Enquête PISA La ségrégation fait école (dossier de L’Humanité)

lundi 27 décembre 2010.
 

1) L’école, un indicateur de civilisation

L’investissement toujours plus important dans l’éducation, l’accès de tous à l’enseignement, est un signe majeur des progrès de civilisation. Aujourd’hui, tous les signaux d’alarme sont enclenchés qui indiquent une véritable régression. La part de l’investissement éducatif diminue dans le produit intérieur brut de la France. Les enquêtes indiquent des inégalités croissantes dans l’accès au savoir et un recul de la France dans les palmarès mondiaux parce qu’elle privilégie une élite restreinte au détriment de la promotion massive des générations. Moins d’enseignants, moins de moyens consacrés 
aux cités populaires, un retour vers les impasses 
de la sélection… L’austérité dogmatique rivalise 
avec les ringardises d’un Jean-François Copé prônant 
un examen à l’entrée en sixième. Dernière provocation, 
le gouvernement asphyxie l’école publique mais 
accorde 4 millions d’euros supplémentaires 
à l’enseignement privé  !

La droite a fait le choix de favoriser les 10 % d’élèves les plus performants en abandonnant la mobilisation contre l’échec scolaire. En laissant tomber ceux qui ne suivent pas, c’est tout le dynamisme d’une société, sa capacité à répondre aux défis des sciences et des techniques, sa cohésion sociale qui sont mis à mal. La promotion de l’élite contre l’égalité républicaine caresse les réactionnaires dans le sens du poil, comme la suppression de la carte scolaire ou des Rased en avait été l’illustration. Mais les résultats d’ensemble sont désastreux  !

« Après le pain, l’éducation est le premier besoin du peuple  !  » tonnait Danton à la Convention. L’apostrophe retrouve subitement une charge révolutionnaire face au discours soporifique de Luc Chatel et aux saignées envisagées dans le budget de la nation. La justice sociale à l’école – qui passe par des mesures inégalitaires pour assurer la promotion de tous – est une condition de l’efficacité du système scolaire.

Le délaissement de l’éducation nationale par la droite n’est plus même caché. Le mauvais sort réservé aux jeunes enseignants, jetés sans formation devant les élèves, est pour eux fort douloureux, synonyme d’angoisse ou de déprime. Mais pour nos enfants, il est ravageur. Leur vie peut en être définitivement plombée. «  Les maîtres d’école sont des jardiniers en intelligence humaine  », écrivait Victor Hugo. Le pouvoir ne fait pas le pari de l’intelligence...

Les progressistes ont fait, au long de l’histoire, un objectif majeur de l’accès de la masse d’une génération au plus haut niveau d’éducation possible. Cela témoigne d’une ambition pour toute la société, par l’avènement d’une citoyenneté plus consciente et mieux maîtresse d’elle-même. Là réside l’intérêt général  ; ici s’ouvre un chantier pour la gauche.

Patrick Apel-Muller, L’Humanité

2) La France, championne des inégalités scolaires Article de L’Humanité

Selon l’étude internationale Pisa 2009, le fossé entre les très bons élèves et ceux en grande difficulté s’est creusé depuis dix ans.

Publiée hier, la dernière livraison de l’étude internationale Pisa (Programme international pour le suivi des acquis), réalisée en 2009 par l’OCDE dans 65 pays, dresse un tableau peu reluisant du système scolaire français. Globalement, les résultats sont aussi moyens qu’en 2006, date de la précédente étude. Les experts, qui ont interrogé 4 300 élèves français de quinze ans, placent le pays au 22e rang pour les critères de lecture et de la culture mathématique et au 27e rang pour celui de la culture scientifique. À ce constat peu glorieux vient s’en ajouter un autre, plus alarmant  : une augmentation rapide des inégalités depuis dix ans.

Par rapport à Pisa 2000, première édition de l’enquête, la proportion des élèves « les moins performants en compréhension de l’écrit » est passée de 15% à 20%. Tandis que celle des plus performants a augmenté de 8,5% à 9,6%. De la même façon, la proportion des élèves les plus faibles en mathématiques a augmenté de 16,6% en 2003 à 22,5% en 2009, alors que la proportion des meilleurs restait sensiblement identique. « Il y a de plus en plus d’élèves en échec scolaire, les inégalités se sont creusées, conclut Éric Charbonnier, expert en éducation à l’OCDE. C’est un signal d’alarme pour la France qui avait déjà été tiré par l’OCDE en 2006 et qui l’est de nouveau. » De fait, l’école française échoue à corriger les inégalités de départ  : « L’impact du niveau socio-économique sur la performance a plus de poids en France que dans la moyenne OCDE », ajoute l’expert.

