REACTION DE JACQUES NIKONOFF, Président D’ATTAC, après l’intervention du président de la république

samedi 1er avril 2006.
 

Le Président de la République, dans son intervention de ce soir, a refusé d’entendre le message du peuple. En décidant de promulguer la loi mal nommée pour l’ « égalité des chances », il a donné son feu vert à la mise en application du contrat première embauche (CPE). Ses objectifs sont clairs : décourager la mobilisation sociale impressionnante qui s’est constituée ces dernières semaines ; susciter et exploiter des violences afin de diviser et d’isoler le mouvement.

Jacques Chirac a tenu des propos véritablement hallucinants. Ainsi le CPE serait un « instrument efficace pour l’emploi » car des entreprises étaient aujourd’hui obligées de « refuser des commandes ou de délocaliser à cause des rigidités ». Il faudrait « sécuriser les parcours professionnels » et ouvrir un « grand débat national sur l’université et l’emploi ». Finalement le Président de la République va « demander au gouvernement deux modifications de la loi : réduire de deux à un an la période de « consolidation » ; donner le motif du licenciement » dans le cadre du CPE.

En quelques mots, tout le fanatisme néolibéral s’est exprimé.

La rhétorique de la « lutte pour l’emploi », depuis plus de 20 ans, n’a servi qu’à donner l’impression que les gouvernements voulaient réellement diminuer le chômage alors que ce dernier est devenu un instrument visant à discipliner le salariat afin d’augmenter les profits des plus grandes entreprises. Ainsi les profits des entreprises du CAC 40 ont-ils atteint des niveaux historiques en 2005 : + 27 % sur 2004 (84 milliards d’euros). Il faut savoir que cette somme représente le financement de 2 250 000 emplois (38 119 euros par an et par emploi, cotisations sociales incluses) ! En quoi ces entreprises ont-elles besoin d’emplois au rabais comme le CNE et le CPE ? Un prélèvement exceptionnel sur ces profits obscènes, de 50 %, serait une mesure de salubrité publique, utile sur les plans social et économique. Plus d’un million d’emplois pourraient être alors financés, essentiellement dans les services publics.

Fondamentalement le chômage a été provoqué par une répartition des richesses de moins en moins favorable au travail et de plus en plus favorable au capital, de près de 10 %. Aucune amélioration de l’emploi ne sera possible sans diminuer les profits et augmenter la masse salariale à l’échelle du pays. Non seulement le CPE n’est pas un « instrument efficace pour l’emploi », mais il tendra à remplacer les CDI, aggravant encore un peu plus la précarité sans augmenter le volume de l’emploi. Pour supprimer le chômage et la précarité, quatre catégories de mesures doivent être prises :

- Abandon des politiques macro-économiques d’inspiration néolibérales pour passer à des politiques altermondialistes (politique monétaire visant le plein emploi ; politique budgétaire favorable à la satisfaction des besoins des citoyens ; affaiblissement des Bourses et diminution du poids des marchés financiers ; remplacement du libre-échange par une véritable coopération internationale ; politique fiscale contribuant à redresser le partage des richesses en faveur de la popualtion ; financement du développement des pays pauvres...).

- Reprise du mouvement historique de baisse du temps de travail, sans perte de salaire et avec embauches proportionnelles.

- Reconstruction du Code du travail permettant d’assurer à chaque citoyen la continuité d’un revenu et d’un emploi (par exemple un « statut de l’actif »).

- Financement massif d’emplois dans le secteur non-marchand (fonctions publiques d’Etat, territoriale et hospitalière, services publics, associations).

Quant aux petites entreprises, ce n’est pas l’aggravation de la précarité qui résoudra leurs problèmes. La sous-traitance doit faire l’objet d’une remise à plat totale visant à la libérer de la dictature des donneurs d’ordre ; l’amélioration du pouvoir d’achat et du bien-être de la population offriront aux PME des débouchés naturels ; la remise au pas des banques leur redonnera accès au crédit.

Quant au « grand débat national sur l’université et l’emploi », il relève de la démagogie et de la diversion. Le seul véritable problème est celui de l’emploi. Ne pas vouloir résoudre le problème de l’emploi conduira nécessairement à accélérer la concurrence entre les étudiants pour les inciter à s’arracher le faible nombre d’emplois qui leur seront proposés.

Au total, le Président de la République semble s’engager dans une fuite en avant autoritaire. Après avoir été élu par des voix de droite et de gauche pour faire barrage au Front national, il aurait du se placer au-dessus des clivages politiques et mener une politique équilibrée. Il a au contraire accéléré la mise en œuvre du néolibéralisme, même après la sévère sanction qui lui a été infligée le 29 mai par la victoire du « non » au référendum sur le traité constitutionnel européen. Le CNE a été imposé par ordonnance. Le CPE, sans aucun dialogue avec les organisations syndicales, a été voté au moyen du 49-3.

Cela fait beaucoup. Beaucoup trop. La mobilisation des lycéens, étudiants, apprentis, salariés du privé et du public, des parents et grands-parents, des familles, doit donc continuer et s’amplifier, notamment le 4 avril.

Jacques Nikonoff, le 31 mars 2006.


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