Sans-papiers : Assez de Valls-hésitation !

jeudi 27 septembre 2012.
 

« Etre de gauche, ce n’est pas régulariser tout le monde et se retrouver dans une impasse. Il faut mener une politique républicaine, conforme aux valeurs de la France, tenir compte de la situation économique et sociale de notre pays et poser, effectivement, des critères » Manuel Valls, ministre de l’intérieur, dans Le Monde du 28 juin 2012. Et le même d’annoncer qu’il n’y aurait pas plus de régularisations que sous la droite (30 000 par an), avant de se laisser aller, le 11 septembre, à reprendre, parlant des Roms (cf encadré) la vieille antienne selon laquelle « La France ne peut accueillir toute la misère du Monde et de l’Europe » et en ajoutant « La France prend sa part en matière d’asile, en matière d’insertion mais le message est clair : c’est la fermeté ». Logique inacceptable et absurde.

Inacceptable car elle donne une définition de la gauche par la négative (« être de Gauche, ce n’est pas… »), sans expliquer, ce qu’il définit comme étant une politique migratoire de Gauche. Il est assez facile de rétorquer qu’être de Gauche, ce n’est pas de refuser la régularisation à celles et ceux qui, par leur travail et leurs contributions financières diverses (ne serait-ce que la TVA rapportée par leur consommation), sont un apport pour notre pays.

Inacceptable aussi car elle reprend des amalgames véhiculés jusqu’à présent par l’extrême-droite puis ces dernières années par des responsables de droite, jusqu’au plus haut sommet de l’Etat. Les immigré-e-s (personnes étrangères nées à l’étranger) seraient d’abord un fardeau « économique » et « social », des miséreux susceptibles de déstabiliser profondément l’équilibre de notre pays. Certes, les immigré-e-s pour lesquels les statistiques sont connues (c’est-à-dire celles et ceux en situation régulière) sont plus souvent au chômage que la population non immigré-e (population française née en France ou à l’étranger) : selon l’INSEE en 2010, 16% en moyenne des immigré-e-s (soit 422 000 personnes) étaient au chômage contre 9% pour les non-immigré-e-s. Mais encore faut-il relativiser ces chiffres en les croisant avec le niveau de qualification : toute population confondue, le taux de chômage passe de 16,1% pour les sans-diplômes (parmi lesquel-le-s les immigré-e-s sont sur-représenté-e-s) à 5,6% pour les personnes ayant un diplôme supérieur à Bac +2.

Inacceptable enfin car le ministre ne cesse d’employer le terme de « fermeté », le même que celui utilisé concernant la lutte contre la délinquance ou la criminalité. Certes, si le simple séjour irrégulier d’une personne en situation irrégulière en France expose toujours cette personne à une peine d’emprisonnement (un an encouru), cette infraction est de plus en plus archaïque et pourrait être supprimée sans aucun risque pour l’ordre public. Elle était conçue en effet pour permettre le placement en garde-à-vue (24h renouvelables une fois) des personnes concernées afin de faciliter leur expulsion dans leur pays d’origine. Or, depuis un arrêt de la Cour de cassation du 5 juillet 2012, cette seule infraction ne peut plus justifier de placement en garde-à-vue. Assimiler les sans-papiers à des délinquant-e-s devient donc de plus en plus contestable, non seulement politiquement, mais aussi juridiquement. Ajoutons que la « fermeté » invoquée par le ministre s’applique aussi à celles et ceux qui, de manière militante et bénévole, aident les sans-papiers puisqu’aucun signe n’a été donné, non seulement pour amnistier les militant-e-s condamné-e-s pour ce type d’actions, mais qu’encore les sanctions contre ces actions n’ont pas été abrogées. Cet été, deux militantes de RESF de Clermont-Ferrand ont été convoquées au commissariat car elles avaient appelé à un rassemblement dans l’urgence pour protester contre une expulsion, sans respecter les trois jours francs pour déclarer le dit rassemblement !

Absurde également est le propos du ministre car, tout en maintenant qu’il entend ne pas dépasser les 30 0000 régularisations par an qui étaient pratiquées sous le quinquennat Sarkozy, il indique aussi vouloir que ces régularisations se fassent sur des critères précis. Outre que l’on attend toujours l’énoncé des dits critères, il est assez singulier de prévoir par avance combien de personnes, par essence mal connues (l’évaluation de leur seul nombre variant de 200 000 à 800 000) rempliront ces critères !

Absurde enfin parce que Manuel Valls continue à nourrir l’illusion d’une expulsion massive des sans-papiers, alors que, même avec des moyens souvent inhumains (élèves et parents arrêtés à la sortie des écoles, par exemple) et des modifications législatives tentant de rendre de plus en plus difficile et tardif le contrôle des juges sur les expulsions, l’ancienne majorité peinait à dépasser 30 000 expulsions par an. L’interdiction du placement en rétention des enfants et le respect des libertés fondamentales promis par l’actuel gouvernement impliquent d’assumer une régularisation des travailleuses et travailleurs sans-papiers et leur famille, sauf à grossir le nombre des personnes ni expulsables, ni régularisables… pour le plus grand bonheur d’employeurs peu scrupuleux, profitant de cette « armée de réserve » dans l’incapacité de défendre correctement ses droits.

L’action syndicale de ces dernières années en faveur des droits des sans-papiers et de leur régularisation a été particulièrement exemplaire et salutaire pour les droits de l’ensemble des salarié-e-s. Le rapport de force doit se poursuivre et continuer à montrer que l’exploitation des sans-papiers au travail ne peut que peser à la baisse sur les droits sociaux de toutes et tous les travailleuses et travailleurs. Il est urgent, dans l’intérêt général, de sécuriser au maximum la situation de l’ensemble des migrant-e-s en régularisant sans attendre celles et ceux qui travaillent et en créant une carte de séjour unique de dix ans, au lieu des renouvellements annuels les privant de tout projet de long terme.

Hélène Franco


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message