« Que mille Marx s’épanouissent ! »

dimanche 29 novembre 2009.
 

À partir du réel du militant d’organisation s’élaborent les outils nécessaires à une transformation de la société. Transformation elle-même utopique sans l’appui stratégique d’une organisation. Daniel Bensaïd, plutôt qu’un intellectuel engagé, se veut donc un « engagé intellectualisé ». Acteur de 68, philosophe aujourd’hui membre de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), sa pensée, ses interventions dans le débat d’idées sont indissociables de son appartenance à un parti politique héritier d’une histoire révolutionnaire dont mai 68 est un jalon. Quarante ans après, les trotskistes composent l’extrême gauche constituée de la vie politique française. La disponibilité au nouveau des intellectuels de cette tendance l’explique en partie, qui leur permet, au-delà des dogmatismes, de contribuer à actualiser des concepts tels que la lutte des classes. L’internationalisme, de son côté, ouvre des horizons, cependant que les engagements dans diverses expériences, fussent-elles « réformistes », sont autant de coups à jouer dans la durée. En témoignent, entre autres, l’intérêt de Daniel Bensaïd pour les mouvement sociaux de la fin des années 90, le zapatisme ou encore sa participation au projet de budget participatif de la municipalité de Porto Alegre, au Brésil.

Sommaire

* Un engagé intellectualisé * De l’utilité d’un parti * Évidente lutte des classes * Lexique en crise * Élections, piège à cons (...)

Un engagé intellectualisé

Il y a une formule qui me gêne toujours, c’est celle d’intellectuel engagé. On a l’impression qu’on est d’abord un intellectuel, donc un être de raison et qu’en tant qu’être de raison on va, tout bien pesé, décider de sa vie, de ce qu’on fait. Pour plaisanter, je retourne la formule et je dis : « Je suis plutôt un engagé intellectualisé. » Tu tombes dedans, d’une certaine manière. Après, il y a les histoires, les biographies personnelles. Ce qui est sûr, c’est qu’une génération a été marquée, mais sortie d’un creuset relativement petit… Je pense que les étudiants communistes, à la plus belle période de leur histoire, n’ont jamais dû avoir plus de trois à cinq mille membres au début des années 60. C’est la génération de la guerre d’Algérie, des gens qui ont vingt ans au début des années 60, qui sont nés pendant ou à la fin de la guerre. Beaucoup viennent de familles d’origine juive, pour qui la guerre n’est pas totalement finie. Pour moi, il y a d’abord un engagement par les circonstances biographiques, familiales, sociales ; le climat toulousain sûrement, la proximité de la guerre d’Espagne. À la Jeunesse Communiste, il y avait plus de JC espagnols que français. La JC espagnole existait à Toulouse. Il y avait les vieux anars qui refaisaient la bataille de Guadalajara tous les dimanches matins à la Bourse du travail. Après, comment trouver un équilibre ? C’est assez curieux. Quand on a été exclu de la JC, j’étais encore à Toulouse. De l’UEC en 66, on a créé quatre groupes de réflexion : un sur Lacan, un sur Roland Barthes, un sur Lévi-Strauss et un sur Godelier.

Sans complaisance, la rencontre avec Gatti a été importante pour nous. On était un cercle de la JC au lycée, on nous avait emmerdé. J’étais dans un lycée mixte et, quand on a adhéré à la JC, on a voulu nous mettre dans des cercles non mixtes. Il y avait l’UJFF pour les filles, c’était le collège des Oiseaux, et la JC pour les garçons. On est vite entré en conflit avec le Parti. Je pense que Gatti revenait de Cuba, il montait Chronique d’une planète provisoire. On le capturait pour aller jusqu’à 2h du matin dans une arrière-salle de café pour qu’il nous parle de Cuba, d’Henri Michaux. Pour nous, c’était une ouverture considérable. Il y avait Adrien Dax à Toulouse, qui était un ancien du groupe surréaliste. Il y avait Raymond Borde et la cinémathèque de Toulouse qui était aussi dans cette mouvance-là. C’est vrai qu’en France, paradoxalement, il y a un rayonnement, non pas du trotskisme politique, mais plus généralement d’une approche de la politique, de la littérature qui a été portée par des gens comme Naville, comme Maurice Nadeau qui a joué dans l’édition, et qui continue à jouer, à 97 ans, un rôle étonnant. Tout cela a fait qu’on n’avait pas le même rapport de méfiance, que le PC a entretenu, avec le champ intellectuel. Le PC a eu un rapport d’instrumentalisation des intellectuels : pétition, etc. Cela vient même d’avant le Parti communiste. Si on lit des vieux communards, on voit bien d’où vient la méfiance par rapport aux intellectuels en France : c’est le sentiment du mouvement ouvrier d’avoir été trahi par les Républicains en 1848 au moment de la Commune. C’est le fait aussi qu’en France l’institution universitaire a une énorme capacité de cooptation par le jeu des grandes écoles, des bourses, et donc aussi d’écrémage de ce qui pouvait apparaître comme source de renouvellement intellectuel dans les classes populaires… Pourquoi le Parti bolchevique en Russie accueille-t-il une élite intellectuelle ? C’est que la société russe était complètement bloquée. C’étaient des gens qui avaient quelque chose d’original, des comptes à régler avec la société. Ils ne pouvaient pas être canalisés dans l’université tsariste. C’est vrai dans une moindre mesure en Italie. Il y a un rapport très spécifique en France entre le mouvement ouvrier et le monde intellectuel. On est arrivé à un moment où ce rapport s’est dégelé…

