LE DETONATEUR CPE

mercredi 8 mars 2006.
Source : A Gauche
 

Villepin espérait que le vote de la loi instituant le CPE suffirait à tuer dans l’oeuf toute riposte sociale massive. Le passage en force était donc le coeur de sa stratégie. Rappelons que le CPE a été introduit à la va-vite par un amendement à la loi de cohésion sociale, que l’urgence a été déclarée sur ce texte et qu’en plus, Villepin a fait appel au 49-3 pour arrêter le débat à l’Assemblée Nationale.

Mais le calcul du pouvoir est en train d’échouer. Un million de manifestants se sont rassemblés dans toute la France mardi 7 mars. C’est un succès indéniable. Le mouvement peut dès lors s’approfondir. Car la réussite des manifestations montre que la mobilisation contre le CPE est en phase ascendante alors même que le débat parlementaire est terminé.

Ceci n’est pas un fait très étonnant. Certes le CPE a été juridiquement validé, mais il ne l’a pas été politiquement. Cette Assemblée désavouée à de multiples reprises n’a plus en effet depuis longtemps la légitimité de parler au nom du peuple français. La mobilisation contre le CPE menace donc la droite d’une déroute qui va bien au-delà du contenu précis de ce texte. Le développement d’un mouvement massif contre le CPE étalerait publiquement une nouvelle fois l’illégitimité du pouvoir et aggraverait encore l’état d’urgence politique dans lequel se trouve le pays. C’est dire que l’enjeu de la bataille est directement politique. Et qu’il est décisif.

Or les ingrédients d’une déroute du gouvernement sont réunis. L’essentiel est la convergence qui se réalise entre la jeunesse et le monde salarié. On connaît la force de cette jonction. Elle détient un immense pouvoir déflagrateur. Elle peut aussi modifier profondément le rapport de force idéologique et politique dans le pays. Car se trouve ainsi remis au coeur du débat politique la dégradation scandaleuse des conditions de travail et de vie de la majorité travailleuse. Pour la première fois depuis mai 1968, nous tenons l’occasion d’une mobilisation majoritaire contre les conditions qui sont faites aux travailleurs du secteur privé. Ceux dont on ne parle jamais peuvent dès lors faire irruption sous les feux des projecteurs sociaux qui s’en détournent habituellement pour la simple raison qu’ils sont l’apanage exclusif des médias dominants. La réalité du travail et de l’exploitation éclate au grand jour une fois dissipés les oripeaux du travail virtuel et autres calembredaines petites-bourgeoises.

Mais l’illusion petite-bourgeoise reste un frein au développement de la mobilisation. Elle n’est pas sans effet sur une partie de la jeunesse. N’oublions pas que les étudiants sont la seule catégorie sociale avec les patrons et les cadres supérieurs qui ont voté majoritairement « oui » lors du référendum du 29 mai. On a entendu bon nombre d’étudiants informés du CPE expliquer de bonne foi qu’il suffit d’être un bon élément dans l’entreprise pour ne pas être licencié. C’est dire la distance prise avec la réalité du travail salarié. C’est dire aussi en creux qu’ils estiment que si des jeunes étaient licenciés demain sans motivation dans le cadre du CPE, ils l’auraient sans doute mérité. Inutile de dire que ces « mauvais éléments » si difficiles à intégrer dans l’entreprise n’ont pas les mêmes origines sociales que ceux qui en parlent ainsi.

En découle une grande difficulté à représenter dans le mouvement la réalité de la jeunesse de ce pays. Rappelons que la moitié des lycéens suivent leurs études dans les lycées techniques et professionnels, qu’il y a près de 400 000 apprentis dont on ne parle jamais, qu’à partir de 20 ans, seule une minorité de jeunes est scolarisée et qu’à 26 ans, 91% ne sont plus dans les amphis de fac mais dans le monde du travail. Il y avait d’ailleurs plus de jeunes dans la rue mardi dernier derrière les banderolles de la CGT ou de FO que derrière celle des organisations de jeunesse. On sait qu’il est plus difficile de mobiliser des jeunes lorsqu’ils ne sont pas physiquement rassemblés dans le cadre d’un établissement scolaire. Mais les obstacles pour que la jeunesse populaire et les jeunes travailleurs trouvent leur place et leur visibilité ne relèvent pas uniquement de telles difficultés pratiques. Les attitudes et les mots d’ordre du mouvement y prennent leur part. Ainsi, lors de la dernière coordination nationale qui s’est tenue contre le CPE, seuls les étudiants avaient le droit de parler et de voter ; les lycéens avaient le droit de parler mais pas de voter ; quant aux jeunes travailleurs, il n’avait ni le droit de parler ni celui de voter...

Il faut donc saluer l’initiative des jeunes de PRS qui ont adopté et défendent partout où ils se trouvent une plate-forme de revendications pour la jeunesse populaire et les jeunes salariés. C’est un travail utile pour le mouvement. C’est une action indispensable pour les jeunes travailleurs qui risquent de se trouver à nouveau condamnés de fait à l’invisibilité sociale sur une question qui les concerne très directement. C’est un combat décisif pour renforcer la conscience de classe qui se renforce et peut tout emporter sur son passage.


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