Union européenne : derrière l’acharnement des derniers fidèles d’une religion en déroute, le cadre de pensée néolibéral se fissure

samedi 22 septembre 2018.
 

Editorial Parti de Gauche 8 mars 2009

« Tirer le plus possible parti du marché unique, qui doit servir de moteur à la relance et soutenir la croissance et l’emploi. Souligner que le protectionnisme n’est pas une réponse à la crise actuelle et exprimer la confiance accordée au rôle de la Commission en tant que gardienne des traités. » Voici ce que proclame le communiqué final du sommet européen informel du 1er mars dernier après des « discussions approfondies » sur la crise.

Dans la tourmente, les dirigeants européens proclament la validité de leurs dogmes avec l’acharnement des derniers fidèles d’une religion en déroute. Ici et là, ils acceptent d’aménager les politiques européennes. Dans les faits, ils prennent d’amples libertés avec les textes sacrés. Mais ils se refusent à envisager publiquement la moindre remise en cause des traités. La Commission Européenne à laquelle ils réaffirment dévotement leur confiance continue de traquer, comme les traités la charge de le faire, la moindre entorse au libre-échange. Elle s’inquiète même des plans d’aide à l’automobile. Le numéro 2 de la commission européenne, Gunter Verheugen, commissaire aux entreprises et à l’industrie estime ainsi que cette industrie est responsable de son sort : « des changements structurels auraient dû avoir lieu depuis longtemps ». Il appartient donc « aux industriels de gérer la crise ». Fermez le ban !

Et pourtant, derrière cette façade apparemment inébranlable, les contradictions fissurent déjà le cadre de pensée néolibéral de l’Union. Au moment de l’élargissement, on raillait les partisans d’un plan d’investissements massifs pour mettre à niveau ces économies comme cela a été fait pour la Grèce, l’Espagne ou le Portugal. Trop archaïque, trop cher ! Laissons faire le marché ! Soumettons ces pays à la purge néolibérale avec des critères d’entrée dans l’Union dignes de ceux du FMI. Et maintenant ? Face au résultat désastreux de cette politique, les chefs d’Etat et de gouvernement d’Europe de l’Est, certains parmi les plus à droite et les plus libéraux de l’Union, réclament à cors et à cris un plan d’aide public.

L’apparition dans les communiqués européens du terme honni de protectionnisme témoigne lui aussi d’un changement de période. Jamais auparavant on n’aurait seulement osé évoquer cette question. Mais dorénavant, les pays qui ont bâti leur stratégie économique sur l’intégration dans le marché mondial envisagent de développer -et donc de protéger- le marché intérieur. Il faut donc lire les communiqués européens comme les kremlinologues du siècle dernier qui décelaient dans les proclamations assurées de victoire les rustines posées pour colmater les brèches et enrayer le doute.

Dans ce contexte surviennent les élections européennes. Les dirigeants européens se passeraient bien de cette confrontation obligée aux citoyens. Pourquoi débattre des orientations de l’Union ? se disent-ils. Tout est défini dans les traités que nous avons écrits et signés, quel citoyen est assez fou pour s’arroger le pouvoir de les remettre en cause pensent-ils tout haut. L’Union Européen vit encore dans l’Ancien Régime. Le roi a le droit de ne pas respecter les lois car il les a écrites. Mais le peuple ne peut qu’y obéir.

C’est pourquoi les mêmes qui doutent des orientations qui fondent l’Union n’ont pas hésité une seconde à faire pression sur l’Irlande pour qu’elle piétine son vote populaire contre le traité de Lisbonne. Nicolas Sarkozy s’inquiète que la Commission commence toujours par « rappeler la pensée unique ». Mais il s’est personnellement chargé de faire pression sur le premier ministre irlandais pour qu’il refuse à son peuple tout autre choix que le « oui » unique en convoquant un second referendum.

Que telle soit la position de la droite, on peut le comprendre. L’irruption populaire inquiète ceux qui en refusent les conséquences, le partage du pouvoir et des richesses. Mais hélas la gauche sociale-démocrate y apporte sa pierre avec un zèle stupéfiant.

Derrière les tirades contre Barroso qui accompagnent l’entrée en campagne du PS français, il faut rappeler que Barroso n’est pas seul à sévir au sein de la Commission européenne. Son numéro deux est un social-démocrate. Comme celui en charge des affaires économiques et monétaires, spécialiste acharné des procédures pour déficit excessif contre la France. Ou celui en charge du commerce, bouillant défenseur au sein de l’OMC de la libéralisation des échanges mondiaux. Ce sont encore des sociaux-démocrates qui sont en charge notamment de l’Union douanière, de l’Emploi et des affaires sociales. Il faut ensuite rappeler que les chefs d’Etat et de gouvernements membres du PSE sont les corédacteurs de cette lamentable résolution de verrouillage. Quant aux parlementaires du PSE au Parlement européen, ils ont voté la confiance à Barroso ! Tous disent et écrivent qu’il faut respecter les traités et pour commencer ratifier celui de Lisbonne. Le PSE y appelle d’urgence à la première page de son Manifesto. Mais le PS français écrit dans sa résolution européenne que « le traité de Lisbonne est une donnée ». Ben voyons. La troupe est priée de suivre, le doute doit rester le privilège des généraux.


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