Besancenot à Vivement dimanche (2 articles)

mardi 13 mai 2008.
 

Dans la dernière émission de Vivement dimanche, Michel Drucker recevait Olivier Besancenot. J’ai aimé, j’ai même été profondément ému par plusieurs parties comme les deux salariées de Reynolds et du Nord, comme les chansons de Ferrat, Lavilliers, Zebda et Aznavour, sur les sans-papiers... Les questions de Claude Sérillon m’ont paru pertinentes et les réponses peu convaincantes.

Jacques Serieys

En participant à « Vivement dimanche », le porte-parole de la LCR confirme son poids politique à la gauche de la gauche

Article de Libération

C’était son grand oral. Passé devant un auditoire estimé entre deux millions et deux millions et demi de téléspectateurs. Soit beaucoup plus que les 1,5 million d’électeurs qui s’étaient portés sur son nom le 6 mai 2002. Une aubaine qu’Olivier Besancenot n’a pas laissé filer. La LCR, dont il est l’un des porte-parole, incarne l’une des facettes du trotskisme français un courant de pensée avec un véritable poids électoral que d’aucuns jugent comme une exception française. Ouverte aux mouvements de société (la défense des « sans », papiers, logements, droits, etc., des immigrés...), elle se démarque de Lutte ouvrière, l’autre grande branche du trotskisme français, plus ouvriériste .

Plus de trois heures durant, hier, sur France 2, dans l’émission de divertissement Vivement dimanche, animée par Michel Drucker, le porte-parole de la LCR a pu développer la vision de son monde. Celui du travail avec « les masses, les exploités, les opprimés » dont il rêve qu’ils « fassent irruption sur la scène politique ». Le monde de la politique, justement, lui qui « milite pour la révolution ». Mais pas une révolution violente : « Pour moi, affirme-t-il devant Michel Drucker, la révolution, ce n’est pas une flaque de sang à chaque coin de rue. » Il a pu aussi stigmatiser « la grande distribution qui se fait des couilles en or ». Son monde à lui, enfin, avec des images le montrant jouer au football ou boxant. Et une confession quand il « revendique pour [sa] génération, un gros doute ». Mais pas une image de sa compagne, ni de leur fils. Ses goûts pour la chanson tournent autour de Bernard Lavilliers et Jean Ferrat, Zebda et Charles Aznavour.

Décontracté, souriant charismatique (« s’il te plaît, continue à parler ! » l’a exhorté la députée PRG Christiane Taubira), le jeune postier - il a eu 34 ans le 18 avril - a su habilement laisser parler deux femmes syndicalistes, l’une de l’ex-fabricant de stylos Reynolds à Valence, aujourd’hui disparu, l’autre d’une entreprise métallurgique de la région lilloise. Des témoignages bruts sur la condition de salariés précaires.

Personnalisation. Au final, l’ancien candidat aux présidentielles de 2002 et de 2007, aura peut-être réussi à éviter l’écueil de la pipolisation. Cette crainte avait été soulevée par le courant minoritaire de la Ligue communiste révolutionnaire et son porte-parole, Christian Picquet. Un Christian Picquet à qui la direction de la formation trotskiste vient de supprimer le poste de permanent qu’il occupait. Le leader de la minorité tirait la sonnette d’alarme il y a une semaine, quelques jours avant l’enregistrement de Vivement dimanche, sur les risques de personnalisation du débat politique : « Même si Besancenot invite une infirmière et un prolo, cela va concourir à la dépolitisation de la vie publique puisqu’ils ne seront là que pour contribuer à son édification. » Au contraire, le leader historique de la Ligue, Alain Krivine plaidait pour la participation d’Olivier Besancenot à l’émission dominicale : « Boycotter la télévision bourgeoise ? Si on fait ça, notre message ne passe nulle part. » D’emblée hier, le porte-parole de la LCR a précisé : « Je n’ai pas hésité une seconde à venir. C’est l’occasion de présenter un certain nombre d’engagements, de causes et de donner la parole à d’autres, de s’adresser à des millions de personnes, donc de s’adresser au peuple, quand on est une organisation populaire. » Même s’il a pris soin d’ajouter : « La représentation médiatique, je n’y ai toujours pas pris goût. »

Nouveau parti. Mais derrière la polémique (« Un peu une tempête dans un verre d’eau », dixit Besancenot) se cache un débat plus politique : quel visage donner au « nouveau parti anticapitaliste » qui devrait voir le jour à la fin de l’année ou début 2009. Globalement, pour la direction de la LCR, ce NPA doit se construire « à la base », avec des militants déçus, qu’ils viennent du PCF, des Verts ou du PS. Le « parti d’Olivier », comme l’appellent certains détracteurs, aurait vocation à concurrencer le PS sur sa gauche. « Je ne serai pas le seul leader de ce parti », a répété l’ex-candidat tout au long du dernier congrès de la Ligue, en janvier. Une stratégie que ne partagent pas les minoritaires, comme Christian Picquet qui dénoncent un « parti d’extrême gauche relooké », plaidant au contraire pour une formation large, construit avec des composantes venues de l’aile gauche du PS, du PCF, des Verts et des antilibéraux.

