Prix planchers rémunérateurs – Macron reprend la proposition de LFI trois mois après l’avoir rejetée

mardi 12 mars 2024.
 

« C’est la première fois que je vois des CRS comme ça dans le salon, une honte ! » déclare un visiteur ce matin dans une file d’attente compressée. Les scènes surréalistes se sont enchaînés ce matin pour l’ouverture du salon de l’agriculture. Cordons de CRS à perte de vue, journalistes refoulés, agriculteurs mis à l’écart par la police, le salon a été revisité en forteresse imprenable. Dans une salle sécurisée loin de la masse des agriculteurs scandant « Macron démission », le chef de l’Etat s’est exprimé devant les caméras.

Emmanuel Macron a plaidé en faveur de l’instauration de « prix planchers » pour les agriculteurs afin de « ne pas céder à toutes les pratiques les plus prédatrices qui sacrifient nos agriculteurs et leurs revenus. ». Un vocabulaire étrange et inhabituel dans la bouche du chef de l’Etat. Pour cause, la proposition de prix rémunérateurs garantis, dit aussi prix planchers, est portée par les insoumis depuis 2018. L’annonce a été aussitôt saluée par LFI. Jean-Luc Mélenchon a déclaré que « la lutte paie » en saluant la loi défendue par Manuel Bompard et Aurélie Trouvé le 30 novembre dernier qui visait précisément à instaurer des prix garantis rémunérateurs, et fut rejetée par les députés macronistes et LR, à six voix près.

Face à la cacophonie des annonces, les agricultures restent partagées et prudents. Pourquoi les députés macronistes ont-ils torpillé la proposition de loi des insoumis en novembre dernier pour finalement la reprendre quatre mois plus tard ? Cette annonce d’Emmanuel Macron sera-t-elle bel et bien concrétisé ? Tous ont en tête les mots de Marc Fesneau, qui, le 27 janvier déclarait à propos des prix planchers : « ce n’est pas aussi simple que ça […] On a besoin que les prix montent y compris au niveau national ». Notre article.

Le camp présidentiel, allié à LR, a refusé l’instauration des prix planchers pour les agriculteurs

Les insoumis ont porté à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à lutter contre la hausse des prix par l’encadrement des marges des industries agroalimentaires, du raffinage de produits pétroliers et de la grande distribution. Dans le même texte, les parlementaires LFI avaient inscrit la mise en place de prix planchers (minimums) pour l’achat de matières premières agricoles aux producteurs. Une mesure nécessaire, surtout à cause de l’échec des lois Egalim, soutenus par le pouvoir en place, censées protéger les revenus des agriculteurs.

Cette proposition n’est pas nouvelle pour les insoumis. En avril 2018, dans le cadre de l’examen de la loi Egalim, les députés insoumis avaient défendu par amendement l’instauration de prix planchers. Résultat ? Amendement rejeté par les députés macronistes.

Rebelote en mai 2020 : dans le cadre de leur niche parlementaire, les insoumis avaient déposé une loi pour « parer la crise agricole et alimentaire ». Elle comprenait l’instauration de prix planchers pour les agriculteurs. Résultat ? Les macronistes ont supprimé un par un les articles en commission.

Vient ensuite la proposition défendue par Manuel Bompard et Aurélie Trouvé le 30 novembre dernier. Souvenez-vous, c’était lors de leur niche parlementaire, c’est-à-dire le seul jour dans l’année où les insoumis peuvent décider de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Une proposition d’ailleurs soutenue par 88% des Français, selon un sondage Toluna Harris Interactive.

D’abord en commission parlementaire, puis le jour J (30 novembre 2023), les insoumis ont bataillé pour remporter cette bataille. Porté par le coordinateur LFI Manuel Bompard, le texte était à deux doigts de l’adoption définitive. Une défaite du camp présidentiel était au bout du chemin. Un à un, les articles de la proposition de loi étaient tous adoptés par la majorité de l’hémicycle. Effrayés, les députés macronistes et LR ont opté pour le « sauve-qui-peut », appelant à la dernière minute des députés de leurs rangs afin qu’ils viennent rejeter le texte de loi. À six voix près, la proposition de loi a été rejetée.

« Les souffrances du peuple, vous n’en avez rien à faire. Seuls comptent pour vous les intérêts de quelques acteurs économiques ! », avait alors dénoncé avec force Manuel Bompard. Ce texte de loi n’aurait pas réglé toutes les difficultés des agriculteurs. Cela aurait un début, un signal politique envoyé à ce métier si souvent méprisé, sauf quelques jours par an au salon dédié à cette profession. Une telle mesure aurait peut-être contenu, voire empêché la mobilisation actuelle des agriculteurs dans notre pays. Les parlementaires macronistes et ce qui reste des Républicains paient aujourd’hui leur recroquevillement idéologique.

Traités de libre-échange, entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne : les macronistes prônent en réalité la casse de l’agriculture française

Par la défense des traités de libre-échange, les macronistes font mourir l’agriculture française à petit feu. Récemment, la Commission européenne a ratifié un nouveau traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande, avec le soutien de la France. Dans le cadre de leur niche parlementaire, les insoumis comptaient défendre une résolution pour que notre pays s’oppose à ce nouveau traité. Les parlementaires LFI ont été contraints de la retirer puisque ce traité avait été ratifié quelques jours avant.

Par la suppression prévue de tous les droits de douane sur de nombreux produits, des pans entiers de l’agriculture française et européenne sont menacés. Parmi ces produits dédouanés, la viande bovine (10 000 tonnes), viande ovine (38 000 tonnes), beurre (15 000 tonnes), fromages (25 000 tonnes) et lait en poudre (15 000 tonnes). Des quantités gigantesques.

« Ne nous trompons pas, les accords de libre-échange anéantissent tout espoir de relocalisation de notre agriculture pour faire vivre nos territoires et rémunérer le travail paysan » dénonçait Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne dans l’Humanité. « Il faut arrêter cette croyance aveugle dans le dogme du libre-échange qui met en concurrence les paysans entre eux et les empêche de tirer un revenu décent de leur activité ».

Le 10 décembre 2023, Emmanuel Macron a affirmé « le soutien de la France » au président ukrainien, concernant l’adhésion de l’Ukraine au sein de l’Union européenne (UE). Un nouveau coup de massue pour les paysans en raison de la baisse mécanique des aides de la PAC à l’agriculture française que cette adhésion provoquerait. En effet, le camp présidentiel semble oublier qu’en Ukraine, le salaire minimum est de 200 euros, soit la source potentielle d’un énorme dumping social.

Également, si l’Ukraine entrait dans l’Union européenne, le pays capterait alors 25% des subventions de la politique agricole commune (PAC). La solidarité avec l’Ukraine ne doit pas être synonyme de libéralisation à marche forcée, et des souffrances qui en résultent pour les paysans. Il est temps d’écouter les agriculteurs de ce pays et de les payer dignement.


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