Le fait d’avoir rompu avec le Parti communiste ou d’en avoir été exclu a été, finalement, douloureux. Il ne faut pas minimiser. Personnellement, c’était une rupture de milieu : je quitte le Parti, il me vire, mais je le souhaite. Mais le Parti n’était pas pour moi que les bureaucrates. Mes parents avaient un petit bistrot de quartier à Toulouse, c’étaient les gars qui racontaient leur Résistance, les gens des Brigades internationales. Je romps avec un appareil bureaucratique que je déteste, mais je romps aussi avec ces gens-là qui vont m’en vouloir parce que je fais des études. Le fantasme de trahison de classe qui a hanté Nizan toute sa vie est aujourd’hui difficile à imaginer. Ça a été très fort. Et la méfiance, ce n’est pas par hasard. Dès qu’on fait des études universitaires, après avoir jeté sa gourme, on va passer de l’autre côté. C’était un défi qu’on voulait relever aussi. Et, sans fétichiser, l’idée d’un collectif, d’une organisation, c’était aussi cela : un contrepoids à la tentation des carrières solitaires, des promotions académiques. Finalement, ce n’est pas ce qui pour nous était le plus important. Il ne faut pas dire que cela a été un sacerdoce et un sacrifice de militer. Il y a des pays où c’était le cas. En France, on a été interdit deux fois, mais il n’y a pas eu de massacre, d’années de prisons, sauf pour Rouillan et Action directe. On ne peut pas dire qu’on ait fait de gros sacrifices. En revanche, on a rencontré des gens et fait des expériences intéressantes. L’autre aspect du militantisme dans une organisation c’est aussi, pour moi, un principe de responsabilité par rapport à ce que l’on dit. Les médias aidant, je trouve qu’il y a une irresponsabilité intellectuelle considérable aujourd’hui en France. Les gens peuvent raconter tout et n’importe quoi, le contraire le lendemain, sans jamais rendre compte de pourquoi ils ont changé, sur quels arguments. Le fait d’appartenir à une collectivité militante laisse une trace, on peut vérifier, on sait pourquoi ou, en tout cas, on essaie de comprendre pourquoi on s’est trompé, pourquoi on a changé. C’est un principe de modestie ou d’humilité. Là encore, les médias font croire qu’on peut être intelligent tout seul. Non, les idées, on les exprime plus ou moins bien, mais elles viennent toujours d’une expérience beaucoup plus large et collective.

* Juste après 68, tu as 22 ans, le vent va souffler fort contre le marxisme

J’ai l’impression qu’il y a une mythologie aujourd’hui. C’est vrai qu’en 67 à Nanterre, on pouvait faire un sujet de maîtrise sur la crise révolutionnaire chez Lénine, mais avec Henri Lefebvre. Il n’y avait pas des Henri Lefebvre partout. Aujourd’hui, on retient Althusser comme s’il y avait eu un âge d’or du marxisme à l’université en France. C’est en partie une illusion d’optique. Il y a eu quelques points d’ancrage. Il y avait une puissance de rayonnement, y compris culturel, du PC. C’est difficile à imaginer aujourd’hui et ce n’était pas forcément universitaire : cela pouvait passer par le théâtre, les municipalités, les relais syndicaux. À l’université, la culture marxiste restait marginale, il ne faut pas se raconter d’histoire. Il n’y avait que quelques profs.