Face à ce constat cuisant, Luc Chatel, qui, la semaine dernière, se félicitait de son bilan depuis la rentrée, l’a joué plus modeste. « Un prof dirait  : “Peut mieux faire”, et ajouterait “Mobilisation générale” », a répondu hier le ministre de l’Éducation, avant d’annoncer un vague « plan sciences » à l’école pour janvier. Sur le fond  ? Pas de changement. Ce qui n’étonnera pas les sociologues Christian Baudelot et Roger Establet, interrogés par l’AFP  : « La situation ne s’améliore pas, car rien n’a été fait, les gouvernements ayant mis les (précédentes) enquêtes Pisa sous le tapis. » C’est bien parti pour continuer…

L.M.

Source : http://humanite.fr/07_12_2010-la-fr...

3) Les enfants pauvres au pilori

La dernière enquête Pisa souligne une fois encore que les élèves des quartiers populaires sont les premières victimes d’un système éducatif français fondé sur l’élitisme

« L’école des héritiers »

Malheureusement, la formule est toujours d’actualité, en France, après la parution, le 7 décembre, de la quatrième enquête Pisa (programme international pour le suivi des acquis des élèves). Menée tous les trois ans auprès des élèves de quinze ans dans les 34 pays de l’OCDE, cette étude, certes subjective, fait tout de même un constat alarmant  : la France est l’un des pays où « l’impact du milieu socio-économique sur la performance des élèves » est extrêmement élevé. En clair, les enfants des classes populaires restent les premières victimes d’un système scolaire élitiste, où un élève de quinze ans sur cinq est considéré « en échec ».

Ce n’est pas une fatalité

Selon l’OCDE, les diverses caractéristiques du milieu familial expliquent à elles seules « 28 % de la variation dans les performances » scolaires en France, contre 22% en moyenne dans les autres pays. Quant aux élèves issus de l’immigration de première génération, ils s’exposent à « au moins deux fois plus de risques de compter parmi les élèves peu performants ». Mais ce constat, ajoute aussitôt l’étude Pisa, n’a rien d’une fatalité. « Si le désavantage socio-économique est un phénomène aux multiples facettes (…), certains pays réussissent à en atténuer l’impact sur le rendement de l’apprentissage. » Au Japon, la variable du milieu social n’entre que pour 14% dans les performances des élèves. Elle est de 18% en Islande, au Canada ou encore en Corée.

Pourquoi la France parvient-elle aussi peu à corriger ces inégalités de départ  ? « Car son système scolaire est basé sur la sélection et la formation d’une élite », rétorque le sociologue Christian Baudelot (lire page3). Un avis partagé par une cinquantaine de chercheurs qui ont signé, en octobre, un appel pour une « grande réforme démocratique » de l’école (1). « Les promoteurs de notre actuelle “école unique” ont toujours admis le principe de parcours tôt différenciés et d’une progression des scolarités qui maintienne les écarts sociaux, assurant une employabilité minimale à un pôle, et une qualification compétitive à l’autre. » De fait, les classes de sixième comptent aujourd’hui 55% de fils d’ouvriers et 15% de fils de cadres. Dans le supérieur, et notamment en classe préparatoire, cette proportion s’inverse.

Pour la FCPE, rien d’étonnant  : « Notre système s’appuyant totalement sur les devoirs à la maison, les notes et le redoublement, il ne parvient pas à faire réussir tous les élèves en leur renvoyant la responsabilité de l’échec, souligne la fédération de parents d’élèves. Cette forte responsabilité pédagogique des familles aggrave les inégalités sociales et leur reproduction dans le système scolaire. »

Ségrégation sociale

Et ce ne sont pas les réformes menées par la droite qui vont inverser la tendance (lire page 3). À l’heure où Luc Chatel, le ministre de l’Éducation, enchaîne les mesures à contresens sur fond de restrictions budgétaires, beaucoup dénoncent aujourd’hui l’absence de visée à long terme. Un seul chiffre  : en France, les dépenses d’éducation ont progressé de 5 % en deux ans contre 25 % en moyenne dans l’OCDE. L’État « abandonne l’école aux mécanismes sociaux et cela se traduit d’une façon brutale qui singularise aujourd’hui la France », souligne Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN, le syndicat des chefs d’établissement. Pour la FSU, c’est une évidence  : « Si l’on veut éviter que l’écart ne se creuse davantage, il faut rompre avec la politique actuelle de ghettoïsation et de ségrégation sociales et scolaires. » De toute urgence.

(1) www.democratisation-scolaire.fr.

Laurent Mouloud


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