Les flèches ardentes reçues par Mélenchon ne sont pas celles de Cupidon mais celles de coups bidons de Cécile Duflot (29 mars 2012)

lundi 16 décembre 2019.
 

Cécile Duflot. se trompe de cible.

Je dois dire que les propos tenus par Cécile Duflot depuis le 18 mars concernant Jean-Luc Mélenchon m’ont quelque peu surpris et déçu : je ne m’attendais vraiment pas à des propos si superficiels qui traduisent une méconnaissance aussi totale de la nature politique du parti de gauche et du front de gauche avec toutes ses composantes.

Cette méconnaissance la conduit à émettre des jugements tout simplement faux. A moins qu’elle ne s’empare de vieilles ficelles politiciennes utilisées par une partie de la droite : Mélenchon serait un archaïque (rétroviseur), un bolchevique étatiste, un usurpateur voire un un imposteur de l’écologie en ajoutant une couche de peinture verte sur son programme rougeâtre.

Examinons point par point ses propos. : la tâche n’est pas évidente, car la difficulté est de garder notre sérieux et de ne pas se laisser distraire par une hilarité excessive !

1) "Il fait de la politique avec un rétroviseur. La Bastille, la Commune, c’est sympa, c’est de la nostalgie d’une époque où il y avait de grands tribuns et pas de femmes en politique."

Ah, bon ? Il semble que l’Histoire commence pour Cécile Duflot l’année de sa naissance : 1975 ou peut-être en 2001 au moment où elle commence son engagement sur la scène politique.

Dans la plupart de ses meetings, Jean-Luc Mélenchon fait référence à un passé historique : philosophie des Lumières au XVIIIe siècle, révolution française, Front populaire, conseil national de la résistance, programme commun, acquis sociaux résultant des luttes sociales et des décisions politiques positives du parti socialiste auquel il a appartenu.

Il a expliqué à plusieurs reprises les raisons de cela :

- Il s’inscrit dans un mouvement historique ancré à gauche porteur des revendications, des aspirations sociales, dont il considère être à la fois un moment et un héritier.

Il se considère, et ce à juste raison, comme un héritier de Jaurès, et cela ne fait pas plaisir à tout le monde, notamment à un certain nombre de membres du PS qui voient ainsi cet héritage leur échapper Difficile à ceux qui se sont convertis au libéralisme de prétendre à une telle filiation.

Bon nombre "d’observateurs" n’ont pas encore compris que la création du Parti de gauche en 2008–2009 puis du Front de Gauche constitue une scission historique du parti socialiste et qui renoue avec l’unité qui existait avant la scission du parti socialiste et du parti communiste en 1920.

Le Front de gauche constitue au départ la convergence de deux courants : un courant réformiste qui a fait la critique de l’impasse du social libéralisme et qui devient en quelque sorte un socialisme jaurésien et un courant révolutionnaire qui a fait la critique d’un radicalisme de tout ou rien conduisant à la mise en place d’un régime autoritaire dont le stalinisme à été une forme. Ce courant est lui-même formé de deux composantes communistes. (PCF et courants trotskistes).

A ces deux grands courants se sont adjoints des mouvements plus récents : altermondialistes, écologistes, décroissants, féministes, etc. Aucun média n’a rendu compte d’une telle réalité et il est probable qu’une majorité des adhérents du PS et de EELV n’ont pas saisi la dimension historique de la synthèse ainsi réalisée par le Front de gauche, synthèse qui était encore impensable il y a 10 ans.

La légèreté, pour ne pas dire le mépris, avec laquelle Cécile Duflot parle du Front de gauche montre à l’évidence qu’elle n’a pas du tout compris à qui elle avait affaire. Le Front de gauche n’est pas un conglomérat de groupuscules.

En bref, Jaurès est de retour.

Lorsque l’électorat du parti socialiste aura compris cela, alors le PS aura du souci à se faire pour sa survie. Il a donc tout intérêt à brouiller les cartes et de nous faire croire que le PG n’est qu’un groupuscule parmi d’autres. Évidemment, Cécile Duflot n’a certainement pas saisi encore l’enjeu historique de la situation. Elle ne voit qu’un reflet dans un rétroviseur.

