ISRAEL, PALESTINE... Pour ouvrir un débat

jeudi 12 novembre 2020.
 

2) Réponse à Guy Decoupigny pour participer au débat (Jacques Serieys)

Guy nous a transmis le texte ci-dessus pour mise en ligne et ouverture d’un débat.

Je le remercie. Internet constitue effectivement un bon moyen pour confronter les points de vue et les faire évoluer sans avoir besoin de réunions impliquant de longs déplacements. Cette confrontation de points de vue demande, à mon avis, à la fois de la franchise et une grande ouverture d’esprit.

Je vais me limiter ci-dessous à aborder le débat sur Israël et la Palestine. Le Liban et le Tibet mériteraient un débat distinct pour conserver une clarté suffisante dans l’exposition des idées.

1) Civilisation juive, religion juive, peuple hébreu et peuple juif

La religion juive constitue évidemment un composant essentiel de la civilisation juive mais il n’est pas juste de confondre les deux. Depuis deux mille ans une civilisation juive a réussi à survivre et même à s’épanouir, pour l’essentiel sans support étatique. Je ne chercherai pas ici à expliquer cette particularité, j’en constate seulement le grand apport et le grand intérêt dans l’histoire humaine universelle. La civilisation juive constitue un élément important pour comprendre le contexte culturel dans lesquels ont baigné Spinoza, Marx et bien d’autres ; la religion juive n’en est pas synonyme. Par exemple, le rôle socio-économique et souvent progressiste des juifs durant toute la féodalité représente aussi un élément non assimilable à la seule croyance.

Surtout, je ne crois pas juste de considérer le "peuple juif" comme constitué des descendants du peuple hébreu.

Israël justifie le droit des juifs sur la Palestine par leur présence comme peuple hébreu sur cette terre dans l’Antiquité. Or :

- premièrement, dès l’Antiquité, une partie des Hébreux n’étaient pas de confession juive.

- deuxièmement d’autres peuples habitaient cette région auparavant, de culture grecque, sémite, égyptienne... ( Cananéens, Amorrites, Phéniciens, Philistins...).

- troisièmement les Hébreux se sont logiquement mêlés à ces autres habitants pour former de nouveaux peuples. Ainsi, les Cananéens n’ont jamais été chassés mais on n’en trouve plus trace dans les écrits depuis le 13ème siècle avant notre ère. Ainsi, les Philistins n’ont jamais été chassés mais on n’en trouve plus trace dans les écrits depuis le 2ème siècle avant notre ère car ils ont été noyés parmi les Hébreux puis parmi les Palestiniens.

- quatrièmement, la religion juive fut pendant longtemps de nature très prosélyte, c’est à dire qu’elle cherchait à gagner des adeptes parmi d’autres peuples que les Hébreux. Ainsi, son développement aux 1er et 2ème siècles de notre ère dans tout l’Empire romain, en particulier en Afrique du Nord, n’a rien à voir avec un exil massif des Hébreux de Palestine. Il en va de même pour la conversion des Khazars d’Europe de l’Est quelques siècles plus tard.

- cinquièmement, la confusion entre religion juive et peuple juif n’a rien d’historique ou de rationnel. L’Etat d’Israël a fait réaliser des recherches sur les caractéristiques physiques de ses populations. Les Israéliens dont les aïeux vivaient déjà en Palestine au début du 20ème siècle sont très proches des Palestiniens. Les juifs venus de Russie sont très proches des Russes ; ceux venus de Tunisie, très proches des Tunisiens ; ceux venus d’Allemagne, très proches des Allemands... Ce résultat est logique, il n’a pas existé de peuple juif compact descendant des Hébreux, vivant une longue diaspora puis revenant sur la Terre promise.

- sixièmement, la logique raciste qui pousse à différencier ethniquement les Philistins, les Arabes et les Juifs comme s’il s’agissait de races différentes et homogènes n’est pas acceptable scientifiquement. Les invasions germaniques dans l’actuelle France datent d’environ 15 siècles ; comment savoir si tel Français d’aujourd’hui descend de ces Germains, des Arabes qui sont passés dans le Midi ou des Gallo-romains ou de peuples pré-indo-européens ? La réponse est évidemment impossible parce que les populations se mélangent toujours sur quelques générations, au plus quelques siècles. Ce mélange est encore plus fort et plus rapide dans une zone de fort passage comme l’isthme de Suez et la Palestine, surtout sur 30 siècles.

