Révolution russe 8 : Les bolchéviks majoritaires au soviet de Pétrograd (22 septembre 1917)

vendredi 23 septembre 2022.
 

Centenaire des révolutions russes (1 : La Russie au début du XXe siècle)

Révolution russe 1917 (2 Lʼagonie du tsarisme)

Révolution russe 3 La révolution de février et lʼeffondrement du tsarisme

Révolutions russes 4 "Dualité des pouvoirs" et retour de Lénine

Révolution russe 5 : crise des 3 et 4 mai 1917, gouvernement de coalition

Révolution russe 6 : les Journées des 16, 17 et 18 Juillet 1917

Révolution russe 7 Du moment Kerensky au putsch de Kornilov

Révolutions russes 10 : les masses à lʼassaut du ciel 6 et 7 novembre 1917 !

Mi-septembre, le putsch de Kornilov était déjà un lointain souvenir. Le front unique des organisations ouvrières lʼavait à proprement parler annihilé. Formellement, la donne politique nʼavait pas été bouleversée, puisque Kerensky restait vissé au pouvoir. Mais la subite et résolue intervention populaire le privait de toute marge de manœuvre. La mise sous boisseau des forces contre-révolutionnaires et le discrédit grandissant du gouvernement de coalition, mouillé jusquʼau cou dans le complot, ouvraient un boulevard à la gauche. Cʼétait lʼheure des bolcheviks.

Les factieux mis hors dʼétat de nuire pour un temps, les bolcheviks constituaient en effet la seule opposition à Kerensky. Ces militants brimés, arrêtés et calomniés quelques semaines plus tôt devenaient de facto les seuls catalyseurs de la colère populaire. Un saut qualitatif avait été opéré depuis lʼété. Avant les journées de Juillet, les partisans de Lénine et de Trotski avaient gagné la confiance de la majorité des ouvriers et des soldats de Petrograd, dʼune fraction grandissante de la population moscovite, ainsi que de lʼavant-garde en province. Cʼétait déjà beaucoup. Mais, après lʼécrasement de Kornilov et de ses sbires, ils ne constituaient rien de moins que le dernier espoir de la masse des opprimés des villes et des campagnes, impatients de voir se réaliser les promesses de la révolution, dans un pays qui semblait sʼeffondrer.

La Russie dans la tourmente

Dans son livre sur le Parti bolchévique, Pierre Broué dresse un tableau saisissant de la Russie révolutionnaire. « La chute du rouble continue et sʼaccélère : il vaut en octobre 10 % de sa valeur de 1914. Les entreprises ferment, les lock-outs se succèdent, jetant sur le pavé des centaines de milliers dʼouvriers affamés ». On estime que 100 000 travailleurs en ont été victimes dans la seule capitale. Rien de surprenant, donc, à ce que les grèves se succèdent à un rythme accéléré et à ce que les séquestrations de patrons se multiplient. On en dénombre quatre en juillet, dix-sept en août et vingt-et-une en septembre. Lʼautogestion est souvent considérés comme une réponse adéquate à la crise économique et au sabotage patronal. À Petrograd, 576 usines la pratiquent, mais il sʼagit dʼentreprises moyennes puisquʼelles comptabilisent en moyenne 335 salariés. On est loin des 270 000 ouvriers des usines Poutilov et des 17 entreprises de plus de 5 000....

Le nombre de wagons de trains inutilisables passe de janvier à juin de 25 000 à plus de 50 000. La production de charbon sʼessouffle. Les usines Poutilov en reçoivent ainsi 190 000 pouds sur 1 160 000 commandés en juillet, et nʼen obtiennent que 47 000 en août. Selon Marc Ferro, « les usines électriques de Petrograd finissent par fonctionner par roulement, ne recevant du courant les unes que le lundi et le mardi, les autres le mercredi et le jeudi, etc. Le 13 octobre, la capitale est plongée dans lʼobscurité, les turbines de la société 1883 nʼayant pas été alimentées ». La flambée des prix semble irrésistible, alors que les salaires stagnent. Dans les cantines populaires, le prix dʼune soupe de légumes est multiplié par 5 et celui dʼune soupe avec viande par... 35 !