Par Pascal Virot.

"Tapis rouge pour Besancenot" ... (article du Figaro)

Le leader d’extrême gauche sera l’invité, dimanche 11 mai, de Michel Drucker.

A ceux que ça « gonflerait » de le regarder cette semaine sur le plateau de « Vivement dimanche », l’émission dominicale animée par Michel Drucker, le leader de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) donne un conseil « vachement simple » : c’est d’éteindre son téléviseur. Il parle comme ça, Olivier Besancenot. Titi parisien, jeune de son temps. Un peu comme on parlerait entre « potes », un mot qu’il emploie plus volontiers que « camarades ». Mais qu’on ne s’y trompe pas. Derrière ses airs juvéniles et son éternelle décontraction, Olivier Besancenot n’est pas un tendre, ni un homme de compromis. « La gauche qui ne lâche rien », c’est lui, dit-il souvent.

À ses détracteurs de la « gauche modèle » qui, à l’instar de Christian Picquet, chef de file de la tendance minoritaire de la LCR, lui reprochent d’avoir accepté de participer « à une émission de divertissement » au risque « d’appauvrir, voire de dépolitiser le débat public », Olivier Besancenot répond en haussant les épaules. « Je ne suis pas né en me disant qu’un jour je passerais à la télé. Si je suis là, aujourd’hui, c’est pour parler d’un certain nombre d’engagements, de causes, devant des millions de gens », a-t-il expliqué mercredi lors de l’enregistrement de l’émission, au Studio Gabriel, situé à deux pas de... l’Élysée.

Pragmatique donc, le très médiatique Olivier Besancenot. Les téléspectateurs qui, dimanche, espéreraient en savoir plus sur son univers familial en seront pour leurs frais. Parmi ses invités, pas de parents, ni de people, mais des anonymes brisés par la vie. Comme ces deux femmes syndicalistes, l’une d’une entreprise aujourd’hui fermée à Valence, l’autre d’une entreprise métallurgique de la région lilloise, qui se demandent comment on peut vivre aujourd’hui en France avec moins de 1 000 euros par mois.

Sur sa vie privée, tout au plus rappelle-t-il que ses parents, aujourd’hui retraités, étaient dans l’enseignement. Elle, psychologue scolaire. Lui, professeur de physique. On découvre la profession de sa sœur, hôtesse de l’air, et de son frère, informaticien. Sur sa compagne et son fils de quatre ans et demi, rien. Pas même une photo. Ah si ! Après les révélations de L’Express, selon lesquelles lui-même et sa petite famille auraient été espionnés d’octobre 2007 à janvier dernier par une officine privée, une plainte contre X a été déposée pour atteinte à la vie privée. « Je ne suis pas pleurnichard, mais c’est pas très agréable de savoir qu’on a été suivi pendant des mois », concède-t-il, assurant encore que « ces coups de pression ne fonctionneront pas » pour le faire renoncer à son engagement.

Sur son enfance, pas grand-chose non plus. Juste une photo. Lui, mignon blondinet, mèche sur le front. Le regard déjà ferme. Seule concession privée accordée au public familial de Michel Drucker, le témoignage, sur le plateau, de Pierre, son ancien instituteur. Lui-même vieux militant trotskiste ! « Ce qu’il voulait déjà, c’était être actif . » On découvre ainsi que le jeune Olivier donnait, « bien évidemment gratuitement », des cours de soutien en mathématiques aux camarades en difficulté de son collège. Son engagement politique débute alors qu’il n’a que quatorze ans. C’était auprès de SOS Racisme. Puis ce sera la LCR avec son mentor, Alain Krivine. Étudiant salarié, déjà à La Poste, Olivier Besancenot quitte la fac après une licence d’histoire et de nombreuses mobilisations étudiantes. « Un vrai charisme »

Malgré ces maigres confidences, Michel Drucker glisse, en coulisse, avoir en toute modestie trouvé l’émission intéressante. « Si il y a une émission qui n’est pas people, ni glamour, c’est bien celle-là », dit-il. « Olivier Besancenot a un vrai charisme, il occupe l’espace, il n’est pas là par hasard et je pense que beaucoup de gens seront touchés par sa sincérité », confie l’animateur vedette, dont c’était la 386e émission. Olivier Besancenot, lui, peut jubiler. Il a obtenu que rien, ou très peu, ne filtre de sa sphère intime. Deux mois de négociations entre l’équipe de Michel Drucker et la direction de la formation trotskiste auront eu raison de l’éventuelle curiosité des téléspectateurs.