Après, il y a eu un véritable refoulement. Mais c’est le tournant des années 70, le goulag, ce qu’on a pu appeler l’effet Soljenitsyne – pour beaucoup la révélation sur les camps —, le traumatisme de la Tchécoslovaquie, qui a pesé plus lourd que le traumatisme de la Hongrie en 56. Tout cela s’accumulant, on voit poindre le discours des nouveaux philosophes : c’est la faute à Marx ou à Rousseau. En même temps, je crois que c’est un phénomène contradictoire. D’une part, cette offensive, pour nous — c’est un « nous » collectif —, a peu pesé parce que, finalement, notre univers de pensée n’a pas été détruit par tout cela. Même par la chute du Mur de Berlin. Je ne dis pas qu’on en sort indemne. On a partagé des illusions du XXe siècle, on en est partie prenante. Mais on avait aussi des outils pour comprendre ce qui se passait. Pour nous, Soljenitsyne n’était pas une révélation. On avait lu David Rousset, Victor Serge. Au contraire, c’était une confirmation. Ce n’est pas un univers qui s’effondre. Trotski a dit des conneries. Mais, y compris dans les conneries, c’est quelque chose dont on peut garder le fil pour comprendre ce qui s’est passé dans le XXe siècle — peut-être pas tout, mais suffisamment pour ne pas perdre les pédales. D’une certaine manière, cette offensive contre Marx ou le marxisme est paradoxale — Newsweek titrait au début des années 80, à la une : « Marx est mort ». C’est un titre bizarre, parce que personne n’éprouve le besoin d’annoncer la mort d’Aristote ou de Descartes… Quand on annonce la mort de quelqu’un à la une d’un magazine, c’est qu’il inquiète encore, que cela bouge encore. D’ailleurs, cela s’est mis à bouger de plus en plus au fil des années 90, le discours libéral triomphaliste de Georges Bush senior a perdu de sa superbe. On ne s’en rend pas compte, mais, en moins de quinze ans, le libéralisme triomphant a perdu beaucoup de légitimité. Il est même dans un état de délabrement inquiétant pour lui.

En revanche, la perte du monopole d’un discours marxiste officiel, qui est presque un discours marxiste d’État ou de Parti, a, au contraire, libéré une relecture critique de Marx. On a pu librement aller chercher ses points obscurs, voir ce qu’il y avait d’illusion sur le progrès, mais aussi des germes de critique sur l’écologie, sur la question de la rente foncière, sur l’agriculture moderne. Il y a cela aussi. Marx se chamaille parfois avec lui-même, ce n’est pas une pensée d’un bloc. Et on peut chercher là-dedans ce qui est utile à réactiver aujourd’hui et qu’on ne voyait pas à l’époque. Il y avait une vulgate officielle qui était le marxisme version manuel du Colonel-Fabien, qui était une chose très particulière. Donc la fin de ce marxisme-là nous a libérés. « Que mille Marx s’épanouissent », pourrait-on dire… De l’utilité d’un parti

* Il y a en effet à l’époque cette interrogation constante, qui semble aujourd’hui obsolète : si les communistes étaient arrivés à se débarasser du Parti… On a sans cesse recours aux idéologies communistes, mais l’existence d’un parti constitué y fait obstacle. On se dit alors qu’il n’y a pas de possibilité de recomposition tant que cette sorte de rocher obsolète fait partie du paysage. Comment vois-tu cela ?

On avait publié en 69 un bouquin sur les conséquences de la bolchévisation dans les années 20, processus par lequel le Parti s’est bureaucratisé. Le vieux Charles Tillon, des FTP, m’avait dit : la bolchévisation, c’est ce qui a étouffé la vie démocratique dans le Parti. Mais souvent on impute à la force organisationnelle des travers qui s’appliquent à toute forme organisée dans la société. Le danger bureaucratique, personne n’y échappe : ni les administrations, ni les partis, ni les syndicats, ni, aujourd’hui, les ONG. Parce que la bureaucratisation est liée à la division sociale du travail dans nos sociétés. Tant qu’on n’aura pas les moyens de dépasser cette division, notamment entre travail manuel et travail intellectuel, il y aura un effet récurrent de bureaucratisation. Paradoxalement — et je sais que je suis à contre-courant —, je trouve qu’une organisation est un des meilleurs moyens de résister à ce phénomène. Un parti, ou un mouvement — peu importe le nom qu’on lui donne —, c’est-à-dire une organisation avec un statut, ses délimitations, ses règles de vie interne. Pour moi, c’est un moyen de résister à ce que j’appelle la démocratie d’opinion. J’entends par là la manière dont la logique médiatique sélectionne les porte-parole en fonction de leur image, leur sympathie, leur docilité éventuellement. Comment rester maître d’une parole collective et ne pas en être dépossédé au profit d’un mécanisme plébiscitaire ? On a bien vu, par exemple lors de la dernière campagne électorale, que le souci commun de Sarkozy et Ségolène Royal était de s’émanciper de leur parti, en particulier Ségolène, pour mieux établir un rapport direct avec l’opinion publique, avec ce que ça implique de démagogie. C’est une tendance qui lamine les formes intermédiaires, la pluralité des forces organisées en présence. Après, on peut discuter du fonctionnement des partis, de la relation à entretenir avec les mouvements sociaux, avec les syndicats. Il y a des principes à discuter et des pratiques à constater. C’est un espace de débat.

