Le général Boulanger, héros et zéro du pré-fascisme

vendredi 4 octobre 2024.
 

Dans les démocraties dites représentatives, la coupure très importante entre peuple électeur et couche sociale des politiques produit régulièrement des personnages falots fruits des réseaux de pouvoir et des circonstances.

Tel est le cas de Paul Deschanel 24 mai 1920 Paul Deschanel, Président de la République, parcourt la voie ferrée seul, à pied, ensanglanté, en pyjama

Tel est aussi le cas, toujours sous la Troisième république, de Georges Boulanger, personnalité symbolique des politiciens chez qui célébrité rime avec médiocrité.

L’irruption en politique du général Boulanger est due essentiellement à la crise des institutions politiques qui se prolonge de 1886 à 1891. Une grande partie de la droite, liée à la hiérarchie catholique, essaie de saper la crédibilité des institutions républicaines pour permettre un retour de la royauté. Dans le même temps, le mouvement ouvrier constate l’alliance entre un patronat qui l’exploite ignoblement et une gauche républicaine qui le trahit et le réprime ignoblement. De cette union du patronat et des élus républicains naissent de fréquents scandales financiers éclaboussant le personnel politique, scandales que la presse de droite utilise pour attaquer la gauche et la république.

Cette période politique est également marquée par des difficultés économiques (chômage, reconversions difficiles...) et par le nationalisme français qui perdure depuis la guerre de 1870. Les bonapartistes l’attisent particulièrement en rappelant sans cesse la grandeur militaire passée de la France.

Le Parti radical, peu clair dans ses idées, peu structuré et peu implanté a toujours cherché à compenser ces faiblesses par des manoeuvres politiciennes.

C’est ainsi que Clémenceau fait entrer au ministère de la guerre dans le gouvernement Freycinet de 1886, le général Boulanger, son condisciple au lycée de Nantes. Celui-ci avait acquis une certaine popularité comme directeur de l’infanterie ; il l’améliore dans ses nouvelles fonctions par des mesures habiles : autorisation du port de la barbe par les soldats, repas servi dans des assiettes, sorties de théâtre...

Politiquement, Boulanger s’attire la sympathie du peuple républicain par l’obligation militaire pour les séminaristes, par l’interdiction de séjour sur le territoire national « aux chefs des familles ayant régné sur la France et leurs héritiers directs » ; de plus, ces derniers sont exclus de l’armée de terre et de la marine. Il s’attire aussi la sympathie du peuple nationaliste par des discours belliqueux contre l’Allemagne.

Le 3 décembre 1886, le gouvernement Freycinet tombe et se voit remplacé par un gouvernement de droite dirigé par Goblet, sans les radicaux mais toujours avec Boulanger qui pousse de plus en plus loin les provocations guerrières face à l’Allemagne. En mai, ce gouvernement tombe et Boulanger est évincé du gouvernement Rouvier.

Cependant, les scandales financiers continuent. En 1887 par exemple, le gendre du président de la république est convaincu de trafic d’influence. Boulanger, rayé des cadres de l’armée, peut s’engager dans une carrière politique. Il reçoit rapidement le soutien :

- des monarchistes (en particulier 3 millions de francs de la part des Orléanistes) désireux de l’utiliser pour affaiblir au maximum les républicains.

- des bonapartistes

- de l’extrême droite pré-fasciste (Ligue des Patriotes de Déroulède)

- de la gauche nationaliste et populiste ( Rochefort)

Les manifestations en sa faveur deviennent de plus en plus massives et de plus en plus agressives. Lors d’une élection législative partielle à Paris le 27 janvier 1888, Boulanger l’emporte largement par 244 000 voix contre 160000. Cinquante mille personnes se rassemblent pour fêter ce succès. Plusieurs activistes le poussent à profiter de cette affluence et de sa popularité pour attaquer l’Elysée. Le général hésite, attend, refuse.

En fait, Boulanger est un personnage bien trop falot pour le rôle que diverses forces veulent lui faire jouer.

- Personnage falot qui a besoin de jouer les fiers à bras pour gagner le coeur et les calins de son "amie" madame de Bonnemains. Ainsi, il lui annonce qu’il prépare un coup d’état pour le lendemain, passe un bon moment avec elle puis repart se disant que la vie accorde de très bons moments sans avoir besoin de tenter un coup d’état.

- Personnage falot capable de trahir toutes les causes et de mentir selon son besoin. Ainsi, boucher de la Commune à la tête du 114e régiment d’infanterie de ligne, il joue les naïfs auprès des anciens Communards comme Rochefort.

- Personnage falot qui subit l’influence de son équipe de campagne composée d’activistes capables de toutes les folies minoritaires (comme Déroulède) alors que lui, prend peur avant toute initiative.

Le nouveau ministre de l’Intérieur, Ernest Constans, fait savoir à Boulanger qu’il sera bientôt arrêté. Ce falot de général La Boulange (chanson célèbre à l’époque) prend peur, quitte le territoire avec la bénédiction évidente du pouvoir.

Il s’installe alors en Belgique en compagnie de son amie Madame de Bonnemains. Celle-ci meurt de maladie.

Le général Boulanger termine sa carrière politique en se suicidant d’un coup de révolver sur la tombe de cette dernière, le 30 septembre 1891.

B) 27 janvier 1889 Boulanger élu triomphalement député de Paris

Le 27 janvier 1889, le général Boulanger est élu triomphalement député de Paris, mais renonce à accomplir le coup d’état souhaité par ses partisans.

Après avoir joué un rôle actif dans la répression de la Commune en 1871, le « général Revanche » gagne sa popularité comme ministre de la guerre en 1886-1887. À ce poste, il améliore le sort de la troupe (port de la barbe autorisé, le sommier remplace la paille du soldat), introduit des innovations techniques (adoption du fusil Lebel), réintroduit la revue militaire du 14 Juillet. Il interdit aux descendants des familles régnantes de faire carrière dans l’armée et rend le service militaire obligatoire pour les ecclésiastiques. Son discours belliqueux et revanchard plait.

La découverte d’un réseau d’espionnage en Alsace-Lorraine allemande l’empêche d’être reconduit au gouvernement, en mai 1887. Après le scandale des décorations qui éclate en novembre 1887 et fait grand tort à la République, le général Boulanger reçoit le soutien du prince Bonaparte et des orléanistes.

Entre avril et août 1888, le général, retiré de l’armée, est élu député dans quatre départements différents, en vertu du système des candidatures multiples. Il centralise les voix des personnes désireuses de renverser le régime républicain. Treize ans après le vote des lois constitutionnelles de 1875 et le rétablissement de la République, il représente le dernier espoir de Restauration de la monarchie en France. Soutenu par les ligues d’extrême droite, Déroulède et Rochefort, son programme tient en trois mots : « Dissolution, constituante, révision ».

Le 27 janvier 1889, il est élu député de Paris. La foule le presse de marcher sur l’Élysée. Influencé par sa maîtresse Marguerite de Bonnemains, il se refuse au coup d’état. Il fuit deux mois plus tard en Belgique, avant d’être condamné par la Haute Cour de Justice (le Sénat) par contumace à la déportation. Après son coup d’état avorté, le Parlement rétablit le scrutin d’arrondissement au lieu du scrutin de liste départemental et interdit les candidatures multiples qui ont été si favorables au général. Deux ans plus tard, Boulanger se suicide sur la tombe de sa maîtresse. Clémenceau aura alors ce mot douloureux : « Il est mort comme il a vécu, en sous-lieutenant. »

Jeanne Fidaz


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