Au cinéma ce soir : Faubourg 36, de Christophe Barratier

mercredi 1er octobre 2008.
 

Faubourg 36 aurait pu être un de ces films sans étoffe, un mélo social bourré de clichés remâchés, une histoire de nobles sentiments noyés dans une bouillie de ringardises et d’images à l’odeur de naphtaline. Mais Faubourg 36 n’est rien de tout cela. Ce film est tout simplement un petit bijou, un de ces petits chefs d’œuvres sans prétention, qui, dans la droite ligne de Monsieur Batignole, des Choristes ou d’Amélie Poulain, nous entraîne bien au-delà de la nostalgie d’une époque.

Faubourg 36 nous plonge dans l’univers des valeurs et des sentiments de la vraie vie, ceux qui appartiennent à tout le monde, ceux qui vous vont droit au cœur et dans lesquelles chacun peut se reconnaître.

Le titre du film en plante le décor. Nous sommes dans un faubourg parisien à l’époque du Front Populaire. Le « Chansonia » est un petit music-hall de Ménilmontant en pleine déconfiture. Pigoil (Gérard Jugnot), le régisseur délaissé par sa femme, Milou (Clovis Cornillac), le syndicaliste gouailleur, toujours prêt à en découdre avec les fascistes, et Jacky, (Kad Merad), un imitateur plutôt médiocre, forment le noyau de la troupe. Le premier ne veut pas entendre parler de grève, parce qu’il aime trop le « Chansonia ». Le deuxième ne pense qu’à la Révolution, quant au troisième, il se moque de la politique, et n’y comprend rien. Mais leur amitié dépasse ces clivages. Ce sont ces trois personnages, bientôt rejoints par la jolie Douce, embauchée comme chanteuse par le nouveau propriétaire, membre d’un parti d’extrême droite, que nous suivront tout au long de ce périple romanesque aux allures de titi parisien.

Dès les premières images du film, nous sommes embarqués dans le tourbillon d’une aventure humaine où se mêlent, avec une même intensité dramatique, avec un même éloge de la solidarité et de la fraternité, le récit des petits combats de la vie et celui des luttes politiques et sociales de l’époque.

Cela commence très mal. L’établissement est en faillite. Le propriétaire se suicide dans la nuit de la Saint Sylvestre alors que les comédiens finissent leur spectacle en chantant la nouvelle année, celle de 1936. Face à la crise que traverse le « Chansonia », face à la montée d’un fascisme naissant, les employés du petit music hall s’accrochent à leur rêve, à cette passion du spectacle qui les unit, à cette solidarité renforcée par une détermination commune à réussir un projet fou, celui de faire revivre le « Chansonia », celui de l’amener à sommet du succès.

Christophe Barratier fait du cinéma populaire avec la sensibilité de ces auteurs qui aiment faire partager les émotions de la vie simple. Faubourg 36 est à la fois une comédie musicale, une comédie sentimentale, une comédie dramatique, une belle histoire, mais c’est aussi une performance d’acteurs. Ils sont tous, chacun dans leur rôle, d’une grande authenticité.

Gérard Jugnot est inégalable dans sa partition. Le personnage de Pigoil, éternel perdant de la vie, lui va comme un gant. Milou, le militant insatiable amoureux transi de la belle Douce nous fend le cœur. Mais que dire de Jojo, le fils de Jugnot/Pigoil, jouant de l’accordéon pour payer l’ardoise laissé chez l’épicier par son père qui noie son chagrin dans l’alcool ? Que dire de la jolie Douce, troublante et sublime lorsqu’après avoir révélé au grand public ses talents de chanteuses, elle choisit de revenir au « Chansonia » ? Que dire de Jacky Jacquet qui fait un bras d’honneur aux fachos qui l’embauchaient pour égayer leur meeting. Que dire de Max, ancien chef d’orchestre, interprété par Pierre Richard ? Ils nous touchent, ils nous bouleversent tout au long du film, et sans qu’à aucun moment on ait l’impression du surfait.

Comme d’autres spectateurs dans la salle, j’ai sorti mon mouchoir pour essuyer quelques larmes. Je ne me suis pas précipitée vers la sortie au moment du générique.

Après avoir vu Faubourg 36, comme après avoir vu certains films, de ceux qui nous font rêver et nous ébranlent un peu, on a envie de garder longtemps ce pur moment d’émotion, d’emporter avec soi le souvenir d’un Paris où certes il y avait de la misère et de la pauvreté, mais aussi des ouvriers, du lien social et une culture populaire qui rendaient la capitale bien plus vivante et humaine qu’aujourd’hui.

mardi 30 septembre 2008, par Brigitte Bré Bayle


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