Une autre raison de mon attachement à une organisation, c’est qu’un parti est un opérateur stratégique qui organise la politique dans la durée, qui peut prendre des décisions. Il y a des moments de décision. Pour revenir à 68, il y a trois jours où une décision politique se joue : entre le départ de De Gaulle et la dissolution de l’Assemblée, entre le 27 et le 30 mai. Est-ce qu’il y a une force politique qui est capable de faire basculer la situation à un moment donné ? Imaginons qu’en 68, face aux accords de Grenelle, une force politique ait été capable de dire : on se bat pour une coordination nationale des comités de grève, on rejette les accords et on met comme préalable le départ du gouvernement. Ce genre de rapport de force ne s’improvise pas en trois jours. Cela suppose des militants qui ont réfléchi, qui ont une expérience commune et qui vont mener bataille pour faire basculer la situation à un moment donné. Ce n’est pas seulement valable dans les situations extrêmes, mais aussi lors des périodes de recul. Si on prend au sérieux l’idée que l’adversaire est puissant, organisé, qu’il a les moyens, une organisation collective autour d’un projet et d’une mémoire commune me semble un facteur stratégique indispensable. Évidente lutte des classes

* Ce sont des notions simples qui organisaient notre lecture du monde, comme la lutte des classes. C’est une notion qui avait l’air un peu manichéiste, mais qui avait du poids, structurait toute la perception du monde. Il y avait ainsi ceux qui faisaient partie de « la » classe et ceux qui n’en faisaient pas partie… Tout était dans une stricte répartition binaire. Et tout d’un coup, tout cela, pratiquement et théoriquement, n’existe plus.

J’ai connu cela. Mes cousins étaient ouvriers métallos et il y en avait un qui bossait à l’entretien. Il avait des doutes existentiels sur le fait qu’il était un prolétaire parce qu’il n’était pas à la production, mais à l’entretien. Il avait les mains dans le camboui comme les autres. Le problème vient du fait que le PC a développé une interprétation très ouvriériste de la lutte des classes. C’était l’ouvrier d’industrie. Si on abordait le problème d’un point de vue sociologique, c’était très discutable. Il n’y a pas de définition. Marx ne pense pas par définitions. Une des rares qui serait à peu près utilisable, c’est celle de Lénine qui définit les classes selon le rapport de propriété, propriétaire ou non des moyens de production ; selon la place dans la division du travail, place de direction et d’organisation ou d’exécution ; selon la forme du salaire et le montant du revenu. Si on recoupe tout cela aujourd’hui, les manutentionnaires de la grande distribution ou la plupart des gens des services vivent la condition, en termes de salaires et de subordination au travail, de rapport à la propriété, qui est celle d’un ouvrier. Le PC donnait une définition restrictive qui justifiait aussi son monopole. C’était le seul vrai parti de la classe ouvrière et les autres étaient des partis, dans le meilleur des cas, des classes moyennes. Maintenant, on a une vision plus complexe : il n’y a pas une forme de domination ou d’exploitation exclusive qui est le rapport de classe. Il y a évidemment les rapports de domination de sexe ou de genre, des contradictions par rapport à l’écologie, des tas de contradictions qui traversent la société et qui se nouent, qui ne sont pas réductibles au rapport capital/travail.

Ceci dit, dans nos sociétés, je considère qu’il continue à conditionner la plupart des autres formes de rapports contradictoires. Et, sociologiquement, on ne peut pas dire que les classes sociales ont disparu. La preuve, la lutte des classes, ce sont les discours du Medef et de Laurence Parisot. Quand on s’interroge sur l’existence des classes aujourd’hui, on ne se demande pas s’il existe une bourgeoisie et des actionnaires parce que la réponse est évidente. Si ceux-là existent, il doit bien exister quelque chose en face, même si c’est compliqué. Je pense aussi qu’il y a des effets de langage. Je ne vois pas pourquoi on emploierait des euphémismes : conflictualité sociale, etc. Parler de lutte des classes, ça structure aussi la façon de penser et ça a son importance. Si on pense les conflits dans nos sociétés d’un point de vue de classes, il y a toujours un autre soi-même de l’autre côté de la frontière ou derrière l’autre clocher. Cela permet de traverser et de ne pas s’enfermer dans des conflits de nation, de tribu ou de religion, ce qui est une tendance aujourd’hui. Là où on renonce à formuler les rapports en termes de classe, on finit par les formuler en termes de luttes confessionnelles ou de races. Comment se représente-t-on aujourd’hui les conflits dans le monde ? Il faut que le discours corresponde à une réalité sociale, mais je ne crois pas que les classes aient disparu. À l’échelle mondiale, certainement pas. Il y a des changements internes au salariat en France. Par exemple, on est passé de 35 % d’ouvriers d’industrie dans la population active à 26 % à peu près. Mais ce n’est pas une disparition. En revanche, il y a des formes de prolétarisation des services qui font qu’on crée des travaux qualifiés d’un côté et des petites mains à l’autre bout en permanence, y compris dans les pools d’assistance téléphonique, qui sont taylorisés puisqu’on contrôle la communication à la seconde près, avec des mouchards électroniques dans les batteries téléphoniques. C’est céder à l’air du temps que de céder sur les mots. Lexique en crise

* Si on était un peu perméable au mouvement, cette idée d’imaginer de nouveaux lexiques existait déjà en 68. Les mots dont on disposait dans le vocabulaire révolutionnaire classique et ce qui s’était passé ne se répondaient pas directement. Dans ton dernier livre, tu dis : il faut repartir de là, arriver à mettre en place un nouveau lexique.