Lʼ« immense cri dʼespérance [qui] avait jailli du fond de toutes les Russies » était en passe de se muer en cri de colère contre les promesses non-tenues de la démocratie révolutionnaire. Mises en mouvement par Février, les masses sʼétaient libérées des entraves du vieux monde et elles étaient, prêtes à tout endurer plutôt que le retour à leur antique servitude. Dans son livre sur 1917, Marc Ferro évoque par exemple ces ouvriers de Moscou qui obligeaient leurs patrons à apprendre le nouveau droit ouvrier, ces étudiants dʼOdessa qui dictaient à leurs professeurs un nouveau programme dʼhistoire, ces soldats qui invitaient lʼaumônier à leurs réunions « pour quʼil donne un sens à sa vie » et même ces enfants qui revendiquaient le plus sérieusement du monde « le droit dʼapprendre la boxe, pour se faire entendre des grands » !

Les conciliateurs aux abois

Le discrédit des conciliateurs, devenus depuis le 8 août majoritaires dans le GP et à qui tout incombait, atteint rapidement des proportions absolument inouïes. Le 20 août, aux élections de la douma municipale de Petrograd, les SR perdaient 375 000 voix et nʼen recueillaient plus que 200 000. Quant aux mencheviks, selon leur propre camarade de parti Soukhanov, ils nʼobtinrent « que 23 000 pauvres voix »... Même sanction à Moscou, où les SR obtenaient 54 000 voix (contre 375 000 en juin), les mencheviks 16 000 (contre 76 000) et où les bolcheviks bondissaient de 75 000 à 198 000 voix. Au moment du soulèvement de Kornilov, le renouvellement de la douma dʼIvanovo-Voznessensk débouche sur des résultats similaires : face aux bolcheviks qui atteignirent la majorité absolue et obtinrent 58 sièges, les SR ne remportèrent que 24 strapontins et les mencheviks durent sʼen contenter de 4. Cʼétait incontestablement un mouvement de fond.

Comment expliquer ce fossé béant qui se creusait irrémédiablement entre les conciliateurs et les masses ? Un document vaut la peine dʼêtre ici longuement cité. Début juillet, 2 000 mineurs du Donetz prêtaient le serment suivant : « Croyant aux SR et aux mencheviks, nous jurons de ne jamais écouter les léninistes qui conduisent par leur agitation la Russie à sa perte, alors que les SR et les mencheviks, ensemble comme un seul, disent : « la terre au peuple, la terre sans rachat, le régime capitaliste doit sʼécrouler après la guerre et, au lieu du capitalisme, il doit y avoir un régime socialiste ». Nous jurons de suivre ces partis, en marchant de lʼavant, sans reculer devant la mort ». Tragique méprise ! Ces mineurs pensaient le plus sérieusement du monde suivre les conciliateurs et flétrissaient en toute cohérence les bolcheviks, alors quʼils faisaient leurs les mots dʼordre avancés par Lénine dans ses Thèses dʼavril ! Lʼexpérience des mois dʼété leur suffit à mettre leurs affaires en bon ordre, puisquʼen septembre, ils avaient rompu avec les partis conciliateurs.

Il en allait pareillement dans lʼOural où le SR Ojégov, membre du Comité exécutif du Soviet de passage dans sa région dʼorigine, après avoir visité son usine à Ijevsky, nota avec amertume que lʼorganisation du parti SR « qui, par le nombre (8 000 personnes) et par son activité, était connue dans tout lʼOural, était décomposée, affaiblie et réduite à 500 personnes ». La contradiction entre les buts fort lointains des conciliateurs et la politique quʼils menaient dans les faits, atteignant son paroxysme, éclatait aux yeux de tous. La patience du peuple avait assez duré.

Une crise profonde

La crise que traversaient les deux partis socialistes conciliateurs ne pouvait évidemment pas ne pas avoir des répercussions internes importantes. Au lendemain des journées de juillet, les socialistes-révolutionnaires de gauche affirmèrent leur opposition déclarée à lʼorientation de la direction du parti SR. Dans les faits, ils agissaient de plus en plus en fraction et nʼhésitèrent pas devant la scission qui eut lieu en septembre. Début octobre, pour hâter la différenciation en cours, Trotski affirmait en pleine séance du soviet de Petrograd quʼil devenait « de plus en plus facile de sʼentendre avec les socialistes-révolutionnaires de gauche »...

