Créer un " revenu minimum " était le combat des années 1980 ; instituer " un revenu maximum " pourrait bien devenir, à gauche, celui de la décennie à venir. Alors que la précampagne présidentielle de 2012 est lancée, la répartition des richesses redevient un sujet majeur. De Martine Aubry (PS) à Eva Joly (Europe Ecologie- Les Verts), en passant par Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) ou Olivier Besancenot (NPA), tous cherchent le moyen de réduire les inégalités de salaires et de revenus qui se sont creusées en France ces dix dernières années.
La crise est passée par là. Quand toute l’économie est mise au régime sec, les écarts de rémunérations ne passent plus. " Les niveaux atteints ne parlent plus aux gens. Ils ont l’impression que l’économie perd sa boussole et que la machine est devenue folle ", souligne Jérôme Fourquet, directeur de l’institut Ipsos, qui sent monter cette incompréhension dans les études d’opinion.
En librairie, l’ouvrage des sociologues Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon Le Président des riches (éditions Zones), connaît un franc succès. Plus de 88 000 exemplaires auraient déjà été - vendus. Les actions ludiques lancées par le groupe d’activistes " Sauvons les riches ", qui dénonce le mode de vie des plus riches sont regardées avec sympathie. La page Facebook intitulée " Quel montant pour le revenu maximum " connaît une forte consultation.
Les revues militantes s’emparent, elles aussi, du sujet. Le mensuel de sensibilité communiste Regards en fait sa " une " de décembre en demandant " Avons nous besoin des riches ? "
" Point limite "
L’annonce, la semaine dernière, que le smic ne connaîtrait pas de coup de pouce, a déclenché à gauche une salve d’indignation. Olivier Besancenot a dénoncé un " smic de misère ", le comparant aux 3,3 millions d’euros qui seraient la rémunération annuelle moyenne des dirigeants d’entreprises du CAC 40. " 200 fois le salaire d’un smicard, c’est édifiant ! ", s’est-il exclamé. Martine Aubry a enchaîné en notant qu’" il faut qu’un smicard travaille quatre vies pour gagner ce que gagne en un an un patron du CAC 40 ". " On atteint un point limite de la décence. Il faut que la gauche indique le cap d’une civilisation morale ", insiste Patrick Bessac, porte-parole du PCF.
Mais comment faire payer les riches ? Pour certains, ce ne serait qu’une question de " volonté politique ". " Il faut reprendre les 10 % de richesse nationale passés de la masse salariale aux plus hauts revenus ", exige M. Besancenot qui veut rétablir le taux de 65 % d’imposition pour la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu.
Jean-Luc Mélenchon, député européen du Parti de gauche (PG), affirme qu’au-dessus de 350 000 euros annuels, il " prend tout ". Comment ? en prolongeant le barème de l’impôt sur le revenu par la création d’une dizaine de nouvelles tranches dont le taux irait de 40 % à 100 %. " Il ne doit pas y avoir de revenus plus de vingt fois supérieur au salaire médian - 1 600 euros en 2010 - ", souligne Martine Billard, coprésidente du Parti de gauche
Les mots changent, les taux varient mais la demande est identique chez les écologistes. Ici, on parle de " revenu maximum fixé à 30 fois le revenu médian ". " Personne ne doit gagner plus de 500 000 euros annuels ou 40 000 euros par mois ", précise Pascal Canfin, eurodéputé et conseiller économique d’Europe Ecologie-Les Verts. Cette ponction pourrait passer par trois voies : la fixation par la loi d’un " salaire forfaitaire maximum ", la réintégration des revenus du patrimoine dans l’impôt sur le revenu, ou la création d’une tranche pour les revenus de plus 500 000 euros les taxant à " au moins à 70 % ".
Le Parti socialiste s’y est mis, lui aussi mais avec plus de précaution. Les propositions contenues dans son texte sur " l’égalité réelle ", présenté le 11 décembre, sont encore peu précises. Des pistes cependant existent : réforme de l’impôt sur le revenu, fiscalisation des stock-options au même titre que les salaires, et, surtout, plafonnement des rémunérations qui seraient " comprises dans une échelle de l’ordre de un à 20 " dans les entreprises où l’Etat est actionnaire. Taxation sur dix ans
Il faudra attendre la campagne des primaires pour savoir où les socialistes situent le curseur. On peut cependant tabler sur une surenchère. Interrogé lors de l’émission " Dimanche Soir politique " (France Inter, iTélé, Le Monde) Arnaud Montebourg a estimé que c’est " aux très grandes fortunes ", de payer les conséquences de la crise. Le député de Saône-et-Loire, candidat aux primaires, propose une taxation sur les patrimoines pendant au moins dix ans. Et pour modifier la répartition entre salaires et profits dans l’entreprise, il propose une loi d’indexation des salaires sur la productivité. " C’est cette loi du partage des profits qu’il va falloir que tous les pays européens, sans exception, imposent ", estime-t-il.
Sylvia Zappi
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