Philosophie, socialisme et Chiffon rouge

samedi 7 mai 2022.
 

Que les philosophes bien plus compétents que moi sur le sujet me pardonnent les modestes remarques ci-dessous. Les messages en forum peuvent accueillir leurs compléments ou leurs désaccords.

- A) Construisons ensemble le socle philosophique de L’Humain d’abord

- B) Chiffon rouge et complexité de la réalité

- C) Philosophie

- D) Les philosophes dans la rubrique Philosophie de notre site

A) Construisons ensemble le socle philosophique de L’Humain d’abord

Ami lecteur,

Si tu veux vraiment que ça change et que ça bouge, si tu veux vraiment que le jour se lève et qu’il fasse beau demain, ne sous-estime pas l’importance de la théorie et, en particulier, ne dédaigne pas la philosophie.

Les religions ne légitiment plus une conception du monde ni les institutions. Les "experts" des médias ne s’occupent que de valoriser la société capitaliste, ses "gagneurs", ses faits divers quotidiens et ses grands sportifs. Dans un tel contexte, les sociétés sont saisies d’un grand désenchantement : qu’est-ce qui est vrai ? qu’est ce qui est juste ? où allons-nous ? que pouvons-nous réaliser ? que dois-je faire ?

Les courants vraiment socialistes, c’est à dire anticapitalistes, ne peuvent se limiter à un combat strictement politique, sinon même politicien électoraliste. Ils ne doivent pas non plus répéter une doxa marxienne « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde ; il faut désormais le transformer ». Interpréter et transformer vont de pair, de même que matérialisme et combat sur les idées.

Qui se chargera de produire une cohérence de valeurs sortant enfin l’humanité de la barbarie sinon nous qui croyons en "Un autre monde possible" ? Je ne compte pas dans cet article remettre sur le tapis l’analyse du capitalisme, des classes sociales, du rôle des syndicats et partis... Je voudrais plutôt pointer des sujets que nous abordons moins d’habitude, sur lesquels je proposerai bientôt des liens et qui touchent à la philosophie comme :

- l’humanité (anthropologie)

- la morale

- le droit

- la citoyenneté

- l’art

B) Chiffon rouge et complexité de la réalité

Durant mon enfance, j’ai connu des anciens qui relayaient un bilan de montagnards ayant vécu 1793 "Nous n’étions pas prêts", en 1848 non plus, en 1871 non plus ; eux mêmes tiraient leur propre bilan « En 1905, Nous n’étions pas prêts », en 1918 1923 non plus, en 1936 et 1944 non plus. Je me disais que la prochaine fois, nous serions en état de faire mieux. Tel n’a pas été le cas en 1968 et encore moins en 1981.

Dans les années 1968 des centaines de milliers de gens honnêtes et altruistes, des milliers de militants ont cru hâter la disparition du capitalisme par la force de leur conviction morale et par leur activisme " En levant le poing et en serrant les dents Nous réveillerons la terre entière Et demain, nos matins chanteront". Beaucoup d’entre eux sont allés jusqu’au bout de leur combat mais ont été fauchés par des mitrailleuses ou des tortionnaires au Mexique, en Indonésie, au Chili, au Vietnam, en Argentine, en Palestine, en Colombie, en Iran, en Afrique ou ailleurs ; leur honneur et leur mémoire fleurit pour toujours. En France, le nombre de suicides a été élevé parmi les "enfants de 68" qui avaient ainsi cru possible de changer la vie assez rapidement. Pendant ce temps, les profiteurs capitalistes ont joui du soleil qui se lève, des merveilles du monde, des conditions de vie luxueuses, du sexe tarifé ou non...

Le combat syndical, le travail associatif, les campagnes électorales et même les éruptions révolutionnaires ne remplacent pas le lent labeur consistant à résister, à unir, à conscientiser, à organiser, à gagner des victoires sociales ou politiques partielles. Pour qu’il fasse bon vivre demain, nous avons besoin de dizaines de milliers de militant(e)s clairvoyants, éclairés par l’expérience et par la connaissance historique, philosophique, économique, psychologique...

Je sais que la vie quotidienne pompe beaucoup d’énergie, surtout lorsque l’on manque d’argent. Je sais que la lecture d’ouvrages de philosophie est souvent ardue et qu’elle était mieux introduite par les ouvrages de vulgarisation dans les années 1960 qu’aujourd’hui. Mais la philosophie a joué un rôle important dans l’histoire humaine et nul ne peut l’ignorer ou la contourner s’il veut contribuer à changer notre monde.

En mai 1968, l’écart était tel entre d’une part la pratique politique des partis de gauche, d’autre part les aspirations nées de la grève générale que le mouvement jeune est apparu durant 15 jours environ comme une force plus en adéquation avec le désir de construire ensemble une société plus juste, plus démocratique, plus heureuse. Elu lycéen sur mon département, j’étais invité sans cesse de tous côtés et obligé de répondre à des questions qui, souvent, me dépassaient ; j’étais en particulier en difficulté dans les discussions animées par des catholiques mus par d’excellentes intentions mais nourris de culture philosophique.

Par commodité, je m’étais fabriqué une approche du sujet sans prétention. La philosophie est une réflexion intellectuelle (datée, rationnelle, critique) pour élaborer une conception du monde (nature, individu, société, connaissance scientifique et technique) cohérente, morale et répondant à l’aspiration au bonheur. Le socialisme lie ce même objectif théorique à une pratique collective pour transformer le monde sur la base des aspirations émancipatrices des humains.

C) Philosophie

C1) Etymologie

Le mot philosophie signifie « ami » (philos) de « sagesse, savoir » (sophía).

Notons :

- la modestie du terme, le philosophe est "ami de la sagesse, du savoir", ami de la connaissance précise Platon alors que le Sage prétend personnifier la sagesse.

- l’universalisme du terme sagesse ou savoir contrairement aux Sages connus dans l’histoire qui présentent des caractéristiques fort locales comme Solon...

- la dimension laïque du terme, indépendant de toute religion ou croyance. Notons enfin la polysémie du terme. Ami de la sagesse, oui, mais qu’est-ce que la sagesse ?

C2) La philosophie est un art de la réflexion :

"On ne peut apprendre la philosophie, on ne peut qu’apprendre à philosopher" (Kant) mais on ne peut apprendre à philosopher sans une découverte par la lecture « Il n’y a point d’autre méthode de penser que de lire les penseurs » (Kant). Le but essentiel de la philosophie n’est pas de pratiquer ou transmettre un savoir mais d’apprendre à penser par soi-même. Comme les sciences expérimentales, la philosophie part de la réalité ; la biologie ou la chimie décrivent des aspects de celle-ci alors que le but de la philosophie serait plutôt de chercher une compréhension générale de cette réalité, non par des chiffres mais par des concepts.

C3) