne doit aussi se traduire par des mesures concrètes.

Le site Workers in Palestine recense les entreprises complices, classées par pays, donne des conseils pour mener des campagnes efficaces, et recense les actions mises en œuvre dans le monde entier. Dès le 20 octobre, une usine indienne cesse de fournir des uniformes à la police israélienne (3). Le 26 octobre, des syndicalistes anglais bloquent une usine Elbit, l’entreprise d’armement israélienne, dans le Kent, et le 31 octobre des syndicalistes belges refusent de transporter des armes vers Israël, par avion ou par bateau (4). Le 3 novembre les dockers d’Oakland (USA) refusent de prendre en charge un navire militaire en partance pour Israël (5). Le 6, la même histoire se reproduit au port de Barcelone (Espagne, 6).

Les 9 et 10 novembre sont choisis pour un week-end mondial d’action auquel 6 pays participent, bloquant des usines ou des ports au Canada, Etats-Unis, Italie, Grande Bretagne, Espagne et Australie (7). Le 1e décembre, le Japon entre dans la danse en bloquant les bureaux d’une compagnie aéronautique japonaise ayant récemment signé un accord avec Elbit (8).

Le cas de la France est un peu particulier. D’abord à cause de la répression qui n’a d’égal en Europe que l’Allemagne et la Hongrie, mais aussi parce que le marché des ventes d’armes françaises en Israël, tout en étant opaque, semble petit. Il existe néanmoins, et mérite d’être dénoncé, en particulier les collaborations de Thalès et de Safran en matière de construction de drones, ainsi que la collaboration nucléaire historique qui se poursuit avec le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). On peut également citer Hutchinson et Saft qui fournissent des pièces pour les avions américains F35 qui bombardent Gaza. On doit enfin aussi citer Exxelia dont des composants électroniques ont été retrouvés dans les restes d’un missile ayant tué des enfants à Gaza en 2014. Un procès est en cours…

Un collectif Stop Arming Israel France a donc vu le jour spontanément, avec une présence devant le salon Milipol à Villepinte le 15 novembre, ou devant les bureaux de Thalès à la Défense le 28. Le 30 novembre, ce sont les dockers de Marseille-Fos qui se sont arrêtés de travailler une heure « pour la paix », à l’appel de la CGT (9). D’autres actions se sont déroulées en région parisienne, le 7 décembre devant les bureaux de Exxelia, mais aussi le 13 devant l’Université de Paris-Saclay, pour dénoncer la collaboration avec Thalès. Safran n’a pas été oubliée, avec des actions devant ses bureaux à Gennevilliers, le 13 décembre, et à Vélizy le 14. D’autres actions sont organisées dans des lieux publics, gares, centres commerciaux, et même devant l’ambassade d’Israël, le 1e janvier 2024 (10).

Des actions analogues continuent de se produire chaque semaine dans le monde entier, et une pétition sur le site d’EKO a recueilli près de 120.000 signatures (11). Cette campagne est en effet très facile à comprendre, d’une part parce que les armes tuent directement des Palestinien.nes, mais aussi parce qu’on sait que sans les munitions envoyées par les pays occidentaux, les bombardements s’arrêteraient au bout de trois jours (12). Plutôt que d’exhorter le Premier ministre israélien à un cessez-le-feu, il suffit de l’imposer en coupant le robinet cruel, et de ne jamais le rouvrir…

Emmanuel Dror


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