On sent bien qu’il y a des catégories, tout un vocabulaire, qui sont en crise. Par exemple, on invoque beaucoup depuis une dizaine d’années, peut-être plus, le terme de « citoyenneté » au point d’en avoir fait un épithète. On parle de comportement citoyen. Avant, on disait civique. C’est le symptôme d’une crise et d’un manque. C’est parce qu’on ne sait plus très bien comment pratiquer la citoyenneté. On a une cité sans citoyens et des citoyens sans cité, relégués dans les périphéries. Voilà une catégorie en crise, mais qui est en crise ? Parce que la catégorie de peuple est devenue, elle aussi, incertaine. Est-ce qu’il existe un peuple européen comme sujet politique ? Je crois qu’il y a tout un dispositif de termes qui ont été mis en place, qui sont les termes dans lesquels on a pensé, parlé, pratiqué la politique depuis le XVIIe ou le XVIIIe siècle et qui, aujourd’hui, dans le remue-ménage de la mondialisation, devient un vocabulaire flottant. Pour autant, on ne peut pas inventer arbitrairement un nouveau lexique. Tout le vocabulaire de la Révolution française est né d’une pratique sociale à l’échelle de masse. On est dans une situation intermédiaire. On voit bien qu’il y a des mots qui n’opèrent plus ou qui opèrent de plus en plus mal, qu’on est obligé d’interroger à chaque fois qu’on les utilise. En même temps, la tentative de trouver des remplaçants d’une manière un peu arbitraire ne fonctionne pas, à mon avis, ou apporte des inconvénients. Foucault avait essayé de dire : la classe ouvrière, le peuple, ce sont des catégories un peu rigides — la plèbe… Mais la plèbe lui a joué un mauvais tour. La plèbe ce n’est pas un mot si nouveau que ça finalement. On essaie de penser la nouveauté avec un terme ancien, mais qui ramène le pain et les jeux, l’empire et la plèbe. Et la plèbe n’est pas un acteur. Ce n’est pas uniquement un problème de terminologie. Si l’on regarde comment il a pensé la Révolution iranienne comme la fusion entre la plèbe et une nouvelle spiritualité religieuse, je pense que ça l’a amené sur une pente glissante. Il s’en est sorti, mais il a dit de belles bêtises à ce propos. Les mots ne sont pas innocents. On sent bien qu’on a un vocabulaire défaillant.

Pour moi, l’idée est qu’on est au tout début d’une nouvelle séquence. Il faut se situer dans le temps. Le XXe siècle a été une grande défaite historique des politiques, des rêves d’émancipation. Il faut partir de là, le reconnaître comme tel. Et ce n’est pas une défaite qui est finie : l’irruption sur le marché mondial du travail de centaines de millions de travailleurs chinois ou russes ou autres, pratiquement sans protections, sans droits sociaux, tout cela va peser pendant des années pour tirer à la baisse. Jusqu’à ce que ces travailleurs eux-mêmes se réorganisent et imposent leurs propres droits. Ce qui, à petite échelle, est indiqué, aujourd’hui, par les grèves de Renault chez Dacia en Roumanie : on ne veut pas être les sous-prolétaires de l’Union européenne. Ou les grèves qui commencent en Chine. Cela va prendre du temps, on est au tout début d’une reconstruction dont les expériences vont produire un nouveau discours politique, comme le XVIIIe siècle a préparé la terminologie de la Révolution française en termes de souveraineté, de peuple, de citoyenneté. C’est un peu frustrant d’être dans la transition, mais on y est.

* Dans la mise en place du nouveau lexique, les nouveaux interlocuteurs ne sont plus les mêmes que ceux d’il y a trente ans ; le guévarisme a disparu, le maoïsme a été disqualifié. Quand on lit ton dernier livre, c’est comme s’il y avait eu une bascule, comme si ce n’était plus le mouvement social lui-même qui fournissait la matière de la réflexion mais ceux qui essaient d’y réfléchir en ce moment avec ce qu’ils apportent, ce qu’ils essaient de cerner.

Ce sont les deux, il y a deux registres. Aujourd’hui, il y a effectivement une série d’auteurs. Curieusement, en France, pour des raisons culturelles bizarres, c’est un des pays où, bien qu’il y vive aujourd’hui, Negri a relativement peu d’écho par rapport à l’influence qu’il peut avoir, lui, Hardt ou quelqu’un comme Holloway en Amérique latine et, dans une moindre mesure, dans le monde anglo-saxon. Évidemment, ce sont des auteurs qui essaient de penser le monde actuel, qui ont en partie une histoire qui est la nôtre, donc des références qui évoluent. Dialoguer et même polémiquer avec est une manière de réfléchir. Mais il y a l’autre pôle qui est la dimension intellectuelle, plus abstraite du débat, mais elle se nourrit en permanence de l’expérience des mouvements sociaux d’Amérique latine. J’ai beaucoup travaillé au Brésil, au moment où a émergé toute l’histoire du budget participatif, qui est utilisée à tort et à travers aujourd’hui. Et puis il y a eu l’apparition des mouvements indigènes, que ce soit au Mexique, en Bolivie ou aujourd’hui en Équateur ou au Paraguay. Du coup — je ne le dis pas pour personnaliser, mais plutôt symboliquement —, la génération Besancenot, c’est une autre culture. C’est le parcours inverse du nôtre. Les références immédiates, c’est le mouvement zapatiste, la culture du rap en musique. Et, à partir de là, il s’agit de remonter à des outils de pensée dont le besoin se révèle petit à petit. Olivier n’a pas dû commencer par lire Lénine, Rosa Luxemburg ou Trotski, mais plutôt Malcolm X, en fonction du racisme des banlieues, le sous-commandant Marcos et des auteurs contemporains, la culture autour du mouvement alter-mondialiste. Ce sont deux sources : un débat intellectuel qui continue, entre des gens qui ont finalement parcouru ensemble ou parallèlement les quarante années passées en essayant de répondre aux problèmes qui se posaient au fur et à mesure. Ce que j’essaie de faire dans mon dernier livre est une cartographie, car je crois qu’on est à un tournant. Il y a tout un discours qui correspond aux années de résistance, mais aujourd’hui des problèmes politiques reviennent en force — on le voit avec ce qui se passe en Italie —, qui font que le discours de la résistance ne suffit plus. Résister, cela a été nécessaire et c’est le point de départ de tout dans les pires années de la réforme libérale. Mais on voit bien que la crise est telle qu’il faut aussi essayer de reconstruire des éléments de réponse. Un autre monde est-il possible ? Oui. Mais lequel ? C’est moins lequel que comment y aller. Cela me paraît symptomatique du moment politique dans lequel on est, l’usage et l’abus du mot « autre » : un autre monde, une autre Europe, l’autre campagne au Mexique. C’est une altérité qui n’a pas de contours, quelque chose qu’on pressent ou qu’on souhaite, mais qu’on n’est pas encore capables de nommer. Le problème est surtout de ne pas savoir comment avancer vers cela sans tomber dans du faux réalisme. La gauche italienne est le moindre mal face à Berlusconi, c’est le gouvernement Prodi. Et le moindre mal du gouvernement Prodi, ça a été le plus court chemin vers le pire, qui est le retour de Berlusconi avec une gauche détruite. Comment éviter cela aujourd’hui ? C’est notre problème. Comment combler l’écart entre le renouveau des mouvements sociaux, qui est réel depuis une quinzaine d’années, et le fait que le paysage politique bouge millimètre par millimètre ou à pas de tortue ? Pour moi, c’est la question urgente qu’on ne soit pas condamné à tourner en rond entre des luttes sociales importantes et qui pour la plupart échouent — les grèves de 95, de 2003 en France — et après, passer des luttes radicales au pire…

Par exemple, en Italie, passer du grand mouvement anti-guerre de 2003 contre la guerre en Irak au vote des crédits de guerre par le gouvernement Prodi pour l’expédition en Afghanistan. Il y a un cercle vicieux à briser. Est-ce qu’on peut le briser ? Je n’en suis pas sûr, mais on peut essayer de trouver les points de fragilité où il peut être brisé, en tout cas. Cela suppose de reconstruire des rapports de force sociaux, mais aussi politiques et électoraux. C’est sûrement un point de désaccord avec mon collègue et camarade Badiou qui, lui, est pour l’abstention de principe. Moi, je crois que cela fait partie des rapports de force, bien que les dés soient pipés.

* L’arrivée de Marcos a été effectivement une bouffée d’air et, en même temps, une grande perplexité. Marcos a fait son armée, a été dans la forêt et a attendu qu’un jour les paysans qui entouraient la forêt lui disent : « On a besoin de vous, peut-être. »

Il y a une histoire particulière au Mexique. En fait, il n’y a pas l’idée d’aller se mettre dans un coin et d’attendre. C’est une position de repli après une défaite, après la répression de 68 ; des mouvements qui ont cherché à survivre. Certains l’ont fait dans des luttes ou des guérillas urbaines. Eux sont allés au Chiapas. Il a fallu presque une vingtaine d’années pour que cela donne des fruits. D’ailleurs, à propos de renouvellement du lexique, dans l’expérience zapatiste, il y a une innovation de langage. Ce n’est pas le même langage militant. Il y a le talent personnel, y compris littéraire, de Marcos, mais c’est vrai que cela se fait aussi à partir d’une remobilisation de l’indianité, d’un discours indigène, d’un registre symbolique qui n’est pas celui du mouvement ouvrier classique. Aujourd’hui, le problème, ce sont les limites de l’expérience zapatiste. Ce n’est pas tout le Mexique. On a bien vu avec la fraude aux élections de l’été 2006 qu’il y a une crise politique. Pour le moment, il y a une espèce de statu quo, mais ce n’est pas une réponse à la crise politique globale du Mexique. Je crois que les zapatistes ne l’ont pas. D’où le flottement actuel, y compris le fait qu’on en parle moins. On est dans une période de redéfinition.