- septièmement, je crois qu’il vaut mieux garder à distance l’argument religieux de Terre promise par Dieu comme les histoires d’Agar et de Sarah qui feraient entrer dans le champ de nos réflexions la Bible et la civilisation égyptienne (Abraham a eu des descendants de la servante égyptienne de sa femme)...

- huitièmement, de toute façon, il ne me paraît pas juste de dire que "Les descendants d’Abraham cultivent et transmettent la haine de génération en génération." Les guerres entre Philistins et Hébreux de l’Antiquité racontées dans la Bible sont considérées comme douteuses par les historiens ; on ne peut pas dire qu’ait existé une haine inexpiable durant 25 siècles entre eux ; surtout, je lis des énormités sur ce sujet dans des sites très reconnus comme Curiosphère qui me poussent à beaucoup de prudence "Éretz Israël devint, par décret de l’empereur Adrien, la « Palestine », du nom emprunté à ses ennemis entre tous, les Philistins."

De fortes tensions et des guerres sont apparues à partir du moment où le sionisme a lancé un slogan génocidaire : Une terre sans peuple pour un peuple sans terre. Pourquoi génocidaire ? parce que c’était nier l’existence du peuple palestinien. J’ai connu des sionistes, y compris "sionistes de gauche" qui considéraient les Palestiniens comme des Arabes ayant volé les terres de Palestine après une prétendue déportation massive organisée par les Romains... d’après eux, "il y a assez de place dans le monde arabe pour qu’ils y retournent." J’ai entendu un candidat républicain à la présidence américaine répéter ces sornettes qui devraient valoir une plainte devant le Tribunal Pénal International s’il y avait un droit international un tant soit peu précis, appuyé sur une réelle institution judiciaire.

2) Sionisme, défense communautaire et démarche identitaire : Terre et Race

L’expansion du capitalisme s’est accompagnée d’oppressions violentes de toutes sortes (ouvriers, paysans, colonisés, minorités culturelles ou religieuses...). Dans le cadre national d’abord puis dans le cadre planétaire, sa logique interne pousse à la fois à plus d’accaparement des richesses par une minorité, plus d’uniformisation, plus de limitation du rôle des collectivités publiques intermédiaires à celui de gendarmes du capital.

Actuellement, le capitalisme financier transnational broie les peuples et les territoires fonction de ses objectifs de profitabilité. Dans ce contexte, il est compréhensible et juste qu’apparaissent des réactions communautaires pour défendre un peuple menacé, une langue régionale ou nationale, une culture spécifique, une religion, une économie locale laminée...

Quatre attitudes politiques peuvent porter cette réaction communautaire :

- une attitude communautariste fondée sur les arguments qui justifient la défense de ce peuple, cette langue, cette culture. Ces arguments peuvent être parfois discutables, friser le mythe... mais sans oppression de gens ne faisant pas partie de cette communauté sur le territoire concerné.

- une attitude socialiste fondée sur les droits démocratiques individuels et collectifs (droit des peuples à disposer d’eux-mêmes), sur l’internationalisme. ... Elle prend en charge la défense communautaire spécifique sur la base de droits universels dans une stratégie générale d’émancipation humaine . Les formes concrètes peuvent évidemment varier.

- une attitude "républicaine nationale" fondée essentiellement sur la valorisation du rôle de la nation et de l’Etat. Elle présente une face pile (la minorité opprimée ne voit de solution que dans une nation à elle) et un côté face ( la majorité refuse tout compromis quant à l’indivisibilité de l’Etat déjà en place, quant au rôle de la seule langue "nationale"...).

- une attitude communautariste fascisante fondée sur une mythologie des origines du peuple concerné, la défense de sa pureté ethnique et culturelle (religion, rites...) et conséquemment une logique d’exclusion, d’oppression violente de quiconque menace cette terre et cette pureté.

La civilisation juive a joué un rôle majeur dans l’émergence de l’attitude socialiste internationaliste. Le sionisme oscillait entre la première et la troisième attitude. Israél subit de plus en plus l’attraction de la quatrième attitude, d’où un glissement permanent de son champ politique vers la droite et l’extrême droite.

3) Israël et les Palestiniens

Les capitalistes ont toujours cherché à détourner la lutte des exploités vers la haine ethnique de boucs émissaires ; le nazisme n’a représenté que l’aboutissement logique de l’antisémitisme de masse pratiqué en particulier par les armées blanches russes créées par les USA, la Grande Bretagne, la France...

La logique anti-arabe du Choc des civilisations en est la déclinaison actuelle. Il est regrettable qu’Israël et le mouvement juif organisé y contribuent souvent.

