Policiers et casseurs : Puisqu’il y a débat, il faut vider l’abcès !

lundi 1er novembre 2010.
 

Deux syndicats de policiers ont protesté contre ce qu’ils pensent que j’ai dit. Deux seulement. L’un a demandé au ministre de l’intérieur de porter plainte contre moi. Aussitôt plusieurs juristes et policiers de gauche sont venus à ma rescousse pour m’éclairer et me conseiller. Et nous même, nous avons consulté. Mardi, treize heures, j’apprends que le ministre de l’intérieur Brice Hortefeux renonce à me poursuivre en justice « pour ne pas me faire de la publicité, ni me victimiser ». Ha ! Ha ! Comme c’est émouvant ! Il n’avait aucune chance contre moi. Mais, à vrai dire, je suis assez soulagé de pouvoir m’épargner des procédures et leurs frais. Même si je sais que j’aurais gagné, de toute façon. Raison pour laquelle le ministre préfère parler d’autre chose. Car, il n’y a ni diffamation ni injures dans mon propos. En tous cas dans mon propos tel que prononcé réellement ! Et non tel que transcrit dans un certain « journalissime ». Nous avons vérifié auprès des juristes spécialisés.

Mais, par contre, les journalistes qui m’ont interrogé auraient eu du souci à se faire, selon ces mêmes experts. Car ce sont eux qui évoquent une possible responsabilité de la police et me demandent de m’exprimer à ce sujet et non moi qui ne fait que répondre à leur question. Eux qui parlent de « provocateurs » et non moi qui leur laisse la responsabilité du terme. Eux qui mettent sur la table le nom de Brice Hortefeux et non moi. C’est que je ne suis pas tombé de la dernière pluie ! D’ailleurs, au cours de l’échange, je dis que je connais leur truc pour faire un buzz à partir d’une phrase sortie de son contexte. J’avais eu la même affaire avec ma déclaration sur « ceux qui cassent, roulent pour Sarkozy ». Et je m’en suis expliqué dans ma précédente note. Bon. L’incident est clos. Un point pour moi.

Je note que les deux syndicats de police qui s’en sont pris à moi n’ont pas dit un mot des innombrables reportages qui circulent sur la toile ni de la page entière consacrée par « l’Humanité Dimanche » avec photos à l’appui sur le même thème ! Taper sur moi, ça fait de la publicité pour soi, affronter la toile, c’est une autre paire de manche ! Aucun des deux syndicats (Synergie-officier et FO-Police) n’a demandé à me rencontrer ou à rencontrer le PG après cette émission. C’est donc nous qui prenons l’initiative de proposer à chacun des syndicats de police une rencontre. Et nous leur avons envoyé la transcription littérale de mes propos. Pourquoi cet envoi ? Parce que nous connaissons la vérité. Nous avons des yeux et des oreilles partout, celles de nos adhérents et sympathisants, sans compter celles des amis qui ne veulent pas que nous soyons utilisés dans des manipulations internes ou des surenchères intersyndicales qui nous dépassent. Voici la vérité : aucun de ceux qui ont écrit contre moi n’a écouté l’ensemble de la séquence mais juste l’extrait vidéo installé par France Inter sur son site. Cet extrait a été réalisé sur la base de la reprise immédiate à ITV, dès la fin de l’émission, d’un résumé sensationnaliste de l’échange. Les trois journalistes se sont concertés pour décider que ce serait ça « l’angle ». C’est une pratique professionnelle tout à fait ordinaire. Et aussitôt a été appelé au téléphone un syndicaliste policier. Celui-ci a réagi séance tenante, cinq minutes après la fin de l’émission. A-t-il suivi l’émission ? Non. Bien sur. Il a donc réagi à ce que lui disait la personne qui l’interrogeait, sans avoir lui-même entendu la séquence. C’est tellement amusant à voir fabriquer un évènement !

