Israël état d’apartheid

jeudi 1er novembre 2012.
 

Le fait que la moitié de la population juive israélienne soutienne le nettoyage ethnique des citoyens palestiniens d’Israël n’est pas nouveau. Que 59 % des juifs israéliens soutiennent la discrimination raciale légalisée et institutionnalisée contre les citoyens palestiniens autochtones d’Israël n’est pas une surprise. Les précédents sondages ont fourni des chiffres du même ordre. Il est extrêmement important que Gideon Levy dénonce une nouvelle fois cette situation.

Ce qui est surprenant, cependant, c’est comment Israël, la plupart des Israéliens (notamment des journalistes professionnels et libéraux), et des sympathisants de l’apartheid israélien (depuis les universitaires anarchistes « radicaux » des États-Unis, pour une grande part, qui soutiennent dans les apparences les « droits des Palestiniens » - pour seulement 38 % des Palestiniens - jusqu’aux plus ardents sionistes) comment ils continuent de propager une définition autoproclamée absolument erronée.

Levy dans cet article (1), comme dans ses précédents, réitère l’hypothèse absurde que c’est seulement quand les Israéliens juifs deviennent une minorité dans la Palestine historique (48 + les territoires de 67) que l’on peut qualifier Israël d’État apartheid. On ne peut blâmer Levy alors que de nombreux universitaires, politiciens israéliens et sympathisants inavoués de l’apartheid israélien en Occident répètent ce même faux raisonnement à de multiples occasions. Cette prémisse minorité-majorité qui est considérée comme une condition pour pouvoir qualifier un régime d’apartheid, cependant, se fonde soit sur l’ignorance de la définition des Nations-Unies pour le crime d’apartheid ou sur l’obstination, comme c’est le cas souvent d’Israël, à en redéfinir les termes. De toute façon, l’affirmation implicite ici est qu’Israël ne peut être qualifié d’État apartheid que si, comme pour l’Afrique du Sud de l’apartheid, il y a un groupe racial « minoritaire » qui opprime méthodiquement la « majorité » de la population. Il s’agit d’une époque, d’une affirmation erronées.

Selon la Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid (votée par les Nations-Unies en 19733) et plus précisément, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le crime d’apartheid est défini comme suit :

« actes inhumains... commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l’intention de maintenir ce régime. » (article 7-2-h du Statut de Rome).

« Racial » ici est conforme à la définition très large du terme adopté par les Nations-Unies et applicable aux juifs israéliens et aux Arabes palestiniens en tant que deux groupes « raciaux ».

Il n’y a absolument aucune référence dans cette définition internationale de l’apartheid à des majorités ou minorités ! Selon cette définition, et rétrospectivement, les USA, avec une majorité blanche manifestement écrasante, ont pratiqué un apartheid contre les Noirs et les autres « Non-Blancs » dans les États du Sud, avec des lois qui permettaient aux Blancs de discriminer systématiquement les autres.

Le fait est qu’Israël a des dizaines de lois qui, continuellement, ont discriminé les citoyens « non juifs » de l’État, les Palestiniens natifs (chrétiens, musulmans ou autres). Il dénie systématiquement aux citoyens « non juifs » des droits égaux dans des domaines primordiaux de la vie, surtout en ce qui concerne la propriété foncière, l’enseignement, les services médicaux et de nombreux emplois.

Selon les plus récentes statistiques, les Israéliens juifs ne font pas plus de 49 % de la population totale sous le contrôle d’Israël (la Palestine historique), une minorité (2). Ceci, bien sûr, sans tenir compte des millions de Palestiniens natifs en exil, auxquels Israël refuse leur droit fondamental au retour dans leurs foyers simplement parce qu’ils ne sont pas du bon type. Malgré tout, cette statistique est totalement hors propos s’agissant de décider si le système de discrimination raciale d’Israël répond à la définition des Nations-Unies de l’apartheid.

En 1948, Israël est né État d’apartheid, et il a toujours été un État d’apartheid, parce qu’il a toujours eu des lois racistes qui discriminent ses citoyens non juifs, à plus forte raison les Palestiniens qui ne sont pas des citoyens, quel que soit le pourcentage de la population totale que représentent les Israéliens juifs.

(1) - http://www.pourlapalestine.be/index... Gideon Levy - Ha’aretz : http://www.haaretz.com/news/nationa...

(2) - voir notamment : C’en est fini de la « majorité juive » en Palestine - Akiva Eldar - Ha’aretz http://www.haaretz.com/news/feature...