Il est certain que les Juifs ont subi par la Shoah un génocide qui demandait ensuite la prise en considération de leur spécificité, la recherche d’une solution pour répondre à la demande du mouvement juif organisé. Ceci dit, la façon dont l’Etat israélien s’est créé puis a grandi représente une négation totale des droits des Palestiniens, inacceptable par tout humaniste, par tout démocrate, par tout socialiste.

Tu écris, Guy, que « Chacune des parties incriminées doit faire un pas significatif. » Le problème c’est que les Palestiniens ont fait plusieurs fois des "pas significatifs" qui n’ont servi à rien ; au contraire, ils ont permis aux gouvernants d’Israël de tromper l’opinion mondiale sur leur intention réelle à savoir le Grand Israël de la Méditerranée au Jourdain, intention qui implique soit un génocide, soit un sociocide des Palestiniens.

Tu écris, Guy, que « surtout, le Hamas doit renoncer à son principal objectif ( la disparition et la destruction de l’ Etat d’Israel). Comment faire la paix avec un groupe terroriste qui souhaite, tout comme l’Iran d’ailleurs, votre éliminination ? » Bigre, mais le problème palestinien se posait de la même façon bien avant la naissance du Hamas (1987) ; c’est même pour affaiblir la gauche laïque palestinienne qu’Israël a aidé les Islamistes à se développer. Si le Hamas n’était pas là, je suis persuadé que la reconnaissance d’un vrai Etat palestinien, au moins sur tous les territoires de Cisjordanie (frontière de 1967) n’aurait pas avancé plus. L’existence et l’action du Hamas n’est aujourd’hui qu’un très mauvais prétexte d’Israël pour retarder la seule décision qu’il peut prendre : libérer totalement les territoires palestiniens sans en prélever un millimètre carré et laisser les citoyens palestiniens décider de leurs dirigeants et de leur avenir.

J’ajoute le lien vers quelques articles de ce site :

De la création d’Israël au sociocide du peuple palestinien ? une solution, la reconnaissance de l’Etat palestinien ?

Le gouvernement israélien gomme la Palestine de la carte

Salutations militantes et fraternité

Jacques Serieys

1) Texte de Guy Decoupigny

Pour ouvrir ce débat, je vous recommande la lecture du livre de Jacqueline Massabki et françois Porel intitulé "La mémoire des cèdres"- Editions Robert Laffont - Géopolitique et historique.

Le peuple palestinien a droit à l’existence d’un Etat viable écononiquement d’une seule entité (unité géographique) indispensable à sa survie. Historiquement, ce n’est que justice puisque les philistins occupaient cette terre "promise" ensuite aux Hébreux. Jérusalem, la ville du prince de la paix (Melchisédek), l’anciènne Jébus, et, peu importe ses dénominations au fil des siècles doit être une capitale partagée par les israéliens et les palestiniens. Facile à dire et à écrire mais plus dur à réaliser car depuis la nuit des temps, un conflit séculaire oppose les fils d’ Agar et de Sarah (2 des 4 épouses d’Abraham). Les descendants d’Abraham cultivent et transmettent la haine de génération en génération.

Chacune des parties incriminées doit faire un pas significatif. Israel en facilitant le développement d’un Etat Palestinien et, surtout, le Hamas qui doit renoncer à son principal objectif ( la disparition et la destruction de l’ Etat d’Israel). Comment faire la paix avec un groupe terroriste qui souhaite, tout comme l’Iran d’ailleurs, votre éliminination ?

Je cultive des relations précieuses d’amitié sincère avec des israéliens et des palestiniens depuis 30 ans qui espèrent et travaillent sans faillir à la réalisation de leurs rêves communs. Je vous salue Farès, Simon, Ziad et Gemayel.

Courage encore et encore....il faut y croire. Si vos voix faiblissent comme l’écrivait je crois Eluard, nous périrons.

Un autre peuple souffre dans l’indifférence : le peuple tibétain qui a le droit, lui aussi, de préserver sa culture et ses traditions dans le cadre d’une large autonomie.

Arrêtez messieurs les chinois cruels d’ opprimer ce peuple.

Nous connaissons les faux prétextes car un seul objectif pour vous : la guerre de l’eau à votre profit. Le Tibet est le quatrième plus grand réservoir d’eau douce de la planète. La Chine envisage le détournement de fleuves qui ont leur source sur le toit du monde au risque d’une catastrophe écologique.

Qu’ en pense le PG ?

Le débat est ouvert.

Salut et fraternité, Guy Decoupigny


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