Côté mencheviks, la victoire de Tséretelli au sommet du parti clarifia la situation. Lors du congrès dʼunification des mencheviks et de plusieurs groupes sociaux-démocrates intermédiaires, la résolution du leader géorgien en faveur de la guerre et de la coalition lʼemporta par 117 voix contre 79. Martov et les mencheviks de gauche étaient défaits. Il ne fut pas rare, fin septembre, que des organisations menchéviques locales tout entières passent au parti bolchévique. Ce fut notamment le cas à Vassili-Ostrov. À la même date, le journal de Gorki faisait savoir que lʼorganisation menchévique de Petrograd, qui comptait 10 000 membres « avait cessé dʼexister en fait, la dernière conférence de la capitale nʼayant pu se réunir faute de quorum »...

Pour Trotski, « lʼérosion des groupes intermédiaires, la stabilité considérable du camp bourgeois et la croissance gigantesque du parti prolétarien le plus détesté et persécuté, tout cela présentait les symptômes infaillibles de la crise révolutionnaire ».

Le parti bolchévique se donne une direction

Aux conciliateurs en plein désarroi idéologique, la remontée du parti bolchévique devait faire lʼeffet dʼune gifle. Non contente de gagner presque quotidiennement de nouvelles positions dans les masses, la fraction de Lénine était en train de se muer en un véritable parti organique de la classe ouvrière russe. Les journées de juillet avaient empêché les partisans de Lénine et plusieurs groupes révolutionnaires, dont lʼorganisation Interrayons où militait Trotski, de sanctionner formellement leur union qui était déjà bien réelle. La fusion eut lieu début août lors dʼun congrès dʼunification en tout point exceptionnel.

Ce congrès désigna avant tout un nouveau Comité central, celui qui allait mener le parti à la victoire dʼOctobre. Selon Robert V. Daniels, cette « nouvelle direction du parti était tout sauf un rassemblement de béni-oui-oui disciplinés ». À seize vieux-bolcheviks (dont Lénine, Zinoviev, Kamenev, Sverdlov, Rykov, Dzerjinski, Staline, Boukharine et Sokolnikov), il avait été décidé dʼadjoindre, outre Alexandra Kollontaï revenant en réalité à ses premières amours, le jeune Smilga, qui venait de faire ses premières armes en Finlande rouge, ainsi que Krestinski, Ouritsky et surtout Trotski (son ami Joffé étant quant à lui suppléant). Pour la première fois depuis la scission du POSDR en 1903, un groupe dirigeant rassemblait des leaders aguerris et dotés dʼune vision commune, même sʼils avaient pu, par le passé, âprement polémiquer dans lʼémigration. Encore en 1931, alors que lʼemprise stalinienne imposait mensonge et falsification dans les rangs communistes, Karl Radek, ancien oppositionnel rallié au régime, eut le toupet de rappeler que le parti de Lénine avait « accueilli ce quʼil y avait de meilleur dans le mouvement ouvrier » et quʼil ne fallait pas « oublier les courants et les ruisseaux » qui sʼy étaient déversés en 1917.

Ce congrès semi-clandestin, qui se tenait en lʼabsence de ses ténors, emprisonnés ou en exil, fut par ailleurs celui où le parti bolchévique abandonna le mot dʼordre « tout le pouvoir aux soviets ». Selon M. Laran et J.-L. Van Regemorter, ce slogan correspondait « à la période périmée de la dualité des pouvoirs : la conquête de l’État ne serait acquise que par une insurrection armée, pour laquelle il faudrait posséder la supériorité des forces et lʼappui de la majorité du prolétariat ». Ce qui impliquait de renforcer le parti, fort maintenant de plus de 200 000 membres, et de prévenir tout soulèvement prématuré.

