On ne peut pas civiliser le capitalisme (Alain Krivine)

dimanche 9 décembre 2007.
 

Intervention d’Alain Krivine au débat sur l’avenir de la gauche, qui a eu lieu au Théâtre du rond-point, avec François Rebsamen, Manuel Valls, Zaki Laïdi, Henri Weber et Bruno Julliard.

Alain Krivine :

Puisque j’ai accepté ce débat avec des dirigeants socialistes, je précise tout de suite que, pour moi, l’adversaire n’est pas le PS mais Sarkozy, la droite et le Medef. Si aujourd’hui on a des désaccords, c’est sur la façon de combattre Sarkozy, la droite et le Medef. Pour la grande masse des gens, il y a aujourd’hui un brouillard total : ils ne voient plus la différence entre la gauche et la droite. D’ailleurs, les millions de gens qui votent pour le PS ne le font pas ou plus par adhésion, mais d’abord pour battre la droite. Très franchement, qu’est-ce qui oppose aujourd’hui le PS à Nicolas Sarkozy ? Est-ce un débat de fond ou un débat de forme ? On voit le résultat : il y a un dégradé - ce n’est qu’un dégradé - entre les positions de François Hollande, par exemple, et celles de Jean-Marie Bockel (secrétaire d’Etat chargé de la francophonie et de la coopération) et Bernard Kouchner qui sont entrés au gouvernement.

Enfin, on est pris dans un bouleversement de toute la gauche européenne. Avant la mondialisation, les sociaux-démocrates pouvaient faire des réformes, petites certes, mais des réformes. Avec la mondialisation capitaliste et la pression de la concurrence, les patrons ne laissent quasiment plus de miettes. Du coup, les sociaux-démocrates se sont totalement adaptés au libéralisme. Cela a commencé avec les Blair ou Schröder. A cet égard, le Parti socialiste français a pris du retard. Mais il est en train de le rattraper. C’est inquiétant et cela explique le développement d’un nouveau mouvement social et d’une gauche radicale.

J’entends que vous voulez rénover le PS et je m’en félicite. C’est votre boulot. Mais le problème c’est : pour faire quoi ? Quand j’entends dire que rénover le PS, c’est enfin accepter les lois du marché comme si c’était acquis, eh bien non ! Pour moi, c’est peut être très "archéo" mais ce n’est pas acquis. Je pense qu’on ne peut pas civiliser le capitalisme. Quel but on se donne ? Est-ce que oui ou non on pense qu’on vit aujourd’hui dans une société qui a des formes de barbarie et où le droit au travail, le droit à la santé, le droit au logement sont remis en cause ? 7 millions de personnes pauvres en dessous de 650 euros par mois, 3 millions de personnes mal logées ou certains sans logis... Voilà le climat dans lequel on est aujourd’hui.

D’où la première question que je vous pose : peut-on résorber cela par des mesures concrètes qui impliquent une nouvelle répartition des richesses ? La deuxième question est celle des moyens : toutes les grandes réformes en France, celles du Front populaire, celles de la Libération, celles de 68, la victoire sur le CPE, ne sont jamais venues directement des parlementaires. C’est parce que des millions de gens sont descendus dans la rue, ont fait la grève générale, vous ont botté les fesses.

Répondez à ces questions.


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