- Dans ce contexte, Mélenchon a aussi expliqué qu’il voulait réintroduire dans les milieux populaires une culture de gauche qui avait perdu ses repères, ses symboles, voire sa mémoire. Cette démarche n’est pas seulement politique mais aussi culturelle. Inscrire sa démarche dans une continuité historique, ce n’est pas faire de la politique en regardant dans un rétroviseur, mais accorder une importance à la transmission du savoir, la transmission de l’expérience dans un monde où règne en maître l’instantanéité de la communication, la dictature de la com’ et où le slogan remplace l’argument.

Mélenchon réintroduit un nouveau rapport au temps : celui de la durée et non de l’instantanéité. Il dénonce, entre autres, le court - termisme du capitalisme actionnarial qui détruit notre industrie et introduit un stress permanent, non seulement sur le lieu de travail mais aussi dans tous les pores de la société. Mélenchon donne du temps à la mémoire, du temps de vivre, du temps au futur en dessinant des projets qui ne peuvent s’accomplir que sur une longue durée.

Mélenchon ne fait pas ici de sentimentalisme nostalgique : il réfléchit en historien comme tout homme politique cultivé ayant une bonne connaissance de la philosophie politique et de son histoire.

- D’autre part, pour qui connaît le programme L’Humain d’abord, pour quiconque a entendu les propos de Mélenchon, dans ses meetings ou interviews, concernant la condition de la femme, sait parfaitement que Mélenchon et le Front de gauche sont des partisans déterminés de la parité et de la lutte contre les différentes discriminations sexistes. L’allusion au sexisme des tribuns de la révolution est donc ici totalement inadéquat. D’ailleurs faut-il rappeler que la présidente du parti de gauche est une femme ?

2 – "L’environnement, l’écologie, ça ne peut pas être un truc en plus, c’est pas quelque chose qu’on rajoute à la mythologie révolutionnaire de la Révolution française", "c’est ça la contradiction fondamentale de Jean-Luc Mélenchon".

- Réduire la révolution française à une sorte de mythologie révolutionnaire est faire preuve d’un sacré mépris des réalités historiques : la référence à l’Histoire ne serait pour Cécile Duflot qu’une opération de marketing politique, une simple opération de com’ : affligeant !

- Considérer que pour le PG et le Front de gauche, "l’environnement, l’écologie," seraient "un truc en plus" relève du mépris le plus total et d’un enfermement clanique empêchant toute analyse sérieuse d’un mouvement autre que le sien.

D’abord, la dimension écologique fait partie des statuts fondateurs du Parti de gauche. "Il promeut une politique écologique fondée sur un nouveau type de développement économique, social, environnemental à l’opposé du modèle productiviste." peut-on lire dans ses statuts.

D’autre part, la FASE, associée au Front de gauche, contient en son sein des mouvements écologistes. Le mouvement Écologie solidaire ;Alter Ekolo ; le MAI.

D’autre part encore, si Cécile Duflot avait lu les plate-formes de congrès du PCF depuis de nombreuses années, elle saurait que celui-ci a intégré la dimension écologique à sa ligne politique. Il existe une section écologie au PCF qui publie périodiquement une lettre intitulée : "communisme et écologie" mais ce mot communisme doit probablement terroriser C.D.

Pour ceux qui sont restés rivetés à une vision productiviste du PCF pour qui l’écologie serait ,selon eux, un "supplément d’âme" pour le PCF, ils peuvent se reporter à l’étude : "Repères sur la pensée écologique, le PCF et l’évolution de son rapport à l’écologie" par Luc Foulquier (ingénieur – chercheur en écologie) téléchargeable à l’adresse : http://formation.pcf.fr/sites/defau...

En outre, dans le programme l’Humain d’abord, la planification écologique occupe une place centrale, on pourrait presque dire un noyau central et certainement pas "un truc en plus".

Bon, il est vrai que l’annonce de la règle verte a été annoncée plus tardivement, le mercredi 14 mars à Clermont-Ferrand : une "règle verte", "celle qui propose d’éteindre la dette écologique", à inscrire dans la Constitution à la place de la règle d’or. Mais ajouter cette règle en plus à l’ensemble des dispositions présentes dans la structuration même du programme politique du Front de gauche ne signifie pas que l’écologie soit pour celui-ci globalement "un truc en plus".

