Des Néosocialistes de 1933 à Manuel Valls, DSK...

mercredi 16 juillet 2014.
 

À lire le blog de M.Valls [1] (22 juillet 2009), pour constater quel vide programmatique le désormais chouchou des médias oppose au vide socialiste. Il invite impérativement « la gauche » au devoir de vérité (voir la société telle qu’elle est, en abandonnant les vieilles lunettes marxistes) et au rassemblement le plus large (suivez mon regard), afin de gagner les régionales de 2010 et de préparer la suite. La suite étant naturellement la victoire de l’auteur aux présidentielles de 2012. Victoire qui, n’en doutez pas, assurerait les légitimes épanouissements personnels du plus grand nombre, dans une société incontournablement capitaliste et mondialisée.

Les rappels historiques sont aujourd’hui si souvent biaisés, quand ils ne sont pas ignorés, que l’on peut hésiter avant d’évoquer le souvenir, bien effacé, de ce qui a mûri dans la SFIO des années 1920 pour aboutir, la crise de 1929 aidant, à la scission de 1933. Les « Néos » socialistes reprochaient alors à leur direction de naviguer entre l’attachement stérile à la pensée marxiste, ignorant les modifications de la société française, et un réformisme au petit pied. Un œil sur le planisme belge et sur l’interventionnisme roosveltien, un œil sur l’autoritarisme nationaliste fasciste (jusqu’au slogan de Marquet, maire de Bordeaux, issu de l’extrême gauche socialiste, « Ordre , autorité, nation »), ils proposaient donc un renouvellement total de la pensée socialiste. Ils adoptaient volontiers les analyses de la presse, qui présentaient cet affrontement en conflit de générations. Ils n’acceptaient pas les fermes rappels à la discipline de la direction du Parti. Le tout sous l’égide d’un Jaurès qui depuis sa mort n’en pouvait mais [2].

Ainsi les « Néos », majoritairement élus locaux et députés, quittèrent en nombre le Parti socialiste pour créer en 1933 le « Parti socialiste de France – Union Jean Jaurès », prêt à prendre ses responsabilités gouvernementales dans l’alliance avec des courants radicaux et « bourgeois ».

Paradoxe (apparent). Les « Néos » reprochaient à la direction socialiste et à Blum de refuser la participation à un gouvernement « bourgeois ». On comprend leur effarement et leur effacement (provisoire ) quand Blum accepta de former le gouvernement du Front populaire (radicaux et socialistes) en 1936.

C’est que les visions pré-établies des lendemains avaient été quelque peu bousculées par « l’Histoire » : accession d’Hitler au pouvoir, riposte à menace fasciste française de 1934, accentuation de la crise économique et sociale, poussée unitaire socialo-communiste « à la base »… Bousculades qui, après la fin du Front Populaire et la tragédie de 1939-1940, devaient amener bien des « Néos » sur des chemins divergents : disparition politique, pétainisme voire collaboration ouverte, engagements variés dans la Résistance… Et qui en firent se retrouver certains dans les différents courants reconstructeurs d’après 1945…

L’évidente ressemblance entre les « Néos » de 1933 et les contestataires socialistes de 1933 est la rupture totale et proclamée avec « les lunettes marxistes ». L’énorme différence entre la situation politique de 1933 et celle d’aujourd’hui est l’absence de régime présidentiel en 1933, et l’acceptation, réaliste et proclamée, de la présidentialisation du régime, accélérée par L.Jospin [3], réalisée par N.Sarkozy.

Il serait facile d’ironiser sur l’inanité de la critique de nos actuels « Néos » à l’égard de la direction socialiste. (Je dis bien « dirigeants », que je confonds pas avec la masse complexe des électeurs, adhérents, élus…). Bien rares sont les dirigeants socialistes qui font leur aujourd’hui une analyse « marxiste » de la société… Et, au-delà de leurs allergies anti-sarkozystes exacerbées, on peut compter sur les doigts de la main les dirigeants socialistes qui n’ont pas intériorisé la réalité et la légitimité du système présidentiel, et, partant, la nécessité de dégager une candidature répondant aux caractéristiques de l’emploi. Ce qui permet de ne pas écarter l’hypothèse d’une direction socialiste (hors-prétendants), poussée « aux affaires » par les événements, qui donnerait à la politique nationale un cours plus que conforme à celui préconisé par les dits prétendants.

Deux jours avant sa proclamation fracassante, M.Valls écrivait sur son blog : « l’entretien de BHL au JDD sonne juste » (20 juillet 2009). Merci BHL…. Il n’est pas difficile en effet de voir dans le propos de BHL sur la mort du Parti socialiste l’appel (télécommandé) à la constitution d’un grand parti démocrate à l’américaine, dans l’alternance avec une droite qu’il n’est pas question de diaboliser (processus assumé sur une vingtaine d’années par le PC italien, mais envisagé chez nous bien plus rapidement).

Certes, ce disant, notre rénovateur flatte dans le sens du poil un électorat (manifesté et non potentiel) qui a récemment abandonné le vote P.S au profit du Tiers Parti vert ou de l’entreprise MODEM. Il est évident que la déperdition des voix socialistes n’a profité ni au Front de Gauche, qui peine à dépasser de peu le score communiste des européennes précédentes, ni au NPA.

Mais, comme après 1933, rien ne garantit que des sursauts inattendus de « l’Histoire », intérieure et extérieure, ne viendront bousculer cette belle ordonnance politique des lendemains et ces ambitions personnelles exacerbées.

René MERLE

[1] http://www.valls.fr/

[2] René Merle, « Jaurès ‘panthéonisé’, Jaurès modernisé », http://www.rene-merle.com/article.p...

[3] René Merle « A propos du régime présidentiel », 2003. http://www.rene-merle.com/article.p...


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