C’est le problème qui est posé à tout le monde. Pour le dire vite, on peut comprendre, après ces périodes de défaites, qu’il y ait eu une renaissance de mouvements sociaux dans la fin des années 90, qui se sont définis à juste titre comme des forums « sociaux » gardant la politique à distance. Derrière cette mise à distance, il y a d’abord l’idée que l’on n’a pas les moyens de résoudre les problèmes politiques. Ensuite, il y a l’idée que la politique est douteuse ou salissante. On peut comprendre pourquoi, tout cela est, d’une certaine façon, légitime. Mais il y a derrière tout cela l’illusion d’une autosuffisance des mouvements sociaux. Je ne partage pas cette opposition manichéenne entre une politique qui serait par définition « sale » et les mouvements sociaux qui seraient par définition « propres ». Non, il y a des bureaucraties des deux côtés, mais elles n’opèrent pas de la même manière. En revanche, si on veut reconstruire des rapports de force, il faudra agir sur les deux niveaux simultanément et les combiner. Je crois que c’est le défi auquel on arrive. Le prochain forum social mondial aura lieu à Belém au Brésil, au milieu de l’Amazonie. On peut imaginer que Chavez et Lula y feront une apparition, mais ce ne sont pourtant pas les mêmes orientations, pas les mêmes projets, pas les mêmes pratiques. À fortiori si viennent aussi Morales et les Boliviens. Dans cet espace de renouveau du mouvement social, il y a une confrontation politique, pompeusement « stratégique », qui doit avoir lieu tout en préservant le cadre unitaire parce que c’est une expérience qui se reconstruit. C’est la même chose en Europe, où, pour dire les choses crûment, on va se retrouver dans les forums sociaux européens avec Refondation communiste, qui vient de participer au gouvernement Prodi en Italie, et la Ligue. Pour la période à venir, la condition pour reconstruire une gauche digne de ce nom, c’est l’indépendance vis-à-vis de toute responsabilité gouvernementale en rapport avec ce que devient ou ce qu’a été la social-démocratie européenne, en gros le New Labour en Angleterre, le Parti démocrate de Veltroni en Italie et le PS français, qui va occuper le même espace en France quel que soit son futur dirigeant. Est-ce qu’il y aura encore une gauche après cela ? C’est la question. Et toute expérience qui ajoute la confusion à la confusion, comme cela a été le cas en Italie, nous retarde, sous prétexte d’un faux réalisme. C’est le défi pour les années à venir.

* Tu as été beaucoup travailler au Brésil. C’est une particularité du mouvement trotskiste que de participer à des expériences qui sont comme des laboratoires — on peut penser à Pablo en Algérie —, des expériences où l’on essaye des choses concrètes dès qu’il y a des possibilités qui s’offrent.

Je crois que le fait d’être une Internationale, cela nous a aidé à survivre dans les plus mauvais moments. On aurait pu faire d’énormes bêtises sur la lutte armée dans les années 70. Le fait qu’on ait travaillé à l’époque avec les Basques de l’ETA 6e Assemblée, qu’on ait été directement impliqué dans l’expérience argentine nous ont aussi appris, pas seulement pratiquement, un sens des rapports de force et de ce qu’on pouvait faire ou pas. Le Brésil, ce n’est pas une mission comme cela. On avait des camarades au Brésil qui voulaient bénéficier de notre expérience et réciproquement. D’où une expérimentation importante. C’est comme cela que j’ai vu naître l’histoire du budget participatif. On en a parlé dans les années 90. Au début, c’était une idée démocratique. Ce sont des camarades, dont Raoul Pont, qui a été maire de Porto Allegre, qui ont été élus un peu par surprise, vu qu’il y a un parlement du Rio Grande — puisque c’est un État fédéral. Ils ont réussi à faire passer une espèce de constitution locale au moment de la sortie de la dictature en 83 : la municipalité serait, désormais, tenue de présenter le bilan de son budget six mois avant l’adoption du budget suivant et de l’ouvrir à une initiative d’amendement de cinq cents citoyens ou de trois syndicats. C’est le point de départ de l’expérience du budget participatif. Et contrairement à la version Ségolène Royal, les collectifs ou les comités locaux de quartier du budget participatif ne sont pas seulement consultatifs. Ce n’est pas : « Émettez vos vœux et je fais la synthèse. » Ils interviennent dans le pouvoir de décision, sont à la base de véritables amendements du budget. C’est une expérience de démocratie locale qui a ses limites parce qu’il y a l’État fédéral. Ce n’est pas le socialisme à l’échelle d’une ville, mais c’est, dans une double légitimité démocratique, quelque chose de tout à fait intéressant. Voilà, l’avantage d’une Internationale, même petite et modeste, c’est de pouvoir grappiller et mettre en commun ces expériences-là.

