La gauche n’est plus laïque ? (par Caroline Fourest dans Le Monde)

mercredi 19 octobre 2011.
 

« En dehors de Marine Le Pen, plus personne ne défend la laïcité. » Cette phrase d’Elisabeth Badinter avait de quoi surprendre. Depuis, le malentendu a été levé. Dans un entretien accordé au Point, la philosophe précise qu’il n’est pas question de délivrer un quelconque brevet de laïcité à la présidente du FN. Simplement de déplorer le manque de courage à gauche et le risque de voir l’extrême droite en profiter.

C’est un reproche récurrent chez les sympathisants de gauche. Ils se demandent si leurs ténors n’auraient pas oublié cette valeur cardinale, au coeur de leur patrimoine politique, visiblement plus facile à brandir face à l’Eglise catholique que face à l’islamisme. Notamment par peur de faire monter le racisme. Parfois, le doute vire au procès injuste.

A l’exception de Manuel Valls, c’est vrai, aucun socialiste n’a voulu défendre la crèche Baby Loup, menacée de fermeture pour avoir licencié une salariée voilée refusant d’appliquer son règlement laïque. Il est aussi le seul socialiste à avoir pris fait et cause pour la loi interdisant de « masquer son visage » sur la voie publique. Mais pas le seul à l’avoir votée, encore moins celle interdisant les signes religieux à l’école publique.

Dans bien d’autres affaires demandant du courage, des ténors de gauche ont répondu présent. Ne parlons pas de Jean-Luc Mélenchon, irréprochable sur ces questions, mais du seul PS. François Hollande a été l’un des premiers responsables politiques à accepter de témoigner au procès de Charlie Hebdo, pour soutenir le droit de caricaturer Mahomet. Benoît Hamon, aujourd’hui proche de Martine Aubry, s’est battu pour que le Parlement européen soutienne Ayaan Hirsi Ali, ancienne députée néerlandaise menacée de mort par les islamistes. Sa convention pour l’égalité réelle réaffirme l’importance de la laïcité. Elle fait donc partie du projet socialiste voulu par Martine Aubry.

Les candidats n’ont d’ailleurs pas manqué de prononcer le mot « laïcité » lors des trois débats. Reste que les mots sonnent plus ou moins juste selon les actes posés. Chez les laïques, personne n’oublie que Lille a été l’une des premières villes, avec Sarcelles, à avoir expérimenté les « accommodements raisonnables ». Ni les images d’une Martine Aubry inaugurant un congrès de la très intégriste Ligue islamique du Nord. Ces actes comptent. Ils ne doivent pas pour autant faire oublier ceux commis à droite, que l’on crédite un peu facilement d’avoir défendu la laïcité...

Ses élus locaux ne cèdent pas moins aux « accommodements » déraisonnables qu’à gauche. Nicolas Sarkozy a fait bien des concessions à l’Union des organisations islamiques de France au sein du Conseil français du culte musulman. Il rêvait d’une « laïcité positive » - comme le Vatican - pour mieux financer des lieux de culte sur fonds publics. En cinq ans, il a surtout creusé les inégalités, fait reculer la mixité sociale, facilité l’explosion d’écoles privées confessionnelles au détriment de l’école publique, et bien sûr aggravé la ghettoïsation de certains quartiers... Qui se raccrochent aux religions comme jamais.

La gauche a certainement des progrès à faire en matière de courage et de laïcité. Mais la droite, encore moins le FN, n’a guère de leçons à lui donner.


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