L’OM se sépare de Pape Diouf. Le capital l’emporte sur le foot

samedi 20 juin 2009.
 

De but en blanc, Diouf quitte l’OM Pape Diouf s’en va après quatre années passées à l’Olympique de Marseille. Les pressions de Vincent Labrune, sbire de Robert-Louis Dreyfus, ont conduit le propriétaire du club à s’en séparer. Une mauvaise nouvelle pour les supporters.

« Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. » Le célèbre adage de Lamartine résume la scène qui se noue dans les nuées du Stade Vélodrome. C’était un secret de polichinelle. Pape Diouf n’avait plus le soutien de Robert-Louis Dreyfus, actionnaire principal, depuis des lustres. Vincent Labrune, son homme de main, et accessoirement Président du Conseil de surveillance, vouait une haine de notoriété publique au Président Diouf. Le soutien de supporters imposait aux deux compères une certaine retenue. Le mercato estival était le moment idéal pour couper le cordon ombilical. D’autant que les « divergences », si modestement nommées entres les deux hommes, reposaient essentiellement sur le recrutement et la masse salariale de l’effectif. Mais l’influence malsaine de Labrune aura pesé plus lourd que le bilan sportif réussi de Diouf.

Marseille contre Paris : le symbole

Décidément, le club phocéen vénère les symboles. C’est la direction parisienne, duo formé par Vincent Labrune et Robert-Louis Dreyfus, qui se sépare des cadres sportifs marseillais, Pape Diouf et José Anigo. Paris contre Marseille, la grisaille contre le soleil, le fric contre le sport. En lieu et place du côté populaire, serein et apaisé de l’esprit que Diouf avait insufflé dans un club coutumier des crises, cette décision signe le retour du fric, de la frime et de la gagne de l’esprit Tapie. Ce dernier avait tenté, en 2001, une prise de contrôle. Un coup d’épée dans l’eau. Son entreprise ratée symbolise l’ambivalence du club marseillais, ses excès, ses pulsions qui ont souvent, par le passé, galvaudés le talent d’une équipe historique. Ces polémiques à répétition, ces tensions permanentes, ces conflits d’intérêts deviennent le lot quotidien de la Cannebière. L’annonce de ce départ n’aura qu’un effet : augmenter la colère des supporters, et leur impatience à voir enfin leur club sortir de l’ornière.

Le successeur de Diouf hérite d’un climat tendu. Les supporters ont déjà mis en garde : ils ne veulent pas d’un parisien, et feraient tout pour lui barrer la route. Faire preuve de diplomatie, montrer son attachement au club phocéen, être un bon communiquant, telles devront être les qualités du prochain Président. Il sera passionné, marseillais, ou ne sera pas !

Pas de titre à Marseille, la valse continue

Ces vertus, Dreyfus, et son vase communicant Labrune n’en ont cure. Seul compte le succès. A l’OM, un Président qui ne gagne pas de titre, ça ne sert à rien ! Depuis 1993, le club n’a emporté aucun titre, depuis la Ligue des Champions et le rêve de Basile Boli. Le club phocéen, qui faisait figure d’avant-garde du football français, n’est décidément plus. Les dirigeants marseillais avaient pris goût à la gloire, au faste succès, aux grasses rentes financières. Les supporters aussi, mais ils gageaient que Diouf, après trois qualifications consécutives en Ligue des Champions, pourrait mener l’équipe de Marseille vers d’autres titres. A petits pas. A contre-courant de l’esprit marseillais. Depuis mai 2005, Diouf avait imposé une nouvelle atmosphère, plus calme, en tentant de mettre le couvercle sur chacune des crises que Marseille, la ville entière à travers son club, traversaient. Pour ne pas qu’elles entament la confiance des supporters, qui croyaient de nouveau en leurs joueurs. Homme de réflexion, diplômé de l’IEP d’Aix en Provence, Diouf avait su manier les mots avec intelligence. Amoureux de la langue française, il avait su préserver ses joueurs des excès qui dominent aujourd’hui le monde du football.

Mais Robert-Louis Dreyfus est soixante-huitard malgré lui. Il pastiche un slogan fameux des étudiants de mai 68, en instituant « l’instabilité au pouvoir. » En place depuis décembre 1996, il entame encore une fois le capital psychologique de Marseille, dont la valse des entraineurs, des Présidents et des joueurs, ne parvient pas à s’arrêter. La nomination de Diouf était une mise en parenthèse de ce climat instable. Elle est vite refermée, close, après le départ d’Eric Gerets, parti faire fortune en Arabie Saoudite. Il ne reste plus que Julien Fournier, secrétaire général, qui s’apprête à partir ; et José Anigo, qui attend que soit scellé son sort : « Vu que je suis proche de Pape, il serait logique que je parte aussi », a-t-il déclaré.

Cette énième péripétie aura permis de révéler définitivement la nouvelle donne du football, et de clarifier les rapports de domination au sein des clubs. Le rapport entre le capital et le travail ? Simple. Ce sont ceux qui paient qui décident.

Jérémy Collado


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