Congrès du PS : rompre avec le blairisme rampant (point de vue de Philippe Marlière, maître de conférences en sciences politiques, à l’université de Londres)

samedi 4 octobre 2008.
 

Lors de son prochain congrès du 14 au 16 novembre, le Parti socialiste s’entêtera-t-il dans la ligne social-libérale adoptée dans les années 1990 ou fera-t-il le choix d’un socialisme moderne ? La première option, mise en oeuvre par François Hollande et ses alliés, s’est soldée par de retentissants échecs aux élections présidentielles de 2002 et de 2007. L’option d’un socialisme de combat contre la réaction sarkozyste n’a pas encore été tentée.

Le dépôt des quatre motions principales (il y en a six en tout) a relégué au second plan les luttes personnelles pour l’investiture présidentielle. Surprise, la politique et les affrontements d’idées pourraient même figurer au centre des débats à Reims ! Le jeu des alliances a créé une situation inédite : les droites partent au combat désunies et les gauches se retrouvent dans une seule motion. Au centre, Martine Aubry sera en position d’arbitre pour faire pencher le parti à droite ou à gauche.

Ayant perdu tout espoir de succéder à Hollande, Ségolène Royal semble ostensiblement tourner le dos au PS, à ses traditions, à ses électeurs, à la gauche : sur le social, elle reprend les recettes éculées du néolibéralisme (opposition aux 1 500 euros mensuels, renoncement aux 35 heures, ralliement à la retraite par points du MEDEF). Royal propose aux socialistes une alliance avec François Bayrou, soit un retour aux heures les plus droitières de la SFIO sous la IVe République. Elle s’appuie pour cela sur un groupe de caciques (Collomb à Lyon et Guérini à Marseille) ; le nouveau courant blairiste depuis le ralliement de Bockel, Besson et Kouchner au sarkozysme. Julien Dray, l’ « ex-nouveau » bras droit de Royal, y prône une alliance « arc-en-ciel », du NPA au Modem ! En réalité, Royal souhaite transformer le PS en un Parti démocrate à l’italienne. En Italie, ce parti centriste est en crise après avoir été sévèrement battu par Berlusconi.

Bertrand Delanoë, secondé par Hollande, dirige la seconde motion de droite. Dans un ouvrage paru cet été, Delanoë s’est présenté en « libéral » et en chantre de la libre entreprise. Ces déclarations intempestives ont enrayé son ascension au sein du parti. Ce bloc de jospinistes, respectueux de l’histoire du parti, vise à restaurer la centralité de l’appareil dirigeant, déstabilisé par les échecs de la ligne Hollande (rejet de la constitution européenne, percée de Royal). Ce groupe pourra « gauchir » son discours si le besoin s’en fait sentir (Delanoë est contre une alliance avec le Modem), mais il est intrinsèquement social-libéral.

Au centre, Martine Aubry tentera de prendre le parti sur la gauche… en s’appuyant sur une nébuleuse droitière : ex-rocardiens, strauss-kahniens, Montebourg et ses amis. L’apport des fabiusiens est ici important. Bien que recentré depuis 2005, Laurent Fabius continue de critiquer le social-libéralisme de la direction socialiste. Ce sous-groupe pourrait oeuvrer à un rapprochement avec la motion de gauche...

La nouveauté de ce congrès est l’union des gauches : Hamon-Emmanuelli, Lienemann, Filoche, Mélenchon-Dolez. Alliés aux fabiusiens, ces courants avaient politisé les débats internes en 2005-2006 (critique du capitalisme financier, du libre-échange généralisé, de l’Europe des marchés) et séduit de nombreux militants. Cette gauche avait pourtant trahi leurs espoirs en ralliant la synthèse générale au congrès du Mans. Dans la démobilisation militante qui s’en était ensuivie, Royal avait été tranquillement investie, sur la foi de sondages flatteurs et du soutien de médias complaisants.

Benoît Hamon emmène la gauche socialiste et offre un renouvellement générationel attendu. Dans la débâcle financière actuelle, la promotion d’une « économie sociale et de marché régulée » n’est peut-être pas révolutionnaire, mais elle est à coup sûr en rupture avec le blairisme rampant des motions de droite. Contrairement à ce que ces droites voudront faire croire, les débats à Reims n’opposeront pas « révolutionnaires » et « réformistes », « audacieux » et « timides », mais des socialistes qui veulent rompre avec deux décennies de complicité avec le néolibéralisme et ceux qui s’y refusent.

La victoire de l’option socialiste est la condition sine qua non du retour au pouvoir de la gauche et de la mise en oeuvre de mesures sociales en faveur du salariat. La défaite de l’option socialiste constituerait la défaite de toute la gauche. Inversement, sa victoire favoriserait le renouveau de la gauche dans son ensemble.

De : Philippe Marlière

lundi 29 septembre 2008


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