B) Israël. L’apartheid, sans honte ni sentiment de culpabilité (par Gideon Levy)

Avec l’approche des élections [élections législatives anticipées du 22 janvier 2013] arrive également parmi nous le temps des sondages et des enquêtes d’opinion publique. Mais voici un sondage [1] plus préoccupant et dont les révélations sont plus significatives que ceux qui nous disent si Yair Lapid [2] va décoller ou si la cote d’Ehoud Barak est en train de baisser dans les sondages.

Cette enquête met en effet en évidence un portrait de la société israélienne qui donne l’image d’une société très, très malade. Elle montre que ce ne sont désormais plus les critiques dans le pays et à l’étranger, mais les Israéliens eux-mêmes qui se définissent comme étant des racistes nationalistes.

Nous sommes racistes – concèdent les Israéliens –, nous pratiquons l’apartheid et nous voulons même vivre dans un Etat pratiquant l’apartheid. Oui, voilà ce qu’est maintenant Israël.

Parmi ses terribles résultats, l’enquête révèle une certaine candeur innocente. Les Israéliens admettent que c’est ainsi qu’ils sont et qu’ils n’en ont pas honte. Des enquêtes similaires ont été réalisées précédemment, mais les Israéliens n’étaient jamais apparus aussi satisfaits d’eux-mêmes qu’ils le montrent dans ce sondage, et ce alors même qu’ils admettent leur racisme. La majorité d’entre eux pense qu’Israël est un endroit où il fait bon vivre, et la majorité d’entre eux pense que c’est un Etat raciste.

Il fait bon vivre dans ce pays, disent la majorité des Israéliens, non pas malgré son racisme, mais peut-être même à cause de lui. Si une enquête révélait des résultats analogues sur l’attitude à l’égard des juifs dans un Etat européen, Israël aurait poussé de grands cris. Mais lorsqu’il s’agit de nous, ces règles ne s’appliquent pas.

La partie « juive » de la « démocratie juive » a clairement gagné. La partie « juive » a infligé un knock-out à la « démocratie », et l’a envoyée dans les cordes. Les Israéliens veulent que leur Etat soit de plus en plus « juif » et de moins en moins démocrate. A partir de maintenant arrêtons de parler de « démocratie juive ». Cela n’existe pas et ne peut évidemment pas exister. A partir de maintenant parlons de « l’Etat juif », seulement juif, et uniquement pour les juifs. Une démocratie ? Pourquoi pas, mais uniquement pour les juifs.

Car c’est ce que veut la majorité. Car c’est ainsi que la majorité définit son Etat. La majorité ne veut pas que les Arabes puissent voter pour le parlement, ils ne veulent pas avoir des voisins arabes ni des camarades de classe arabes. Laissez notre camp être pur, aussi nettoyé d’Arabes que possible, voire même davantage.

La majorité des Israéliens veut des routes ségréguées en Cisjordanie et ne s’émeut pas des implications de cette réalité. Y compris avec sa connotation historique qui ne la dérange pas du tout. Elle veut de la discrimination sur les lieux de travail et un transfert [de la population]. Laissons de côté les cachotteries et les simulations. Voilà ce que nous voulons, parce que c’est ce que nous sommes.

La droite attaquera probablement à nouveau le Fonds pour le Nouvel Israël pour avoir commandé l’enquête. « Quelle horreur ! » hurlera-t-elle, « il s’agit de gauchistes qui haïssent Israël ! » Mais les cris de la droite ne vont rien changer au résultat de l’enquête. Celle-ci a été effectuée par une entreprise de sondages fiable et reconnue. D’ailleurs qu’est-ce qu’il y a de mal dans l’enquête ? Qu’y a-t-il de nouveau que nous ne sachions déjà, à part le fait d’avoir perdu la honte ? Laissons la droite démontrer que nous ne sommes pas ainsi, que beaucoup d’Israéliens voudraient vivre avec les Arabes. Que la majorité voit les Arabes comme des gens comme eux, égaux en droits et en possibilités. Voyons comment ils démontreront que l’enquête se trompe. Ce serait un véritable motif de célébration.

Cette enquête confronte les Israéliens non seulement avec leur présent mais également avec leur avenir. C’est ce qui semble avoir été le principal objectif de ceux qui l’ont effectuée. L’enquête dit aux Israéliens : vous vouliez des colonies, vous vouliez l’occupation, vous vouliez Netanyahou, et vous n’avez rien fait en faveur de la solution des deux Etats, qui est déjà perdue. Voyons alors quelle est l’alternative.