Le « petit vent frais » du putsch de Kornilov – lʼexpression est de Lénine ! – permit en réalité aux bolcheviks de mener de front la bataille pacifique pour la conquête de la majorité dans les soviets et la préparation de lʼinsurrection victorieuse, puisque la légalisation de leur parti et lʼarmement des ouvriers furent actés dans le feu de lʼaction.

Omnipotence bolchévique ?

Selon le menchevik internationaliste Soukhanov – quʼon ne peut suspecter dʼune sympathie excessive pour eux – , les bolcheviks avaient gagné la confiance des ouvriers et des soldats « parce quʼils étaient toujours là, dirigeant dans les petits détails, comme dans les choses importantes, toute la vie de lʼusine et de la caserne ». Leur emprise sur les masses était pourtant tout sauf une évidence, comme le prouvent les débats qui travaillaient la Garde rouge. Après le putsch, elle comptait environ 10 000 hommes à Petrograd et près de 50 000 en province. Ses détachements veillaient jalousement à leur indépendance et leur renforcement était systématiquement freiné par les conciliateurs tant quʼils restèrent à la tête du Soviet de Petrograd.

Marc Ferro a publié un compte rendu dʼune assemblée populaire tenue en août, qui prouve que les bolcheviks eux-mêmes peinaient à contrôler ces organes du pouvoir. Un certain Trifonov, quand il recommande de « procéder à lʼorganisation des forces armées du prolétariat » note amèrement que « les bolcheviks ne se sont pas réellement occupés de cette affaire ». Un délégué anarchiste déclare quant à lui que, face aux milices populaires peuplées de petit-bourgeois et défendant la propriété, il incombe aux détachements de la Garde rouge de « frapper les bourgeois », car ils ont été formés pour « transgresser lʼordre existant, pour exproprier, pour condamner ». Le représentant du faubourg de Vyborg, pourtant considéré comme une citadelle « léniniste », nʼest pas loin de ce point de vue quand il lance : « Il est temps que les organisations bolchéviques se réveillent ». Pour ce militant, les discussions doivent laisser la place aux décisions et à lʼaction. Trifonov parvient péniblement à tenir les deux bouts en faisant valoir que la Garde rouge, qui a pour objectif le renversement de lʼordre bourgeois, ne doit pas « le troubler pour la plaisir », au risque de perdre le contact avec les masses ouvrières. Il propose de nommer un groupe de cinq responsables, chargés en liaison avec les comités de quartiers, de rentrer en contact avec la fraction bolchévique du Soviet et du Comité du Parti de Petrograd « afin de garantir, sinon le soutien, du moins la neutralité bienveillante du Soviet ».

On le voit, les bolcheviks sont largement poussés en avant par des secteurs avancés où se mêlaient bolcheviks de fraîche date, ouvriers sans-parti et anarchistes de toutes les tendances. Il incombait pourtant aux partisans de Lénine et de Trotski, soucieux de conserver le contact avec les masses moins politisées, de retenir ces activistes enclins à déclencher une action prématurée.

Lʼascension des bolcheviks

Le « vent frais » du putsch de Kornilov souffla si fort quʼil fit basculer définitivement le rapport de force au sein des soviets à la faveur des bolcheviks. Dès le 12 septembre, les matelots de Cronstadt, héros de la résistance populaire, exigeaient en séance leur intégration au Comité exécutif du Soviet de Petrograd. Les dirigeants conciliateurs, qui répandaient encore des flots de calomnie sur la forteresse « rouge » quelques jours plus tôt, ne purent refuser la demande de ces hommes qui venaient de secourir la capitale de la révolution. Les matelots obtinrent quatre sièges au Comité exécutif. Tout un symbole.

Plus généralement, au sein des masses, selon Trotski « le danger suscitait non seulement lʼénergie, mais aussi la perspicacité. La pensée collective se mit à travailler sous haute tension. Les matériaux utiles aux déductions ne manquaient point. On avait déclaré que la coalition était indispensable pour la défense de la révolution ; or lʼallié dans la coalition se trouvait être partisan de la contre-révolution ». Les prédictions des bolcheviks sʼaccomplissaient. Lors dʼune séance de la section des soldats qui se tenaient deux jours avant le putsch, nʼavaient-ils pas exprimé leur méfiance alors que le pouvoir sʼapprêtait à évacuer de Petrograd deux régiments dʼavant-garde ? « « Les bolcheviks ne sèment pas à tout vent » : voilà ce que devait maintenant se dire lʼouvrier ou le soldat sans -parti », selon Trotski.

