« Safia Un conte de fée républicain » de Safia Ottokoré

vendredi 5 août 2005.
 

Itinéraire d’une militante qui vient de loin...

En lisant la première ligne du livre : « Je suis née pauvre. Je suis née femme. Je suis née noire. Et je suis née musulmane », j’ai eu envie de laisser cette oeuvre sur le rayon du libraire, pensant qu’il s’agissait là d’un artifice de vente... J’ai poursuivi, acquis le livre et n’ai arrêté la lecture qu’à la dernière ligne le lendemain.

L’auteur avoue dès le début que malgré l’extrême pauvreté de sa condition, d’enfant née et habitant à Djibouti, le hasard des rencontres lui permet d’accéder à l’instruction réservée à une élite sociale à laquelle elle n’appartient. pas..

Quelques rencontres ont forcé le destin, certes mais Safia possède une énergie hors du commun, une envie d’apprendre et une rage de réussir sa vie et c’est là un atout précieux et indéniable.

On ne peut pas dire que la chance lui a souri : fillette somalienne, habitant à Djibouti elle est marquée dans sa chair par les mutilations à vie que subissent les femmes :

« L’été de mes sept ans, il s’est pourtant passé quelque chose que j’ai choisi de raconter ici, car ce que j’ai vécu, plus personne ne devrait avoir à le supporter. J’ai été excisée et infibulée », c’est à dire « cousue ».

C’est ainsi que Safia se raconte mais raconte aussi le calvaire de sa sœur, mariée de force, violée et martyrisée par son premier mari, subissant les violences de son deuxième mari et périssant ensuite d’une appendicite pas soignée alors que son époux était médecin ?

Safia finit par quitter l’Afrique, elle rejoint un ami qui deviendra son mari, pour vivre en France, femme de footballeur dans un premier temps puis comme militante.

Quand elle évoque la question du voile islamique et si elle considère que « l’exclusion ne doit donc être utilisée qu’en tout dernier recours, quand tout a été essayé », elle livre ensuite son opinion avec beaucoup de fermeté et de lucidité :

« Mais je connais, pour l’avoir vécu, le monde que peuvent imposer les intégristes religieux, et je n’en veux pas. »

Après plusieurs séjours en Arabie Saoudite puis en Afrique, c’est la rupture avec son mari, le retour en France à Auxerre avec ses deux fils et une nouvelle expérience amoureuse avec sa conclusion tragique :

« J’avais le visage en bouillie, des fractures du nez et des pommettes, j’étais défigurée. »

La violence conjugale et sexiste, cela n’arrive pas qu’aux autres !

Elle termine son livre témoignage en nous faisant part de son engagement au Parti socialiste, son ascension au poste d’adjoint au Maire d’Auxerre, premier marche pied vers des responsabilités plus importantes.

Elle refuse d’être la noire musulmane, alibi et d’ailleurs elle est surtout reconnue pour son militantisme associatif, sa disponibilité et des capacités certaines que sa modestie l’empêche de mettre en valeur dans ce livre.

C’est une « autobiographie » passionnante et très humaine d’une femme, militante qui a choisi : « aujourd’hui en toute liberté, et surtout en toute connaissance... le camp des faibles, des outragés, des oubliés. »

Jean-François CHALOT

« Safia Un conte de fée républicain »

De Safia Otokoré

Edition : Robert Laffont

245 pages, 18 €

février 2005


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