Venue du pape : SED TANTUM DIC VERBO….

vendredi 12 septembre 2008.
 

Cette rentrée comme les précédentes s’ouvre sur une pluie de mauvais coups gouvernementaux. La capacité de résistance et de riposte n’est pas ce qu’elle devrait être. C’est la France : la politique et le social y sont toujours très étroitement liés. Aujourd’hui, coincé dans les contraintes de portefeuille et devant le spectacle sidérant que donne le principal parti d’opposition les gens du commun rentrent la tête dans les épaules et grincent des dents contre la pluie et le ciel gris. Celui qui cherche à faire bien son travail d’opposant ne sait plus où donner de la tête tant il est sollicité. Le mieux est de tenir chacun sa tranchée et de porter main forte aux autres dès qu’on le peut, sans rien lâcher soi-même..

Pour ma part je ne veux pas laisser passer sans combat la visite du pape et son implication de long terme sur la politique française. Je mesure bien que ce n’est qu’un aspect de notre réalité. Mais cette barricade n’est guère encombrée ; si je m’en retirai il n’y resterait plus guère de parole politique de gauche. Je vais donc m’exprimer en divers endroits sur ce sujet. Ici aussi.

L’EUROPE CHRETIENNE

Le pape et le président ont en commun un projet de reconfessionalisation de l’espace public. Chacun des deux hommes pour son compte et d’après ses objectifs, s’implique dans la mise en œuvre de la théorie du choc des civilisations. Sarkozy avait affirmé à Riyad en janvier 2008 que « dans le fond de chaque civilisation, il y a quelque chose de religieux, quelque chose qui vient de la religion. […]C’est peut être dans le religieux que ce qu’il y a d’universel dans les civilisations est le plus fort. »

Dans la bouche de Benoit XVI, bien sûr, le lien est direct entre la civilisation européenne ou occidentale et le christianisme. Au point que pour le pape l’implication est personnelle. Après sa désignation en 2005, au cours de sa première audience générale, sur la place Saint-Pierre, Benoît XVI a ainsi expliqué qu’il avait choisi le nom de Benoît en référence au saint patron de l’Europe, qui « représente un point de repère fondamental pour l’unité de l’Europe et un rappel puissant des incontournables racines chrétiennes de sa culture et de sa civilisation ». C’est le cœur de son positionnement. Benoit XVI définit l’Europe « non comme continent géographique » mais comme « continent culturel » indissociable du christianisme.

Dans son discours du 24 mars 2007 pour les 50 ans du traité de Rome, il prétend que l’Europe a une « identité historique, culturelle et morale » avant d’avoir une identité « géographique, économique ou politique ; une identité constituée par un ensemble de valeurs universelles que le christianisme a contribué à forger, acquérant ainsi un rôle non seulement historique mais fondateur vis-à-vis de l’Europe. […] Ces valeurs, qui constituent l’âme du Continent, doivent demeurer dans l’Europe du troisième millénaire comme ferment de civilisation. Si celles-ci venaient en effet à disparaître, comment le vieux continent pourrait-il continuer à exercer sa fonction de levain pour le monde entier ? »

C’est le même raisonnement qui l’avait conduit à exprimer en 2005, un rejet de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne définie comme un espace chrétien plutôt que comme une entité politique libre. Alors encore cardinal, Joseph Ratzinger avait déclaré au Figaro Magazine : « l’Europe est un continent culturel et non pas géographique. C’est sa culture qui lui donne une identité commune. Les racines qui ont formé et permis la formation de ce continent sont celles du christianisme. Il s’agit d’un simple fait de l’histoire. J’ai donc des difficultés à comprendre les résistances exprimées contre la reconnaissance d’un tel fait incontestable. […]

