LA VIE PRIVEE AUSSI DEVIENT PROPRIETE PUBLIQUE ! A propos de l’enquête sur Olivier Besancenot

lundi 27 octobre 2008.
 

Les jours passent si vite ! Dimanche j’étais à la manifestation pour la défense de l’école, à Paris. Hier le Sénat a supprimé la disposition de la loi Boutin qui prévoyait la réduction du quota de logements sociaux obligatoires dans les communes. On ne peut pas dire que tout cela ait mobilisé l’intérêt. En ce moment l’affaire qui mobilise l’espace médiatique, l’écran de fumé de service, c’est l’affaire DSK. Je n’arrive pas à éprouver le moindre intérêt pour cette histoire, alors même que j’y suis poussé de tous côtés comme tout le monde. Pour moi s’il y a un problème c’est celui des voyeurs et des pervers qui ont affiché leur pseudo émotion, battu de toutes leurs forces la grosse caisse tout autour et soufflé avec jubilation dans les trompettes de la renommée. J’avais eu la même nausée quand le chef du bureau de la propagande sur la pure vérité vraie à Bruxelles pour le journal "Libération", avait, avant même le départ de DSK, commencé les mises en causes personnelles sur un registre hyper graveleux. Juste un peu de paranoïa me permet de penser que ce rebondissement doit mettre en scène, tapis dans les lattes du sommier, bien des cafards se touchant les antennes. Ca me rend DSK sympathique alors même que je ne crois pas que ce soit la place d’un socialiste d’être à la tête du FMI.

N’empêche. Je décide de sacrifier moi aussi à la mode. Je m’intéresse à une enquête sur la vie privée d’un homme politique. Celle d’Olivier Besancenot. C’est moins aguichant mais c’est sérieux. Très sérieux.

En début de manifestation pour la défense de l’école j’ai croisé olivier Besancenot et je lui ai dit quelques mots de soutien à propos de l’affaire de l’opération présumée d’espionnage dont il a été victime.. Vous vous souvenez, bien sur, de cette histoire. Le 5 mai 2008, le magazine « L’Express » avait révélé qu’Olivier Besancenot avait fait l’objet d’une surveillance et de filatures étroites par une officine privée, notamment d’octobre 2007 à janvier 2008. Le journal citait des extraits du rapport de surveillance qui aurait été réalisé par cette officine. On y trouvait le détail des allées et venues de Besancenot et de sa famille : non seulement son épouse, leurs coordonnées bancaires, la situation de leurs comptes bancaires, le plan de leur appartement, des informations sur leur voiture mais aussi sur leur enfant, depuis l’adresse de la maternelle où il est scolarisé jusqu’ à ses « habitudes de vie », et ainsi de suite.

Puis, lundi, on a vu des images de Besancenot à la sortie du procès que lui faisait les responsables de l’entreprise Taser. Certes il était cocasse de le voir poursuivi par ceux là même qui, bientôt, vont avoir à rendre des comptes à son sujet.

Mais ce n’est pas le plus percutant dans cette histoire. J’ai une autre préoccupation. En effet, pour moi l’affaire de l’« espionnage » d’Olivier Besancenot, a pris une dimension particulièrement troublante avec la découverte de l’implication de plusieurs policiers et d’un douanier parmi les dix suspects qui ont été interpellés et placés en garde en vue ? Pourtant, pour l’instant, ni le ministère de l’Intérieur, ni une quelconque autorité de l’Etat ne se sont exprimée pour donner la moindre explication sur cette implication plus que douteuses d’agents de la force publique dans une opération visant un responsable politique du pays de surcroit ancien candidat à une élection présidentielle ayant bénéficié de la confiance de près de cinq pour cent des électeurs. Je ne dis pas que sa situation lui vaille des droits particuliers mais je pense en revanche que cela crée des devoirs particuliers de l’Etat à l’égard de ce qu’il représente.