Élections, piège à cons ?

* Vous avez choisi la présence électorale comme continuité. C’est un chantier que vous avez développé et qui a gardé, année après année, de la visibilité. Comment avez-vous vu mai 68 par rapport à cette question-là, et comment avez-vous travaillé ça dans le temps ?

Le fait qu’on ait une pratique continue n’est pas si clair. Dans notre héritage politique, on ne pense pas que le jeu électoral peut changer les choses parce que les élections sont pipées, c’est une représentation déformante. D’ailleurs, notre première expérience électorale après 68, c’est le boycott des élections de juin, « élections, piège à cons ». Cette opération électorale était conçue comme un moyen d’enterrer, de relégitimer. Les élections sont constitutives de rapports de forces, mais la priorité n’est pas là. La priorité est le rapport de forces sociales, les mouvements, ce qui s’invente de politique à travers les mouvements sociaux. Dans l’histoire récente est apparu un renouveau des mouvements sociaux, notamment à partir de 95, avec l’apparition des Sud et de différentes associations comme le DAL ou Act Up. Mais si on ne parvient pas, parallèlement, à modifier la scène politique et les rapports de forces, dont les rapports de forces électoraux sont constitutifs, c’est comme marcher sur une jambe. Et le mouvement social se retrouve réduit à jouer le rôle de groupe de pression et de gueuler quand arrive un gouvernement de gauche, si limité et si mauvais soit-il. Quand un militant syndical a une ville, il peut avoir une audience importante d’un point de vue syndical. Mais si son organisation est inexistante, on va lui dire : tu es sympa pour les luttes locales, mais quand on passe aux choses sérieuses de la politique, ce sont les grands partis. Finalement, cela va revenir à redéléguer à la politique institutionnelle, ou à redonner le monopole de la politique à ceux qui en font profession, et parfois commerce.

Dans un premier temps, notre rapport aux élections a été de l’improvisation juvénile, en 69 avec De Gaulle qui fout le camp et les élections présidentielles. Pour l’anecdote, Michel Rotman passe me prendre un matin pour une réunion et me dit : il va y avoir des présidentielles, on va présenter un candidat. À l’époque, c’était inimaginable : comment on fait, qu’est-ce qu’il faut, quelles sont les conditions, l’âge minimum… Et il fallait 100 signatures de maires, ça paraissait exorbitant. On se dit : c’est un coup ! Ce n’est pas une stratégie. Il y a une tribune, on va voir, c’est marrant. Et en dérision, on va présenter Krivine puisqu’il est bidasse. Mais est-ce qu’un soldat a le droit de se présenter ? Il fallait que le Conseil constitutionnel statue là-dessus. On a fait la campagne. Ceci dit, par la suite, on a été très intermittent électoralement ; c’est quand même secondaire pour nous par rapport au terrain social, à la construction de rapports de forces sociaux. Mais je crois que ça reste utile aujourd’hui. La situation s’y prête. Les élections en elles-mêmes ne font jamais un miracle. Mais le fait qu’on a été présent électoralement a été un levier pour cette reconquête d’un espace, en partie au détriment de l’extrême droite, qui captait jusqu’en 2002 une forme de désespérance réelle. Ceci n’implique aucune illusion sur le fait qu’en grignotant on puisse devenir majoritaire et changer le monde. Non. Ça passe par des crises, des ruptures. Et, notamment, le jeu électoral est subordonné au fait qu’à chaque occasion, il faut privilégier et donner la priorité à tout ce qui est structures d’auto-organisation, comité, collectif, coordination, etc. Essayer de faire émerger des éléments d’une légitimité autre, alternative, qui a son centre en dehors de l’institution parlementaire telle qu’elle fonctionne. Sinon, j’ai l’impression qu’on est un peu piégés. Surtout quand on fait de la non-participation électorale une question de principe. La contradiction étant : est-ce qu’on peut utiliser ce jeu institutionnel sans en être otage tant qu’on n’est pas capable de le casser ? Ce n’est possible que si on garde son centre de gravité ailleurs, dans la pratique sociale.

Propos recueillis par Pierre Vincent Cresceri et Stéphane Gatti. Rédaction et mise en forme Benoit Francès.

BENSAÏD Daniel, CRESCERI Pierre Vincent, GATTI Stéphane, FRANCES Benoit

* Entretien publié sous forme pdf sur le site de La Parole errante (http://www.la-parole-errante.org/) consacré à Armand Gatti, réalisateur, poète et dramaturge, [sans date].


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