Le 13 septembre, le jour de la défaite de Kornilov, le Soviet de Petrograd se rallie pour la première fois aux vues des bolcheviks en votant une résolution présentée par leur fraction et réclamant tout le pouvoir pour les soviets. Au dire de Trotski, « le présidium conciliateur nʼen croyait pas ses yeux. Depuis la droite, lʼon exigea un vote nominal qui dura jusquʼà trois heures du matin. Pour ne point voter ouvertement contre leurs partis, bien des délégués sortirent. Et pourtant, malgré tous les moyens de pression, la résolution des bolcheviks obtint, après pointage, 279 voix contre 115 ». De nombreux soviets de province sʼalignent alors sur celui de la capitale russe ; celui de Moscou le 18 septembre, puis vient le tour de ceux de Kiev, de Saratov, dʼIvanov-Voznessensk...

Séance historique à Smolny

Le 22 septembre eut lieu la séance plénière historique du Soviet de Petrograd à lʼInstitut Smolny, puisque le gouvernement provisoire avait eu le culot de prétexter de la fort lointaine convocation de lʼAssemblée constituante au Palais de Tauride pour en évincer les délégués des ouvriers et des soldats. Trotski se souvient : « Toutes les fractions avaient convoqué le ban et lʼarrière-ban de leurs membres : « Il sʼagit du sort du Soviet ». La réunion fut dʼenviron un millier de députés ouvriers et soldats. Le vote du 13 septembre avait-il été un simple épisode, engendré par la composition accidentelle de lʼassemblée, ou bien signifiait-il un complet changement de la politique du Soviet ? » Telle était la question. La fraction bolchévique marqua un point lorsquʼelle proposa dʼélire un nouveau présidium sur une base proportionnelle. Depuis le Finlande, Lénine critiqua avec virulence cette démarche qui traduisait à ses yeux une orientation par trop conciliatrice. Ce que ne pouvait comprendre le leader exilé, cʼest que précisément, de conciliation, les conciliateurs nʼen voulaient pas la moindre avec les bolchéviques ! Il fallut donc voter pour des listes séparées.

Avant de procéder au vote, Trotski, pour sa première apparition au Soviet depuis son arrestation fin juillet, mit dans lʼembarras le bureau du présidium en demandant si Kerensky faisait partie de sa liste. Tchkheidzé et ses amis hésitèrent une minute, mais furent bien contraints de mentionner comme un des leurs le ministre-président qui nʼavait plus mis les pieds au Comité exécutif depuis des lustres et qui ne cachait plus son mépris pour les soviets. Le révolutionnaire fit alors cette tirade, consignée comme telle dans le procès-verbal de la séance : « Nous étions profondément persuadés que Kerensky ne pouvait faire partie du présidium. Nous nous étions trompés. Actuellement, entre Dan et Tchkheidzé, se dresse le fantôme de Kerensky… Quand on vous invite à approuver la ligne politique du présidium, nʼoubliez pas que, par là-même, lʼon vous propose dʼagréer la politique de Kerensky ».

Cette sortie fit certainement basculer des dizaines de délégués hésitants. Dans son autobiographie, Trotski se souvient. « On votait en sortant par la porte. Lʼémotion était extrême dans la salle. Il ne sʼagissait plus du bureau. Il sʼagissait de la révolution. Jʼallais et venais dans les couloirs avec un petit groupe dʼamis. Nous estimions que nous nʼaurions pas tout à fait la moitié des voix, et nous étions prêts à considérer ce résultat comme un succès. Il se trouva que nous avions obtenu une majorité de plus de cent voix sur la coalition des SR et des mencheviks. Nous étions vainqueurs ».

Jean-François Claudon (article paru dans la revue Démocratie&Socialisme n° 247 d’octobre 2017)


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