C’est aussi la définition a laquelle adhère Nicolas Sarkozy. Dans son livre "La République, les religions, l’espérance" il affirmait en 2006 : « Il est certain que les valeurs chrétiennes ont été civilisatrices en Europe et leur influence dominante […]. On peut donc évoquer la primauté des racines chrétiennes de l’Europe quand on se place sur le plan historique. » Cette définition de l’espace politique par son implication dans une civilisation qui se définit d’abord par ses ancrages religieux est le cœur de la théorie du choc des civilisations. C’est celle dont se réclame ouvertement Nicolas Sarkozy. Le 30 janvier 2008, devant la Convention Europe de l’UMP il résumait sa pensée : « ce fut une erreur de tourner le dos à notre passé et de renier d’une certaine façon des racines qui sont évidentes. Et qu’on ne vienne pas me dire qu’on remet en cause la laïcité, […] quand même, dire qu’en Europe il y a des racines chrétiennes, c’est tout simplement faire preuve de bon sens, renoncer à le dire c’est tourner le dos à une réalité historique ».

L’ISLAM INTRINSEQUEMENT VIOLENT

Comme on le sait, la théorie du choc des civilisations repose sur l’affirmation des identités culturelles et donc religieuses qui partagent l’humanité. Mais cette appropriation identitaire ne se contente pas d’être un acte d’autodéfinition. Il est aussi une façon de désigner ses adversaires : les autres ceux qui ne sont pas de sa tribu. Samuel Huntington affirme que pour être soi-même on aurait besoin de haïr les autres. Bref, en toutes circonstances il y a « eux et nous ».

Le pape est bien calé dans cette façon de voir la réalité. Il en a donné un énoncé particulièrement net dans un discours prononcé à Ratisbonne le 12 septembre 2006 qui souleva, à l’époque un puissant tollé. Son propos était d’exposer les rapports entre la foi et la raison. Ce fut l’occasion d’une agression contre l’islam d’une particulière violence. Il affirma en effet le caractère intrinsèquement violent de l’Islam. En France ses paroles seraient sanctionnées par un juge. « Récemment, dit le pape, j’ai lu une partie du dialogue publié par le professeur Khoury (de Münster) entre l’empereur byzantin lettré Manuel II Paléologue et un savant persan dans le camp d’hiver d’Ankara en 1391, sur le christianisme et l’islam, et sur leur vérité respective. Dans le 7e dialogue édité par le professeur Khoury (‘dialexis’, « controverse »), l’empereur en arrive parler du thème du ‘djihâd’ (guerre sainte). […] Il déclare : « Montre-moi donc ce que Mohammed a apporté de neuf, et alors tu ne trouveras sans doute rien que de mauvais et d’inhumain, par exemple le fait qu’il a prescrit que la foi qu’il prêchait, il fallait la répandre par le glaive. »

L’empereur intervient alors pour justifier pourquoi il est absurde de répandre la foi par la contrainte. Celle-ci est en contradiction avec la nature de Dieu et la nature de l’âme.[…] La principale phrase dans cette argumentation contre la conversion par contrainte s’énonce donc ainsi : Ne pas agir selon la raison contredit la nature de Dieu. Le professeur Théodore Khoury, commente ainsi : pour l’empereur, « un Byzantin, nourri de la philosophie grecque, ce principe est évident. Pour la doctrine musulmane, Dieu est absolument transcendant, sa volonté n’est liée par aucune de nos catégories, fût-elle celle du raisonnable ».

Cette vision de l’islam intrinsèquement violent est exactement celle que donne Huntington lorsqu’il met en garde contre ceux qui croient que le seul problème en la matière ce serait les islamistes et non leur religion. Pour lui, depuis dix siècles la religion du prophète est un adversaire violent et brutal par nature. De son côté, s’il n’entre pas dans de telles définitions, le président de la république n’en épouse pas moins la conclusion. Trois mois après son élection, dans son premier discours devant les ambassadeurs de France, il a désigné « le « risque de confrontation entre l’islam et l’occident » comme le premier défi de notre temps. En Afghanistan nous en sommes aux travaux pratiques.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message