Tunisie, Egypte : Le peuple redevient un acteur de l’histoire

jeudi 3 février 2011.
 

La continuité du mouvement révolutionnaire en Tunisie est tellement riche de sens !

Parti du terrain social, le mouvement a immédiatement pris un chemin politique en se concentrant sur la question de la démocratie. Sans relâche ni trêve la volonté de faire partir tous les membres de l’ancien régime se maintient et se renforce.

« Qu’ils s’en aillent tous ! » dit le mouvement. Le mot d’ordre venu d’Amérique latine a bel et bien traversé l’atlantique. Les évènements en Egypte, mais avant eux ceux de l’Algérie, dessinent un tableau cohérent. Il signale comment à une communauté de causes correspond une communauté d’effets.

Sans entrer ici davantage dans une analyse déjà maintes fois argumentée sur ce blog, cette série d’évènements confirment la thèse sur laquelle est bâtie la stratégie du Parti et qui le conduit à proposer la perspective de la « révolution citoyenne ».

Vous notez que j’essaie d’en parler de façon aussi concise que possible cette fois-ci. Mais comment taire combien je suis impressionné par la vitesse à laquelle une analyse comme celle-ci s’est vérifiée.

Autrefois il y aurait eu sans doute un ardent débat à gauche pour confronter les thèses en présence à propos de l’avenir de la gauche dans ce contexte.

Aujourd’hui il ne se discute de rien. La révolution tunisienne est un article exotique. Personne, sinon mes amis et moi, sur ce blog comme dans nos tracts et discours, ne se risque à dire que l’affaire tunisienne nous implique et que sa capacité de contagion nous concerne.

Sous nos yeux le bug français dessine ses propres contours. La marmite chauffe. Comment ceux qui font si grand bruit à propos de l’exigence démocratique ailleurs en font-ils si peu de cas pour ici. Comment le pouvoir de droite, et son chef Nicolas Sarkozy, qui vient de déclarer n’avoir pas pris la mesure de la frustration des tunisiens ne se demande-t-il pas s’il n’est pas en train de commettre la même erreur dans ses propres frontières ? Je ne pose pas la question comme une formule de rhétorique pour accabler un gouvernement déjà si enfoncé dans les sondages et dans l’esprit du tout venant, si j’en juge par ce que je vois et j’entends autour de moi. Je ne considère ici que les effet si semblables d’une cause si évidemment commune. Comment l’équipe de Ben Ali est-elle devenue absolument aveugle et sourde devant ce qui a éclaté et les a emportés ? Et comment tous les observateurs ont-ils été atteints de la même cécité ? Comme ce fut le cas en Argentine, en Bolivie et ainsi de suite. Comme ce fut le cas de Louis Capet au moment du fameux échange « c’est une révolte ? » « Non sire, c’est une révolution ».

Dans la notice injurieuse que Christophe Barbier a rédigée avant de me remettre le grotesque prix de « la révélation politique de l’année », je lis ces lignes qui décrivent si bien l’état d’hallucination satisfaite des puissants. « A l’heure où l’indignation est tant à la mode, il serait coupable de faire croire au peuple que s’enflammer sans réfléchir, casser plutôt que bâtir, détester une partie des français plutôt que de chercher l’union nationale est la voie à suivre. Depuis longtemps, dans notre pays jacquerie rime avec escroquerie, et les plus pauvres sont souvent les dupes de leurs agitateurs. Quand Mélenchon prend pour mentor Poujade et Bolivar, il en sort une leçon politique bien inquiétante ». L’aveuglement des puissants n’est pas seulement le fait qui accompagne les évènements et se révèle ensuite dans son rôle décisif. C’en est une des causes. Parce qu’ils croient profondément que tout peut durer toujours, ils sont certains que la résignation, habilement accompagnée par des discours et subterfuges, les garantit pour toujours. Jusqu’au point de ne plus douter d’aucune façon d’eux-mêmes, ni de leur bon droit à prendre les décisions absurdes qui leur valent les compliments de la bonne société, tout aussi conditionnée qu’ils le sont eux-mêmes. Le moment venu nous les cueillerons comme fruits murs. Ils seront sidérés et aussi impuissants devant les évènements qu’un lapin devant les phares d’une automobile. D’où l’importance de savoir avec clarté où aller et comment dès lors qu’il faut chevaucher des évènements de cette dimension.

Aujourd’hui je vois les mécanismes se mettre en place pour se rassurer. Ainsi de la thèse ridicule longuement développée notamment par « le Figaro » et quelques supplétifs des agences d’influences nord américaines. Thèse selon laquelle ce seraient les étasuniens qui auraient « lâchés » et « fait partir » Ben Ali. On comprend le profit de propagande pour les intéressés, perdus de réputation dans le monde entier depuis leurs exploits irakien, afghan, leur centre de torture de Guantanamo et leurs prisons secrètes dans le monde. Pas question de laisser entendre que l’empire est en train de s’écrouler comme s’est écroulé celui de l’union soviétique. Avec l’Egypte, ca finira pourtant par y ressembler. Mais le cœur de cette fable est de nier les faits. Les nier comme pour les effacer ou en tous cas désamorcer leur force de contagion. Non le peuple et son action n’y est pour rien. Ce sont les états unis et les belles personnes entre elles qui ont tout manigancé et réalisé. Sinon quoi ?

Le peuple, devenu populiste avec ses slogans écrits en français, à la face du monde serait donc de nouveau devenu un acteur de l’histoire ? Oui, en effet. Tel est ce moment.


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