Créationnisme et sciences de l’évolution : des différences fondamentales

lundi 9 avril 2018.
 

Lorsqu’on parle de créationnisme et d’évolutionnisme, la terminaison en isme invite à penser que, dans les deux cas, il s’agirait d’idéologies ou de partis pris selon des considérations du même ordre Certes, il s’agit de se positionner face aux questions que nous posent la biodiversité et de nombreuses constatations relevant de la biologie s.l. et de la géologie (pour partie : paléontologie, dérive des plaques), quant à l’origine des espèces et l’histoire de la vie. Mais ces deux positionnements ne sont pas du même ordre car ils ne résultent pas du même mode de pensée et ne sont pas sous-tendus par la même méthode. Après avoir discuté l’usage des termes créationnisme et évolutionnisme dans un article précédent (cf. “Créationnisme, évolutionnisme : que nous disent les …ismes ?” ), voyons quelques différences fondamentales entre le créationnisme et ce que nous appellerons plutôt les sciences de l’évolution. Et quelles conséquences en tirer pour ce qui concerne l’enseignement et la vulgarisation scientifiques ?

Dieu et la science

On le sait, nous sommes tous pétris d’une culture qui résulte en partie du lieu géographique et de l’époque dans lesquels nous vivons. La science n’échappe pas à ces influences culturelles, historiques… Pour autant, elle tente de fonctionner en observant des faits, en proposant et en testant des hypothèses, en ordonnant les faits et les résultats selon une logique qui donne cohérence à l’ensemble et qui aboutit à des théories, scientifiques, à valeur explicative et heuristique.

Les sciences, naturelles en particulier, cherchent donc à se dégager de l’idéologie (ce n’est pas nécessairement le cas de leurs applications).

D’un point de vue social, la science fondamentale ne peut être taxée d’idéologie. C’est d’abord une méthode.

La théorie de l’évolution entre dans ce cadre scientifique qui vise à expliquer le monde. La science exclut Dieu de ses explications, non par idéologie, mais parce qu’elle sait qu’elle ne peut ni infirmer ni confirmer l’existence de Dieu. Elle ne peut donc prendre l’existence de Dieu comme hypothèse, ou plutôt elle considère cette hypothèse comme invérifiable. Alors qu’elle peut tester de nombreuses autres hypothèses, certes de moindre envergure ! mais bien plus opérationnelles pour avancer dans la compréhension du monde, des objets matériels.

Dieu et le créationnisme

Bien qu’ils s’en défendent plus ou moins, les créationnistes refusent la démarche scientifique parce qu’ils refusent ou ne sont pas en mesure d’exclure Dieu, le Créateur, de leur méthode de pensée. Pour les Chrétiens, c’est le début de la confession de foi (Credo) : « Je crois en Dieu tout puissant Créateur… ». C’est un fait psychologique. Les créationnistes sont dominés, au sens étymologique (Dominus), par la croyance en ce Dieu qui, en tant que Maître, dicte leurs pensées et leurs actes. Au point qu’ils assimilent l’exclusion méthodologique de Dieu, nécessaire à l’activité scientifique, à une exclusion philosophique, métaphysique voire politique. Les créationnistes, vivant tous les moments et tous les éléments de leur vie sous l’autorité divine, sont plus préoccupés d’ordre social, fondé par l’ordre divin et religieux, que de compréhension rationnelle.

La part du doute

Un autre point, lié au précédent, est la place accordée au doute dans l’activité scientifique, au moins depuis Descartes. D’une part, la science ne pouvant ni prouver ni infirmer l’existence de Dieu, elle est accompagnée de ce doute fondamental : « p’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non », peut-être que Dieu existe, peut-être qu’il n’existe pas. Rien, dans le domaine scientifique, ne permet de se prononcer. D’autre part, toute hypothèse – et il y en a de nombreuses, formulées en vue de répondre aux questions qui se posent - est mise en doute tant qu’elle n’a pas été testée. Autrement dit, quelles que soient les convictions intimes du scientifique, celui-ci accepte que ses pensées, tout comme les hypothèses et les théories auxquelles elles se réfèrent, soient remises en question(s).

Les extrémistes, les idéologues, les dogmatiques, refusent ces deux types de doute. Ou, encore une fois, ne sont peut-être pas en mesure de les accepter.

Une hypothèse non testable contre une théorie scientifique.

Ce que les tenants de la théorie de l’évolution (les exelixiologues ?) refusent, ce n’est pas, a priori, l’idée d’une création possible. C’est le fait que cette idée de création, hypothèse non vérifiée à ce jour, soit élevée par les créationnistes au rang de théorie au même titre que la théorie de l’évolution (au sens scientifique). Et pire : les créationnistes cherchent à faire passer la théorie de l’évolution, avec ses constats, ses hypothèses et ses expériences, comme… une hypothèse parmi d’autres, voire une simple opinion ! Joli tour de passe-passe. C’est la confusion des termes, et la confusion méthodologique l’accompagne.

L’inquiétude des scientifiques

Si les scientifiques s’inquiètent face au créationnisme, c’est qu’ils voient dans cette confusion, dans ce refus du doute méthodologique, et dans certaines manipulations évidentes, le spectre ou le visage de nombreuses intolérances s’opposant à la liberté de penser qui constitue la condition première de la démarche scientifique.

Publié par Jean-Pierre V. le décembre 27th, 2008

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Le Créationnisme : retour aux fondamentaux


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