La ronde s’est mis en place aussitôt, l’un copiant l’autre. Le journal officiel a validé la version. En effet la retranscription « résumé » publiée par le journal « Le Monde » le lendemain colle à cette seule question de la police et ne dit pas grand-chose de la dizaine d’autres sujets évoqués bien plus longuement dans cette émission. Ils voulaient du sensationnel. Je ne le leur reproche pas car j’ai assez dit que cela seulement intéresse la machine médiatique. Il me suffit d’y trouver mon compte. Ce n’est pas l’avis de mes proches qui trouvent que cette fois-ci il n’était pas seulement question de me nuire ni seulement de faire du sensationnel. Il s’agissait de me plomber avec une affaire de diffamation. Peu importe ! Raté Pancho ! Naïf, je pensais qu’on allait plutôt me chercher sur des sujets du genre le revenu maximum ou je ne sais quoi de ce style plus lourd à porter et défendre. J’ai encore passé des heures de travail sur mes fiches pour rien ou presque. Mais ceux qui ont écouté m’ont dit que l’émission était intéressante. Ne soyons donc pas mauvaise langue.

En tous cas, il ne faut pas en rester là. Puisqu’il y a débat, il faut vider l’abcès. Le sujet est trop important. L’emploi de la police dans une démocratie n’est pas une question annexe. Elle seule, la police nationale, a « le monopole de la violence légitime », celle que lui confère la société en lui demandant de faire en sorte que « force reste à la loi » en toute circonstances. Peut-être me suis-je trompé. Peut-être les témoignages reçus sont-ils fallacieux. Si c’est le cas je l’admettrai de bonne foi et sans réserve. Si j’ai raison qu’on prenne les mesures en conséquence. Parlons-en ouvertement et contradictoirement. On avait fait ça en 1986, avec une commission d’enquête dans les deux assemblées à propos des violences dans les manifestations et de la mort de Malik Oussékine décédé des suites d’un coup de matraque asséné par un voltigeur-motocycliste, unité de police dissoute à la suite de cet évènement. J’ai été membre de la commission sénatoriale a cette époque. je sais donc que c’est un outil de travail disponible. C’est pourquoi les députés du PCF et du PG ont déposé une proposition d’enquête parlementaire à l’assemblée nationale concernant l’ensemble des mesures d’emploi de la police dans les évènements de ces jours-ci. Il suffit aux syndicats qui me mettent en cause d’appuyer cette démarche et tout sera tiré au clair pour le plus grand avantage de notre démocratie. Et de la police et des policiers qui la composent. Mais cela suppose que le but de la démarche des syndicats en question soit bien de faire la lumière sur la réalité et pas seulement de se montre du doigt un homme politique de gauche. En tout cas le syndicat FO de la police, lui, est lui un syndicat fédéré, non ? FO a un engagement sur la démocratie parlementaire et s’en est toujours réclamé. Le syndicat FO peut donc appuyer cette demande. On va bien voir.

Ce qui est tout vu c’est l’interview de Bernard Thibault dans « Libération » qui fait les mêmes constats que moi. Et le communiqué de la FSU dans le même registre. Ce sont des poids lourds de la vie syndicale du pays. Donc l’affaire rebondit sans aucune gloire pour ceux qui l’ont déclenchée. Car c’est une chose de me trainer dans la boue en prenant des airs de cigognes outragées et une autre de clouer le bec à la CGT. Autant dire que c’est impossible. Hortefeux va donc faire le petit garçon et ceux qui s’en sont pris à moi peuvent aller en parler au siège de la CGT. Je ne suis pas près d’oublier quel syndicat m’aura, en quelque sorte, protégé dans cette histoire. Ni qui m’a tiré dessus sans précaution de langage ni vérifications d’aucune sorte. Evidemment, comme c’est trop bon pour moi, je publie ici même l’extrait de l’interview de Bernard Thibault et le communiqué de la FSU. Bon appétit les indignés de commande ! Mais je vois qu’on n’entend plus personne ! Puissance de la classe ouvrière !

« Libération » : Comment analysez-vous les sabotages d’hier sur la ligne Paris-Bordeaux ?

Bernard Thibault : « Les cheminots les dénoncent vivement. Je note que nous n’avons toujours pas le moindre début d’explication plausible sur les sabotages qui se sont produits après les grèves contre la réforme des régimes spéciaux en 2007. Des commentaires les avaient mis illico sur le dos des grévistes radicaux. Beaucoup d’indices nous laissent penser qu’il s’agit d’actes coordonnés, organisés, structurés par une coordination à une échelle centrale… »

« Libération » : Le gouvernement, donc ?