D’ailleurs, un certain nombre d’écologistes l’ont bien compris en rejoignant le Front de gauche.

Certains ont déjà annoncé leur départ comme Thomas Giry, membre du conseil fédéral et proche de la députée Martine Billard qui elle-même, rappelons-le, a rejoint Mélenchon en 2009. (elle est actuellement présidente du Parti de gauche), ou encore Simon Imbert, également membre du conseil fédéral, qui a fait part de son soutien au candidat du Front de gauche. Safia Lebdi, cofondatrice de Ni putes ni soumises et conseillère régionale EELV en Ile-de-France, a elle aussi franchi le pas, en indiquant qu’elle serait présente ce dimanche à la Bastille.

L’appel des gauches antiproductivistes et objectrices de croissance a voter pour Mélenchon à l’initiative de Paul Ariès, animateur du mouvement des objecteurs de croissance, n’est pas non plus pour réjouir Cécile Duflot.

Au niveau local, ça bouge aussi. Lors d’une Assemblée citoyenne organisée par le Front de Gauche à la Maison du tourisme de Martigues, Sandrine Figuié, conseillère municipale Europe-Écologie / les Verts membre de la majorité de Martigues, a déclaré que "beaucoup d’écologistes étaient déçus de l’alliance élaborée par ses représentants nationaux avec le Parti Socialiste" et "aimerait bien qu’une réunion sur le thème de l’Environnement soit organisée par le Front de Gauche pour en discuter avec ses représentants locaux".

Si l’écologie n’était qu’un truc en plus, cela voudrait dire que tous ces gens sont des imbéciles.

Le 28 janvier, au congrès de France Nature Environnement, face à une salle loin de lui être acquise, Mélenchon a rappelé : "Aucune politique d’intérêt général n’est possible qui ne soit une rupture avec le productivisme et le capitalisme qui le portent aujourd’hui." Il a été écouté en silence, puis longuement applaudi. Voilà encore une situation qui a dû indisposer Cécile Duflot voyant un Mélenchon associer l’écologie à une rupture avec le capitalisme, devant un auditoire qui a priori, aurait pu être réfractaire à ce genre de propos non réformiste.

Pourquoi donc Cécile Duflot ne se félicite-t-elle pas de la pénétration de la pensée écologique dans ce grand courant historique qui a porté toutes les luttes sociales depuis deux siècles ?

En fait Cécile Duflot souffre d’un égo–clanisme de forte intensité : elle ne fait pas l’effort d’analyser le système de représentation du monde de ses alliés potentiels : elle reste enfermée dans son éco-bulle ; en outre, elle n’accepte pas qu’un autre mouvement que le sien défende avec cohérence et force l’environnement et l’écologie. On pourrait s’attendre à une position plus ouverte, moins sectaire de la part d’une jeune militante qui n’était pas encore née en 1972 à l’époque du programme commun.

3. « Sa réponse c’est plus d’Etat, plus de nationalisation, c’est-à-dire un peu de vert dans le discours mais le rouge est à la mode »

Présenter les positions du Front de gauche comme étatistes, c’est encore méconnaître, par enfermement sur soi , les positions réelles de celui-ci. Certes , le Front de gauche va plus loin que EELV dans le contrôle public d’un certain nombre de secteurs clés, comme l’énergie par exemple, mais agiter l’épouvantail des nationalisations à son encontre comme le fait la droite relève d’une manipulation de bas étage.

Je ne perdrai pas mon temps ici à développer les différentes formes de socialisation des moyens de production et d’échange proposées par le Front de gauche. En outre, le Front de gauche au pouvoir, subsisterait un secteur privé important avec évidemment une introduction de la démocratie dans les entreprises. Il suffit de lire le programme du FDG et le livre de Jacques Généreux : "l’Autre société". Mais sans doute que Cécile Duflot n’a pas le temps de lire les publications de ses alliés potentiels.

4. « Les écologistes assument, eux, de ne pas vouloir entrer dans le jeu de l’ultra-personnalisation et de l’ultra-présidentialisation » dit-elle.

Cécile Duflot confond charisme, art oratoire avec personnalisation. Personne ne contestera le fait que Jean-Luc Mélenchon a du charisme et possède une très bonne maîtrise du langage. Il est vrai que ces qualités facilitent la transmission de ses idées.

