9 mars 1661 : Mort de Mazarin

mercredi 13 mars 2024.
 

De 1643 (mort de Louis XIII) à 1661, le cardinal Jules Mazarin dirige les affaires politiques de la France, à part quelques brèves interruptions.

Depuis son décès, il est vanté par l’Eglise comme un grand catholique, un homme de cœur et de culture, protecteur de la royauté. Les manuels républicains des 3ème et 4ème république sont moins laudateurs mais reconnaissent en lui un négociateur habile et un homme d’Etat dans la tradition des Sully, Richelieu et Colbert.

La domination idéologique du libéralisme vaut à Mazarin depuis une trentaine d’années des couronnes de lauriers.

L’article Mazarin de l’Encyclopedia Universalis en est un bon exemple "Si Mazarin occupe dans l’histoire de la France et dans l’histoire de l’Europe une place si importante, c’est qu’il a poursuivi et même couronné l’oeuvre de Richelieu. Grâce à lui, les effets d’une continuité... se sont fait sentir, à l’intérieur par le triomphe de l’absolutisme, à l’extérieur par l’abaissement de la maison d’Autriche et la prépondérance française... Au physique, "bel homme... oeil vif et d’esprit, un visage doux, avec parfois des lueurs de tristesse. Intellectuellement, les dons les plus rares : il comprend, retient et pressent tout. Moralement, un courage que rien n’amollit... La Curie de Rome ... lui a encore enseigné les manoeuvres obliques, la souplesse, l’art du compromis mais aussi le sens de l’humain... Le triomphe de l’absolutisme est celui de Mazarin et de son habile conduite... Mazarin vaut mieux que sa réputation. Sa mémoire a souffert des relents de la xénophobie dont il avait été victime de son vivant. Pourtant, rarement carrière personnelle aura été, en dépit des traverses, si réussie et si féconde. Rarement, l’action politique aura laissé une empreinte aussi durable..."

Parmi les qualités ainsi vantées, certaines s’appuient sur la réalité historique :

• Par rapport à bien des animateurs de la diplomatie française comme Douste Blazy ou même Clémenceau, l’action de Mazarin fut pensée, cohérente, intelligemment menée. Elle mena aux traités de Westphalie (1644 1648) et au Traité des Pyrénées (1659) qui établirent un nouvel ordre européen assis sur quelques grandes royautés absolutistes avec un rôle fort de la France.

• Il fut un homme de culture ; le Palais de l’Institut de France et la Bibliothèque Mazarine gardent le souvenir de sa passion de collectionneur.

• Il sort vainqueur de la Fronde des princes, dernière tentative des grands féodaux pour reprendre le pouvoir au détriment du roi et de l’Etat.

Ajoutons qu’en poursuivant la guerre au niveau européen aux côtés des protestants contre l’Empire des Habsbourg et la papauté dans le but de renforcer la France, il a contribué involontairement à déstabiliser l’ordre clérical médiéval. Cette même politique européenne a également contribué à renforcer une tradition gallicane dans l’Eglise française.

Ceci dit, pour un socialiste, le personnage de Mazarin présente des aspects profondément détestables :

* Durant ses années de pouvoir, les milieux populaires ont souffert de conditions de vie extrêmement dures. Si le cardinal n’est pas responsable des hivers rigoureux, il l’est d’avoir dévalisé les familles, en particulier pour son propre profit.

* Il a considérablement utilisé ses fonctions politiques de premier ministre pour s’enrichir. "Sous couvert d’aider le roi, Mazarin peut jouer les fournisseurs aux armées, activité très rémunératrice dans un Etat guerrier. Il donne également dans les armements maritimes ; là aussi, bénéficiant d’une certaine confusion, il équipe ici des navires du roi pour le compte de l’Etat et là il utilise ces vaisseaux pour son propre compte... Egalement orienté vers des opérations purement financières, il exploite des aliénations de droits sur le roi et pratique des "avances" aux coffres publics... Mazarin use avec cynisme de sa position pour soutirer des sommes d’argent... Il trafique de tout... pot-de-vin... commission... spéculation... Le Cardinal et Colbert se conduisent en manieurs d’argent qui se repaissent des dépouilles de l’Etat et tirent profit de ses embarras financiers." (L’Histoire n° 81)

* A sa mort, sa fortune atteint 34 984 891 livres, le plus gros avoir personnel connu sous la France d’Ancien régime. Un quart de ce patrimoine est constitué d’argent liquide ce qui a probablement contribué au manque de liquidités aggravant la crise. Au moment où les caisses de l’Etat et les disponibilités de crédit sont réduites à néant, l’enrichissement de Mazarin, en huit ans environ, prouve la rapacité financière de l’individu.

Dans ses mémoires, le comte de Brienne a croqué ainsi le personnage de Giulio Mazzarino : « Il n’était pas scrupuleux… il aimait les spectacles et la comédie, les ballets et les fêtes, mais le jeu surtout auquel il donnait pour le moins autant de son temps qu’à la direction des affaires publiques… L’avarice… était sa passion dominante… »

Du point de vue politique, Mazarin (comme Richelieu) porte une responsabilité importante dans une caractéristique fondamentale de l’absolutisme français (comme espagnol et autrichien) qu’il contribue à asseoir : le rôle politique central d’une Eglise catholique rétrograde en position de monopole idéologique.

Mazarin marque la Restauration complémentaire mais instable de l’absolutisme et du cléricalisme catholique.

Or, l’héritage politique de Henri IV aurait pu mener vers une autre configuration de l’équilibre des pouvoirs.

Jacques Serieys


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