Dès avril 1942, le gouvernement Pétain et sa police savaient qu’Hitler voulait exterminer les Juifs. Pourtant, ces aïeux de la droite en ont livré des trains et des trains

mardi 29 mai 2012.
 

C’est un document très étonnant et dérangeant que publie CNRS Editions sous le titre « Berlin 1942, le voyage d’un collabo au coeur de la Gestapo », présenté par l’historien Laurent Joly.

Un court récit, très détaillé, à mi-chemin entre le journal intime et le PV de police, d’un séjour forcé à Berlin, dans les salles d’interrogatoire de la Gestapo.

L’auteur est un flic des RG, un peu trouillard, un peu fragile, un peu salaud, très ordinaire : le visage de cette « banalité du mal » que Hannah Arendt a si bien su décrire.

Le texte a été rédigé d’une traite par Sadosky, à son retour de Berlin. C’est un rapport destiné à ses supérieurs, mais il est émaillé d’impressions personnelles.

Dans le passage que nous reproduisons ci-dessous, avec l’autorisation de CNRS Editions, Sadosky raconte sa « promenade » dans le quartier juif de Berlin.

On verra que, dès le printemps 1942, un simple sous-officier SS est au courant du projet de « solution finale » et qu’il n’hésite pas à en faire part à son « visiteur » français. Sadosky apprend ce projet, ce qui ne l’empêchera pas, à son retour, de diriger le « rayon juif » des RG. Et donc, comme le remarque l’historien Laurent Joly, de traquer des centaines de juifs en sachant parfaitement quel sort les attendait « à l’est ».

Extrait de « Berlin 1942, Le voyage d’un collabo au coeur de la Gestapo », récit de Louis Sadosky :

« On nous fit visiter des cafés et des restaurants juifs. Les juifs, à notre entrée dans ces établissements, comprirent immédiatement que nous étions des policiers, ils “ vidèrent très rapidement les lieux ”.

Cependant, quelques-uns furent interpellés et durent exhiber leur pièce d’identité, et de plus fournir les motifs de leur présence dans ces établissements, dans les heures dites “ creuses ”. Car, à Berlin, tous les juifs ne doivent pas rester oisifs et doivent avoir une occupation. Tout commerce leur est interdit, et ils sont en principe occupés à de durs travaux.

De plus les juifs n’ont pas le droit d’emprunter aucun moyen de transport public, à moins que la distance entre leur lieu de travail et leur domicile soit supérieure à 7 kilomètres. Les juifs de Berlin n’ont accès dans aucune salle de spectacle, dans aucun établissement public, dans aucune grande ou principale artère. En somme, on ne rencontre à Berlin des juifs que dans les petites rues et encore faut-il qu’ils empruntent la chaussée. Ainsi, on les rencontre marchant rapidement, tête baissée, comme des personnes craintives et honteuses.

Enfin, leur carte d’alimentation et leurs tickets de rationnement comportent la lettre J, et ils ne peuvent faire leurs achats qu’entre 15 heures et 17 heures, et dans les magasins qui leur sont désignés.

Dans un restaurant juif, nous avons pu constater que le menu autorisé ce jour, qui était un samedi, jour du Sabbat, consistait en une sorte de soupe de choux et de betteraves, et, comme légumes, des carottes, des choux rouges et des betteraves rouges alors que ce jour-là, dans presque tous les restaurants berlinois, il y avait du poisson de la Baltique.

Il reste encore à Berlin, nous ont confié les inspecteurs, 63 000 juifs allemands, mais, ajoutèrent-ils ,chaque jour des convois de juifs sont formés à destination de l’Est, et nous pensons, dirent-ils encore, qu’en 1943, il ne restera plus un seul juif à Berlin.

Mais où les conduit-on, demandais-je.

Dans le gouvernement général [territoire polonais occupé par l’Allemagne, ndlr], me répondit-on. Alors, dis-je, le gouvernement allemand n’aurait-il pas l’intention de créer dans le gouvernement général un ghetto universel.

Oh, non, me répondit-on, ce n’est pas l’intention du chancelier Hitler, mais au contraire celle de la destruction complète et à jamais de la race. Dans le Gouvernement général, les juifs ne vivent pas longtemps. »

Comment, à Berlin en avril 1942, on devisait sur la solution finale

Par Pascal Riché Rue89


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