B.T. : « A une échelle centrale… Seule elle peut faire des actions le même jour, à la même heure, à plusieurs points du territoire. Mais cela ne vient pas des grévistes. »

« Libération » : Comme les violences dans les manifs ? »

BT : « La présence de policiers en exercice camouflés sous des badges syndicaux, à Lyon, à Paris, ne fait aucun doute. Des manipulateurs s’infiltrent et poussent au crime dans des piquets de grèves, des manifestations, des occupations de ronds-points, violentent les situations en fin de manifs pour avoir des images chocs pour la télé et créer un climat de tension. On a vu des policiers avec des badges CGT repérés par les nôtres, qui se réfugient dans un hall d’immeuble, et finissent par se faire exfiltrer par des CRS. Quand on en vient à ce genre de procédés, c’est que l’on ne sent pas très fort de l’autre côté. »

« La FSU condamne le recours à la répression, aux provocations policières et aux réquisitions portant atteinte au droit de grève. Elle demande au gouvernement de s’expliquer sur les conditions d’emplois des forces de l’ordre, notamment à Lyon sur la place Bellecour le 21 octobre ainsi que sur certains sites des raffineries et dépôts pétroliers. »

Et pour terminer mon tour d’horizon sur cette question, je reproduis le papier de Daniel Schneidermann. Parce que j’approuve et partage totalement l’angle sous lequel il pose les questions. De plus seul lui a l’autorité pour égratigner au passage les confrères qui ne s’intéressent qu’au fil AFP. Si je l’avais dit moi je serai déjà mort ! « 09h15 le neuf-quinze Le casseur, le témoin et le journaliste. "Il aura fallu une bonne petite semaine : mais la question a fini par atteindre les oreilles d’Hortefeux. En quoi a exactement consisté le rôle d’infiltration des policiers en civil, dans les manifestations des derniers jours ? Quelles consignes leur ont été données ? Se sont-ils contentés d’infiltrer les groupes de casseurs présumés, pour les identifier et les arrêter plus facilement (ce qui fait partie des légitimes missions de maintien de l’ordre) ou bien les ont-ils parfois excités, voire ont-ils eux-mêmes lancé quelques pierres, cassé quelques vitrines ? Ont-ils poussé le camouflage jusqu’à porter des autocollants CGT ? Quelles consignes précises leur ont été données ? Ont-ils, de retour de mission, rédigé des rapports ?

Ces questions, nous sommes quelques sites de presse à les poser, depuis une semaine, nous appuyant sur de nombreux témoignages de manifestants. Mais elles n’intéressent pas la presse traditionnelle, qui a bien d’autres questions, certainement plus urgentes, à traiter. Pour qu’elle se penche sur la question, il faut qu’un élu politique ou un responsable à mandat l’importe (la question) dans le débat public, et la déverse directement dans l’oreille réticente des journalistes. C’est ce qu’a fait Mélenchon, sur France Inter (en s’avançant un peu sur le cas de Chambéry, dans lequel les images à notre disposition ne permettent pas de conclure à l’implication directe d’un policier dans le lancer de cailloux, comme nous l’ont fait remarquer plusieurs @sinautes). Thibault vient ce matin à sa rescousse, dans Libé, un ton au dessous, à propos de porteurs "bizarres" d’autocollants CGT à Lyon. Les parlementaires du PC et du Front de Gauche demandent une commission d’enquête. Hortefeux et les syndicats de policiers protestent. La question est désormais dans le débat public, portée par un élu politique et un responsable syndical.

L’intéressant, est le cheminement de cette question. Si nous l’avons posée plus tôt que d’autres, c’est parce que les témoignages ont afflué, dans les forums et les boîtes aux lettres, et que nous avons le nez collé en permanence sur les forums et les boîtes aux lettres, alors que les confrères des journaux et des radios ne jurent, hélas, que par le fil de l’AFP (je généralise, je sais, mais c’est pour les besoins de la démonstration). Ainsi, à côté des déclarations officielles, et des fuites de documents judiciaires ou policiers, s’invente un troisième acteur de l’investigation : le témoin direct. S’invente ? Bien sûr que non. Rien de plus ancien, dans la presse, que le reportage ou l’enquête de terrain. Même si elle a un peu tendance à l’oublier, et que le Net lui donne une deuxième jeunesse. Daniel Schneidermann »


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