L’élevage est responsable, aujourd’hui, de 18 % des émissions totales de gaz à effet de serre, à l’origine de 8 % de la consommation mondiale annuelle d’eau, et occupe près de 80 % de la superficie agricole de la planète.
L’élevage est responsable, aujourd’hui, de 18 % des émissions totales de gaz à effet de serre, à l’origine de 8 % de la consommation mondiale annuelle d’eau, et occupe près de 80 % de la superficie agricole de la planète.
La consommation mondiale d’aliments issus de l’élevage (viande, œufs, produits laitiers) progresse à une vitesse vertigineuse. Aujourd’hui, par exemple, un Chinois mange en moyenne 59,5 kg de viande par an, contre 13,7 kg en 1980. Il a aussi multiplié sa consommation de produits laitiers par dix sur la même période, à 23,2kg !
Cette expansion soutenue ne va pas sans poser une multitude de défis, estime le rapport annuel sur "La situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture", publiée, jeudi 18 février, par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) : "La croissance rapide du secteur de l’élevage (…) a engendré des risques systémiques qui pourraient avoir des conséquences catastrophiques pour les moyens de subsistance, ainsi que pour la santé humaine et animale et pour l’environnement."
C’est la première fois, depuis 1982, que la FAO décide de consacrer le thème-clé de son principal rapport annuel à l’élevage. L’enjeu est donc bien de taille.
2,6 MILLIARDS DE BOVINS ET 2,7 MILLIARDS D’OVINS D’ICI À 40 ANS
Le phénomène est planétaire. Dès lors que le niveau de vie moyen augmente, les modes de consommation alimentaire changent en profondeur. Les régimes à base de céréales, tubercules et autres racines sont complétés par des produits issus de l’élevage. Dans les pays en développement, à l’exception de l’Afrique subsaharienne, la consommation de lait a presque doublé depuis les années 1960, celle de viande triplé, tandis que celle d’œufs a quintuplé.
Dans les pays développés, les habitants mangent, eux aussi, toujours plus d’aliments issus de l’élevage, même si cette croissance s’est fortement tassée. La consommation de viande y est passée de 76,3 kg par personne, en 1980, à 82,1 kg aujourd’hui. Les fréquents appels à manger moins de viande au nom de l’environnement, comme celui lancé en décembre 2009 par l’ancien Beatles, Paul McCartney, n’ont pas encore inversé la tendance au sein de la plupart des pays les plus riches.
Pour répondre à cet appétit et à l’accroissement démographique de la planète, qui devrait compter 9 milliards d’habitants en 2050, le nombre de bovins devrait passer de 1,5 à 2,6 milliards de têtes et celui des ovins de 1,7 à 2,7 milliards d’individus d’ici à quarante ans, selon l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI).
Si l’abus des produits issus de l’élevage peut favoriser l’obésité ou le développement de maladies cardio-vasculaires, ces nouveaux régimes alimentaires gardent toutefois un impact positif sur la santé des individus, selon la FAO : ces denrées sont une "excellente source de protéines de haute qualité, de micronutriments essentiels comme la vitamine B, et d’oligo-élements cruciaux comme le fer ou le zinc".
Or aujourd’hui, 4 à 5 milliards de personnes souffrent dans le monde de carences en fer, avec parfois des conséquences dramatiques sur les femmes enceintes ou sur la croissance des enfants.
Pour autant, ces nouvelles habitudes alimentaires comportent des risques majeurs. A commencer par de très lourds enjeux économiques, car près de un milliard de personnes vivent de l’élevage dans les pays en développement.
Or les nouveaux comportements pour se nourrir s’accompagnent d’une mutation en profondeur des modes de production : les petites exploitations qui survivent avec quelques volailles, porcs ou vaches, sont remplacées par des entités spécialisées sur un seul produit, qui pratiquent un élevage intensif à grande échelle, et se montrent donc bien plus compétitives.
Ce modèle, largement développé au Brésil, en Chine ou en Thaïlande, est appelé à se propager à l’ensemble de la planète. Mais, comme le note la FAO, "lorsque la transition est extrêmement rapide, (…) les implications pour la pauvreté et la sécurité alimentaire peuvent se révéler dramatiques et justifier l’intervention publique".
Et l’agence des Nations unies d’appeler les Etats à favoriser l’intégration de certains exploitants à des coopératives, gage en principe d’une plus grande compétitivité et d’une meilleure valorisation de leurs produits. Cela ne suffira pas. Il faudra aussi favoriser la reconversion professionnelle de beaucoup d’autres, car "la plupart des petits éleveurs finiront par quitter le secteur".
COÛT ENVIRONNEMENTAL
Autre risque majeur engendré par ces nouvelles habitudes alimentaires : le coût environnemental. Les chiffres sont accablants : l’élevage est responsable, aujourd’hui, de 18 % des émissions totales de gaz à effet de serre (davantage que les transports) ; est à l’origine de 8 % de la consommation mondiale annuelle d’eau, et occupe près de 80 % de la superficie agricole de la planète, entre les zones de pâturage et celles produisant l’alimentation des animaux.
Là encore, la FAO juge "nécessaire" l’intervention des pouvoirs publics, car "le secteur de l’élevage a un potentiel énorme en matière de contribution à l’atténuation" du réchauffement climatique. Et l’organisme de lister de multiples mesures pour restreindre l’impact environnemental de l’élevage : d’abord, pénaliser financièrement les abus, car "les prix actuels des terres ou de l’eau (…) ne reflètent pas la vraie valeur rare de ces ressources, ce qui entraîne leur surconsommation" ; ensuite, améliorer l’alimentation du bétail, notamment par le biais d’additifs, pour réduire les émissions de méthane ; enfin, favoriser la consommation de porc ou de poulet plutôt que de bœuf, qui consomme davantage de calories végétales pour produire une calorie animale.
Reste un défi majeur : celui de la santé publique. "Environ 75 % des nouvelles maladies qui ont affecté les humains depuis dix ans sont causées par des pathogènes provenant d’animaux ou de produits d’origine animale", rappelle la FAO. Or les nouvelles exploitations intensives dans les pays en développement se sont souvent implantées à proximité des centres urbains afin de limiter les transports. Autant de conditions propices à la propagation des maladies à l’homme. D’où l’impérieuse nécessité de les relocaliser loin des villes.
A cela s’ajoutent les failles béantes des systèmes publics de contrôle sanitaire des aliments, ou l’importance des marchés informels. Une nouvelle fois, la FAO en appelle aux pouvoirs publics pour prévenir et maîtriser ces risques sanitaires. Comme pour les défis économiques et environnementaux, "une action est nécessaire à tous les niveaux : du local, en passant par le régional et le national, jusqu’à l’international".
Clément Lacombe
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