Chili : confusion volontaire et clarté nécessaire

vendredi 25 décembre 2009.
 

Au Chili, « l’héritage » des années de dictature est la grande confusion idéologique et intellectuelle qui règne aujourd’hui dans la vie politique. Les vingt années de « Concertacion », cette alliance entre socialistes et Démocratie-chrétienne ont continué cette œuvre néfaste. Droite contre gauche, gauche contre droite, pour certains acteurs politiques de premier plan, ces clivages n’auraient plus de valeurs. Après le retour de la démocratie, en 1989, le prétexte (fondé dans un premier temps) de ce type de discours, était le danger du retour des militaires. Mais, en 2009, on en ait toujours là. Le PS a soutenu dès le premier tour un homme de droite, Eduardo Frei, pour, disait-il, empêcher le retour d’une droite encore plus dure. La présidente socialiste Michelle Bachelet l’a activement soutenu pendant la campagne. On a vu les résultats dimanche.

Mais, même le jeune candidat Marco Enriquez-Ominami (MEO), qui a obtenu plus de 20 % des suffrages, si choyée par la presse française, a participé à cette confusion. Il y a 10 jours, le quotidien Le Monde l’a présenté en pleine page avec complaisance comme le « candidat rebelle de la gauche chilienne » qui met « un coup de jeune à la classe politique ». Dans cet article assez élogieux, la journaliste a peu insisté sur le caractère confus du discours politique de MEO, voulant rassembler « les gens de talents, d’où qu’ils viennent », favorable à « l’ouverture du capital de la Codelco à des fonds privés », se présentant comme « un Sarkozy de gauche, car cet homme a de l’énergie et est marié comme moi à une femme médiatique ». Bref, faisant lui aussi « exploser » le clivage droite/gauche. C’est d’ailleurs peut-être cela qui a plu à la journaliste du Monde : un homme de gauche, qui parle parfois comme la droite. Chacun donc appréciera le caractère « rebelle » de cette candidature. Et verra peut-être un clin d’œil vers notre vie politique hexagonale. Une fois de plus, le Chili n’est jamais loin de la France.

Depuis hier, le responsable du projet économique de MEO, M. Paul Fontaine, a rejoint l’équipe de campagne du candidat de droite Sébastian Pinera. Oui, oui, vous avez bien lu. Celui qui a rédigé le programme économique du « candidat rebelle de la gauche chilienne » (dixit Le Monde) est désormais un soutien actif au candidat ultra libéral. MEO, d’ordinaire trés réactif, est resté silencieux après cette nouvelle, mais au soir du premier tour, il n’avait appelé à voter pour personne par « respect pour son électorat ».

Le ralliement de Paul Fontaine à la droite au second tour n’est pas un scoop en vérité. Il suffisait de lire la presse chilienne depuis quelques mois. Cet homme vient de cette famille politique, il l’assumait lors de différentes interviews. Moi-même, dans un blog datant du mois d’août, j’avais souligné cette « contradiction » (c’est un euphémisme). Voilà donc, au Chili, la confusion politique continue sa sale besogne.

Bon, ceci dit, beaucoup s’accordent à dire que la parole politique s’est libérée. Et que d’ailleurs MEO y a participé en fracturant le « bipolarisme » qui dominait. Il n’est pas le seul, encore plus important, Jorge Arrate, en tenant un discours de gauche sans complaisance et avec sérieux a aussi joué un rôle déterminant dans ce virage politique. Il y aura un avant et un après cette campagne. Actuellement, Jorge Arrate continue de mettre la pression sur la Concertacion, afin qu’elle se prononce clairement pour une Assemblée Constituante afin de changer de Constitution. Son soutien ne sera pas sans cet engagement politique minimum. Pour l’heure, pas réponse. Eduardo Frei semble préférer garder la Constitution rédigée par Pinochet au soutien d’un candidat qui a obtenu 6,21 % des voix ! Il en assumera les conséquences.

En attendant, loin de ses positionnements d’entre deux tours, il faut que la gauche se reconstruise, se reformate. Modestement, le Parti de Gauche (PG) peut aussi aider à cette tâche. Par exemple, hier soir, Martine Billard (députée de Paris et nouvelle Porte Parole du PG) a contribué à cette œuvre. Elle a animé un débat à Santiago, à l’invitation de la rédaction du Monde diplomatique (Edition Chili). Le rédacteur en chef de ce mensuel de grande qualité est notre ami Victor Hugo de la Fuente, fin observateur de la vie politique chilienne et authentique homme de gauche. Il avait aussi invité le journaliste chilien Raul Sohr.

Plus de 120 personnes dans une salle surchauffée pour écouter Martine parler du « réchauffement climatique et des enjeux de Copenhague », la soirée fut donc un succès. Parmi les nombreuses questions posées à Martine, je retiens celles qui lui ont demandé d’expliquer pour quelles raisons elle avait quitté les Verts et rejoint le PG. Par des propos clairs, Martine Billard y a répondu en critiquant brillamment ceux qui prétendent apporter des réponses politiques aux problèmes de l’humanité en se plaçant « au dessus de clivage droite/gauche ».

L’alternative est là : Face à la droite, confusion ou clarté à gauche ? De Santiago à Paris les mêmes obstacles se dressent, ensemble nous pouvons bâtir des solutions communes.


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