Pourquoi ce silence ? Le ministère de l’Intérieur ne pourra d’ailleurs pas dire qu’il n’a pas été alerté ou interrogé sur le sujet. Car précisément, j’ai pris la peine le 22 mai 2008 dernier de poser une question écrite parlementaire à la ministre de l’Intérieur. Comme le règlement interdit de nommer de noms propres dans ces questions officielles j’avais même pris la peine d’envoyer une lettre pour bien préciser noir sur blanc de qui je parlais. Voici le texte de ma question : « M. Jean-Luc Mélenchon appelle l’attention de Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur les pratiques illicites de surveillance et de fichage dont a fait l’objet le porte-parole d’une formation politique et ancien candidat à l’élection présidentielle, ainsi que sa famille. La victime de ces abus étant un responsable politique que l’on a manifestement voulu intimider, il considère que son espionnage porte gravement atteinte au fonctionnement démocratique et pluraliste de notre République. Sans préjudice de l’enquête préliminaire ouverte à ce sujet par le parquet de Paris, il souhaiterait connaître les mesures que le ministère de l’intérieur entend prendre pour prévenir ces pratiques abusives de la part d’organismes privés de surveillance et de sociétés de détectives privés. Il souhaiterait connaître le régime légal sous lequel s’exercent leurs activités et quelles sanctions peuvent être prises par les pouvoirs publics en cas de violation des libertés publiques par celles-ci ou d’autres manquements à leurs obligations. Les violations de la vie privée dont a été victime ce responsable politique ayant pu comporter l’accès à des fichiers administratifs confidentiels (notamment le fichier des cartes grises), il souhaitait savoir si une enquête administrative a été ou va être lancée pour attester d’éventuelles atteintes au secret professionnel et, le cas échéant, les sanctionner. »

Cette question a été publiée au Journal officiel du 22 mai 2008, page 994. On note que si je lui demandais quelles mesures elle entendait prendre pour prévenir de tels abus, je l’interrogeais aussi directement pour savoir si une enquête administrative avait été ou allait être lancée compte tenu de l’implication présumée de services de l’Etat dans cette affaire. A l’époque on connaissait déjà la présence d’informations issues du fichier des cartes grises dans le rapport de surveillance. L’enquête publiée par l’Express montrait que cette opération avait manifestement bénéficié d’appuis au sein de l’administration. Pourtant cela ne sembla nullement préoccuper la ministre de l’Intérieur. Elle ne prit même pas la peine de me répondre avant l’été. Trois mois plus tard ! Et encore il faut lire cette réponse ! Il me fallut attendre la fin du mois d’août pour découvrir la publication au journal officiel du 21 aout 2008, page 1688, une réponse se bornant à me rappeler la réglementation en vigueur. Mais à propos d’enquête administrative ? Rien. Pas un mot ni une allusion.

Le ministère de l’Intérieur se drapait à cette occasion derrière le fait que « l’autorité judiciaire a été saisie et mène les investigations nécessaires ».Ce n’est pourtant pas l’autorité judiciaire qui est compétente pour effectuer une enquête administrative … Quelle fut donc ma surprise ( hum, je pousse un peu d’accord !) quand j’ai découvert dans les dépêches qui relatent l’interpellation des fonctionnaires de police et des douanes que l’Inspection générale de la Police nationale, service placé sous l’autorité de la ministre de l’Intérieur, était directement impliquée dans l’enquête. Le ministère de l’Intérieur s’est donc bien intéressé de près à cette affaire. Il a bien pressenti, comme moi, une implication possible de ses services dans ces opérations d’espionnage. Mais pourquoi avoir caché l’existence de cette enquète. Et nul ne sait ce qu’elle a permis de découvrir.

Quel a été exactement le rôle de ces policiers ? Comment des fonctionnaires de police, intégrés dans une chaîne hiérarchique très serrée, ont-ils pu participer à de telles opérations d’espionnage privé sans que leur hiérarchie ait été informée ? Pourquoi surtout aurait-ils pris, à titre personnel, un tel risque sachant combien serait sensible un dossier touchant une personnalité aussi en vue et politiquement active qu’Olivier Besancenot ? Je vais donc devoir désormais demander à la ministre de l’Intérieur si le mensonge par omission fait partie des réponses normales faites aux parlementaires, puisqu’en l’occurrence il y a déjà eu enquête administrative mais sans qu’on m’en informe alors même que c’était l’objet de ma question.…Ma question est déjà partie…


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