Fondation du NPA : Un parti ? Quel parti ? (par Samy Johsua, LCR)

samedi 21 juin 2008.
 

Il est rare que, dans les débats constitutifs des comités pour un nouveau parti anticapitaliste (NPA), la question « Pourquoi un parti ? » ne surgisse pas. Se mêlent alors la mise en cause générale de « la forme parti » (souvent au profit de « réseaux ») et le bilan négatif des expériences vécues au sein de partis réellement existants.

Les « réseaux » ont un avantage, tant qu’ils sauvegardent effectivement les capacités de contrôle et d’initiative locales. Il en est ainsi si, l’objectif politique général étant fixé, la discussion porte surtout sur la mise en œuvre. Mais cet avantage est perdu, voire se retourne en son contraire, quand les choix politiques apparaissent délicats. Alors, en l’absence de procédures publiques et réglées permettant de trancher, c’est le règne de l’arbitraire, des petits chefs, des coteries. L’aspect libertaire se transforme en un anarchisme bureaucratique, anarchiste dans la forme, mais bureaucratique dans la réalité.

Il ne s’agit pas ici d’un simple problème de fonctionnement mais, avant tout, d’un problème d’ampleur stratégique. La justification fondamentale de la « forme parti » tient dans le choix de faire converger les résistances vers un changement de pouvoir, et dans la compréhension que l’ennemi dispose, lui, d’un cadre centralisé d’où s’organise sa domination, un État. Si l’on estime que la question du pouvoir ne doit pas se poser, pas besoin de convergence stratégique. La combinaison des luttes et pratiques alternatives suffit. Mais toute l’expérience historique démontre qu’en fin de compte, cela revient à laisser le pouvoir au pouvoir, et donc, pour ce dernier, les moyens de réprimer ou de récupérer les dynamiques alternatives. On peut aussi défendre que cette convergence est nécessaire, mais s’effectuerait par la fusion de tous les fronts de lutte. Mais, outre que le pouvoir dominant agit en permanence contre une telle « fusion », le surgissement d’un point de vue globalement opposé à ce pouvoir, celui d’une autre hégémonie idéologique, culturelle, pratique, politique, ne peut venir que d’une construction consciente. Celle qui s’appuie sur les bilans de l’histoire (et donc qui tient le coup dans les périodes de recul), sur la mise en liaison d’expériences diverses - sociales, nationales, générationnelles - sur l’élaboration constante d’un projet global.

La fonction du parti est d’abord celle-là. Mais sa « forme » elle, centralisée, tient profondément à l’existence de l’État. Et, inévitablement, ce parti aura tendance à hériter des défauts de cet État (et de la société bourgeoise en général) : hiérarchisation, bureaucratie, domination des hommes, de la nationalité majoritaire. On ne peut pas prendre l’un (le parti) sans l’autre (les dangers antidémocratiques). C’est cette certitude qui rebute tant de camarades. La seule issue est dans la conscience de cette situation, et donc dans la lutte opiniâtre pour limiter la portée des dérives inévitables.

Il faut ainsi considérer que les divergences sont légitimes, utiles. Il est normal qu’elles aient aussi une expression publique. Le débat doit permettre de faire la part de ce qui relève de situations et d’expériences différentes, mais aussi de sérieux désaccords politiques. Si ces derniers existent, le droit de s’organiser en tendances (internes, voire externes) pour convaincre le parti doit être impérativement garanti. La centralisation de l’action, quand il s’agit de questions engageant tout le parti, est évidemment une condition de l’efficacité. En même temps, elle est une condition de la vérification de la portée des divergences possibles, et donc une condition de la démocratie. Mais cette centralisation n’a pas de raison de s’étendre, par principe, à des décisions qui n’ont pas de portée générale. Un principe fédéraliste doit la contrebalancer, permettre une autonomie à définir, soit par thème, soit par zones géographiques. Enfin, le fonctionnement démocratique tient aussi à l’établissement de conditions de débat les plus égales pour tous : moyens intellectuels, avec l’insistance sur la formation, rythmes militants accessibles, attachement à ne pas reproduire la place subordonnée des femmes, etc. Sur tous ces thèmes, il faut aborder l’expérience du passé avec un œil critique, produire du nouveau si possible. Dans « nouveau parti », il y a « parti », et c’est un choix indispensable. Et il y a « nouveau »...


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