En revanche, il a pu, dans cette émission de grande écoute, dénoncer en toute tranquillité « la grande distribution qui se fait des couilles en or », le prix des laitues qui « coûtaient avant un franc, aujourd’hui un euro », ou encore les délocalisations, ou la pénibilité du travail. Face à lui pas de contradicteur  Michel Drucker, toujours souriant, opine parfois du chef en écoutant ses propos et un public en grande partie acquis d’avance. Dans la salle, une cinquantaine d’invités ont été choisis par la direction de la LCR elle-même. Avant l’arrivée de l’« invité vedette », traité en tant que tel, un chauffeur de salle a fait répéter le public. Pour apprendre à applaudir « bien fort »...

Même lorsqu’en fin d’émission, il est interrogé par Claude Sérillon, Olivier Besancenot est resté maître du jeu. Du moins, maître du message qu’il souhaitait faire passer. Quitte à éluder. Extrait de l’échange :

« Rêvez-vous toujours du grand soir ?

Je milite pour la Révolution.

C’est-à-dire pour une insurrection armée ?

C’est à la population d’y arriver d’une manière ou d’une autre (...). Je crois aux luttes sociales. Pour moi, la Révolution, ce n’est pas une flaque de sang à chaque coin de rue. Maintenant, la question de la violence, j’aimerais qu’on la pose au pouvoir. La violence, aujourd’hui, ce sont les expulsions. »

Encore interrogé sur le nouveau parti anticapitaliste qu’il souhaite créer et qui irait au-delà de la LCR, Olivier Besancenot est resté flou. Au point que Claude Sérillon finit par voir en lui « plutôt un supersyndicaliste » à la pointe des luttes, qu’un véritable chef de parti « qui aurait une véritable analyse politique, comme par exemple sur les institutions ». Seul le chroniqueur gastronomique Jean-Pierre Coffe osera véritablement une petite moquerie : « Vous êtes tellement idéaliste et utopiste, qu’en face de vous, j’ai l’impression d’avoir dix-huit ans, c’est ça qui me plaît chez vous. » Nouvelle popularité

Face à ce véritable tapis rouge déroulé pour le leader de la LCR, la « gauche modèle », qui avait émis des doutes sur sa participation, pourra donc aller se rhabiller. Pour un peu, vue de cette petite lucarne, il disputerait presque à Michel Drucker son statut de « gendre idéal » ! Toujours sincère, toujours à se révolter des injustices de ce monde. Le « petit facteur » de Neuilly, qui rappelle au passage être le seul responsable politique à ne pas vivre de la politique « la politique ne doit pas être un métier, sinon on devient dépendant des mandats afin d’en vivre » , a gagné son pari : développer ses luttes, durant un après-midi entier sur une chaîne publique. Une occasion inespérée pour lui : l’émission est en moyenne regardée par 2 à 2,5 millions de téléspectateurs.

Surtout, il parvient à apparaître comme l’opposant le plus déterminé à Nicolas Sarkozy en occupant un espace médiatique laissé, selon lui, vacant par un « Parti socialiste qui devrait arrêter de nous faire croire que l’objectif de la gauche aujourd’hui, c’est 2012 ». « L’objectif, c’est d’arrêter tout de suite les délocalisations, de régulariser tous les sans-papiers (...), pas de savoir qui sera candidat dans quatre ans », martèle-t-il. Cette semaine, par exemple, Le Nouvel Observateur lui a consacré sa une, L’Express pas moins de cinq pages. Dimanche dernier, il était l’invité de Laurence Ferrari sur Canal +. Son passage sur France 2 éclipse dans les médias la fête annuelle que la formation d’Arlette Laguiller, Lutte ouvrière, tient ce week-end en son château de Presles...

Selon notre sondage OpinionWay paru cette semaine (nos éditions de lundi), si le premier tour de l’élection présidentielle avait lieu dimanche, le porte-parole de la LCR doublerait son score de 2007 (8 % contre 4 %). Soit des intentions de vote loin, très loin devant ses « amis » de la gauche de la gauche : 2 % pour la communiste Marie-George Buffet, 2 % pour l’altermondialiste José Bové, 1 % pour la trotskiste Arlette Laguiller et... 0 % pour Gérard Schivardi soutenu par les lambertistes du Parti des travailleurs.

La question pour Olivier Besancenot, aujourd’hui, est de savoir quoi faire de sa nouvelle popularité auprès des Français. La réponse n’est pas évidente. N’étant pas homme de compromis, sectaire disent certains, il a toujours refusé tout rapprochement avec la gauche de gestion. Au point de devenir malgré lui l’allié objectif de la droite. Un clou dans la chaussure du Parti socialiste, comme le Front national le fut en son temps pour le RPR.

Article du Figaro du vendredi 9 mai. Rodolphe Geisler


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