Pourquoi et comment réguler la finance ? par le collectif syndical LBO

jeudi 27 décembre 2007.
 

Le capitalisme a évolué au fil de l’histoire : depuis une vingtaine d’années, nous parlons de capitalisme financier, reposant sur le concept fondamental de « shareholder value », avec la surcréation de valeur pour l’actionnaire qui donne toujours plus de pouvoir aux financiers. Les LBO mis en oeuvre par les fonds d’investissement illustrent parfaitement ces évolutions avec un renforcement de la pression financière sur les entreprises.

Dans un processus de déréglementation générale de nos systèmes politiques et financiers, les marchés financiers se livrent à une concurrence effrénée au niveau de la planète, et dont la plupart d’entre nous mesurent mal encore les conséquences dramatiques et probablement irréversibles.

Ce capitalisme « sauvage » conduit irrémédiablement à la destruction de nos équilibres écologiques, sociaux, économiques et politiques, à la fragilisation de nos systèmes de production et de notre démocratie, à la disparition de l’ensemble des outils historiques essentiels à la poursuite du progrès économique et social dans notre pays.

Des critiques commencent à s’élever contre cette prise de pouvoir de financiers et alertent des dangers de ce nouveau capitalisme ; plusieurs ouvrages ont été publiés ces dernières années, avec des titres évocateurs comme

- Le Capitalisme est en train de s’autodétruire ou encore

- Ils vont tuer le capitalisme, dont les auteurs Patrick Artus, économiste de la Caisse des dépôts et de Natixis, et Claude Bébéar, l’un des plus grands patrons français, ne peuvent être soupçonnés d’antilibéralisme.

Certains responsables politiques ont tenu des discours tout aussi forts, mais dont l’application concrète nous éloigne malheureusement chaque jour un peu plus de solutions justes et pérennes.

À commencer par M. Nicolas Sarkozy lui-même : le 9 novembre 2006, lors d’un discours prononcé à Saint-Étienne alors qu’il était ministre de l’Intérieur, il a proposé que « l’État se dote d’un outil financier adossé à la Caisse des dépôts permettant de prendre temporairement et de façon ciblée des participations pour aider les entreprises stratégiques à passer une phase difficile alors qu’on les accule à mettre la clé sous la porte ou à aller à se vendre à des fonds étrangers qui n’ont d’autre but que de s’emparer de leur technologie ».

Dans les entreprises, si des syndicalistes non inféodés aux pouvoirs en place réagissent déjà à cette rupture, ils ne sont pas les seuls. Des patrons et des cadres dirigeants, isolés dans des syndicats patronaux englués par une idéologie dogmatique déconnectée des réalités économiques et sociales, commencent à prendre conscience du risque phénoménal engendré par ce nouveau capitalisme. Ils en mesurent bien les enjeux dans cette période charnière de notre histoire : alors qu’ils sont eux-mêmes piégés par ces mécaniques financières, ils réalisent qu’à terme nous nous dirigeons tous dans une impasse, lourde de conséquences pour nos démocraties futures.

Pour ces acteurs au centre de la vie économique, le marché financier n’est pas non plus une fin en soi. Et de leur propre avis, il est urgent que les syndicats salariés, mais aussi tous les citoyens, s’emparent de ces questions, afin de parvenir à peser sur l’organisation d’une régulation rapide et contraignante, conduisant les responsables politiques et les élus de la nation à légiférer.

Les « orthodoxes du capitalisme financier » redoutent une telle régulation, car synonyme du tarissement de leurs revenus exponentiels ; cependant, ils semblent ignorer que le système qu’ils défendent, voire qu’ils promeuvent, est tout aussi destructeur de démocratie, de liberté et d’espoir, qu’une économie trop administrée.

L’autorégulation du marché a montré à nouveau ses limites. À tel point que les banques centrales sont contraintes d’intervenir pour soutenir le système financier mondial à la suite de la récente crise des subprimes aux États-Unis. Cette régulation-là ne semble d’ailleurs pas déplaire aux financiers voyous : non seulement elle couvre leurs exactions sans leur imposer de sanctions, mais elle leur permet également de continuer à asseoir leur pouvoir fiduciaire sur la plupart des économies nationales.

Pour ceux qui en doutaient encore, il est clair maintenant qu’il existe une potentialité croissante d’amorçage de crises financières majeures en tout point du globe, et que les régimes politiques libéraux, intimement liés aux marchés qu’ils contribuent à déréguler, sont dans l’incapacité d’y faire face sans dégâts pour l’économie réelle.

Garantir pour les entreprises un accès égalitaire au crédit productif sans aliéner les entrepreneurs au pouvoir d’actionnaires ou de créanciers spéculatifs, renforcer les droits d’intervention des salariés dans les institutions représentatives du personnel, imposer la transparence des montages financiers constituent quelques-unes des pistes développées par le collectif LBO, afin de parvenir à une régulation de la finance souhaitée par une très large majorité de nos concitoyens.

Cela n’implique pas le blocage de la vie économique d’une entreprise socialement responsable.

Bien au contraire, lorsque toutes les parties prenantes concourent à la création et à la distribution équitable des richesses, cela contribue au développement économique durable des territoires et des bassins d’emplois, et favorise la démocratie sociale dans les entreprises.

L’accès au crédit facilité pour les sociétés, des relations aux donneurs d’ordre moins contraignantes, une transmission des patrimoines industriels, mais aussi des savoir-faire et des compétences garantissant la pérennité des activités et des emplois constituent quelques-uns des défis majeurs de la période, selon un grand nombre de dirigeants d’entreprises.

C’est pour cette raison que l’action (de conscientisation) engagée par le collectif LBO pour la mise en place d’un outil alternatif au sacro-saint marché financier, nécessaire pour atteindre ces objectifs, est considérée comme indispensable.

C’est dans cette perspective de progrès historique que notre action s’inscrit, afin de permettre une réelle accélération des convergences, et parvenir ainsi à une régulation de la finance, profitable à tous.

À ces patrons et cadres dirigeants, acteurs économiques citoyens souvent limités dans leur liberté ou leur champ d’expression, le collectif LBO, collectif syndical, est prêt à porter la voix, bien au-delà !

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LBO : De l’anglais « leveraged buy-out » : un financement d’acquisition d’entreprise LBO consiste à racheter cette entreprise par de l’endettement.

Déclaration de principes de LBO

L’action politique est devenue totalement dépendante de la sphère financière et actionnariale, abandonnée aux « experts » d’une économie mondialisée dans laquelle le modèle néo-libéral est en train de s’imposer comme unique modèle, à force de propagande outrancière, de mécanismes juridiques et financiers, piégeant même les pays démocratiques les plus avancés comme la France. La décision politique échappe ainsi de plus en plus aux citoyens : chacun doit contribuer à sa reconquête, au travers de démarches collectives rapides.

C’est le seul moyen qu’il nous reste pour lutter contre les impasses économiques, sociales et politiques, et donc humaines, auxquelles nous conduisent la stratégie économique mondialisée. Il est donc impératif de s’organiser davantage pour y faire face, pour constituer ce rempart aux dérives inéluctables conduisant à l’instauration des républiques bananières, des régimes féodaux mondialisés et des états policiers.

En France, berceau des Droits de l’Homme, nous disposons (pour combien de temps encore ?) d’outils juridiques, démocratiques et militants tout à fait exceptionnels, tant en qualité qu’en nombre ! Mais il est urgent et vital de leur donner pleinement les moyens de fonctionner. Sans un renforcement rapide de notre démocratie sociale, ce sont les fondements républicains et démocratiques de notre pays qui sont directement menacés !


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