L’alternative, comme chacun le sait, est un seul Etat. Un Etat ? La majorité des Israéliens disent que ce sera un Etat d’apartheid, mais ils ne font rien pour l’éviter. Quelques-uns l’appellent même de leurs vœux. Ils ne se demandent pas où nous allons ainsi, où cela nous conduit. Quelle est donc la vision pour les prochaines 10 à 20 années ? Bon, si tout va bien, si tout continue comme maintenant, les Israéliens savent quelle est la réponse, et c’est une vérité amère.

Jusqu’à maintenant, l’image d’Israël 2012 est la suivante : nous ne voulons pas les Arabes, nous ne voulons pas les Palestiniens, nous ne voulons pas l’égalité, et au diable avec tout le reste.

Valeurs : shmvaleur ; morale : shmorale [3]. La Démocratie et le droit international : ce sont là des affaires pour les antisémites, et non pour nous. Nous continuerons à voter pour Netanyahou ; à répéter que nous sommes-la-seule-démocratie-du-Moyen-Orient et à gémir que tout le monde est contre nous. (Traduction A l’Encontre)


[1] Sondage effectué par l’institut Dialog à la veille de la fête de Rosh Hachana, du 16 au 18 septembre 2012. (Réd. A l’Encontre)

[2] Longtemps correspondant de l’hebdomadaire de l’armée israélienne, sera journaliste dans les quotidiens Maariv et Yediot Ahronot, puis animateur de télévision. Il lance début 2102 un nouveau parti, Yesh Atid, qui signifie « Il y a un futur ». Un des points de son programme consiste à ce que les ultraorthodoxes soient contraints d’accomplir leur service militaire y compris sous la forme civile. (Réd. A l’Encontre)

[3] Jeu de mots reprenant les expressions moqueuses utilisées par Ben Gourion (ONU= Shmonu, OTAN=Shmotan). Um-schmum renvoie à la construction suivante : um est en hébreu la prononciation pour l’acronyme UN (ONU), le préfixe shm signifie, lui, mépris. (Réd. A l’Encontre)


Cet article est paru dans Haaretz le 23 octobre 2012.

A) Sondage : La majorité des Israéliens sont pour l’apartheid en Israël

Le quotidien Haaretz publie un sondage effectué en Israël et montrant qu’une majorité de la population juive soutient la ségrégation non seulement "en cas d’annexion de la Cisjordanie", mais y compris vis à vis des citoyens arabes israéliens.

L’enquête réalisée par "Dialog" à la veille de la fête juive Rosh Hashanah auprès d’un échantillon de 503 juifs israéliens montre que ces derniers sont en faveur de l’apartheid et de discriminations à l’encontre des Israéliens d’origine arabe.

59 % des personnes interrogées veulent que la préférence soit donnée aux juifs par rapport aux arabes dans la fonction publique.

49 % veulent que l’Etat accorde un traitement de faveur aux juifs par rapport à ses citoyens arabes (qui forment 20 % de la population israélienne, ndlr)

42 % refusent d’habiter dans le même immeuble que des arabes israéliens et ne veulent pas que leurs enfants aillent à l’école avec des enfants d’origine arabe.

un tiers des personnes voudrait que l’Etat instaure une loi interdisant aux citoyens arabes de voter aux élections législatives

69 % sont opposés à l’idée du droit de vote pour les Palestiniens si Israël annexe la Cisjordanie.

74 % sont favorables à des routes séparées pour Israéliens et Palestiniens en Cisjordanie, 24 % parce qu’ils trouvent cela "bien" et 50 % parce que c’est selon eux "nécessaire".

47 % veulent qu’une partie des citoyens israéliens arabe soit transférée en Cisjordanie et 36 % aimeraient que des villes ou villages arabes en Israël soient transférés à l’Autorité Palestinienne en échange de quelques colonies.

58 % sont conscients du régime d’apartheid en vigueur à l’encontre des Arabes, mais l’approuvent.

38 % sont pour l’annexion des territoires occupés tandis que 48 % ne la souhaitent pas.

L’étude indique que les positions les plus racistes et ultra-nationalistes sont exprimées par les Israéliens religieux. Ainsi parmi les juifs ultra-orthodoxes, 83 % sont en faveur de routes séparées en Israël et 71 % en faveur du transfert des Israéliens arabes.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message