Mais il s’est toujours défendu de personnaliser sa campagne et dénonce à chaque meeting le culte de la personnalité et il demande toujours à son auditoire de ne pas clamer son nom et encore moins de crier : "Mélenchon président !". Que peut-il faire de plus ? Cécile Duflot aurait-elle préféré qu’il parle d’une voix tremblante et faible, apparaisse le moins possible dans les médias, qu’il se fasse le plus discret possible, qu’il rase les murs et donc se laisse enfermer entre les murs du silence comme n’ont cessé d’essayer de le faire les grands médias au début de sa campagne en le confinant dans des médias à faible taux d’écoute ?

Sauf erreur de ma part, je ne crois pas que Mélenchon ait dit qu’il était une"institution à lui tout seul". Il a seulement dit qu’il se considérait, en partie, lors de ses meeting, comme instituteur du peuple. Il a d’ailleurs modifié ce terme qu’il a lui-même critiqué et préfère maintenant dire qu’il est un "passeur" c’est-à-dire quelqu’un qui fait passer un certain nombre de valeurs de gauche et pas simplement un décrypteur des processus économiques de domination.

Quant au présidentialisme, on ne peut que sourire : Jean-Luc Mélenchon est partisan d’un régime parlementaire et contre tout présidentialisme.

Ce qui transparaît derrière ces reproches infondés, c’est que Cécile Duflot aurait préféré avoir un Mélenchon avec 5 % des intentions de vote dans les sondages.

Il va falloir qu’elle se fasse à l’idée que EELV peut très bien ne plus être la référence centrale de la mouvance écologique en France.

Au lieu de déclarations accusatoires, allusives et non fondées, on aurait préféré des critiques étayées pouvant ouvrir un débat constructif. Personne au Front de gauche ne refuse le débat.

J’ai le plus grand respect pour Eva Joly dont j’ai lu la totalité des livres et dont j’ai suivi au travers la presse de l’époque son combat courageux et acharné pour la justice.

J’ai défendu à plusieurs reprises sur Internet ses positions concernant la déclaration de Paris pour la lutte contre la corruption. Je suis atterré de constater que son score dans les sondages soit si bas.

En se présentant comme candidate de EELV, et en affirmant, lors de son discours après son élection, sa volonté d’indépendance par rapport au PS, de ne pas être une force supplétive, malgré des divergences que je peux avoir sur le plan économique avec EELV, ma vision était jusqu’à présent positive.

Or deux événements changent maintenant la donne concernant mon jugement envers EELV :

- les négociations avant même que les élections aient lieu avec le PS pour se répartir des sièges. C’est faire fi de l’évolution réelle de l’électorat et donc de la démocratie.

- les propos cités précédemment tenus par Cécile Duflot qui, par leur caractère infondé, propagent une image fausse des positions du Front de gauche, propos qui s’apparente donc à du dénigrement, transforment cette vision positive en vision négative.

Sans me considérer comme un donneur de leçons mais en me considérant comme simple analyste d’une situation, je considère que :

- Cécile Duflot se trompe de cible et tombe dans le puits des vieilles pratiques politicardes,

- Eva Joly s’est trompée de mouvement : elle serait beaucoup plus à l’aise et efficace au Front de gauche ! Il est évidemment normal qu’elle assume jusqu’au bout maintenant ses engagements de campagnes mais je crois que d’ici deux ans elle aura compris vraiment dans quelle galère elle a mis les pieds, À moins que d’ici là, François Hollande élu président la nomme ministre de la justice. Au moins ce serait une bonne nouvelle. Mais pour elle ce serait néanmoins une nouvelle galère vu l’état de la justice en France actuellement !

Tous les courants politiques à gauche qui ont joué de la division se sont affaiblis et sont condamnés à disparaître : c’est une bonne chose. Mais quel gâchis de temps et d’énergie !

Annexe :

Voici des liens qui ont été consultés avant la rédaction de cet article :: http://www.humanite.fr/politique/le... http://www.humanite.fr/politique/qu... http://www.placeaupeuple2012.fr/ant... http://www.pcf.fr/7427

Hervé Debonrivage


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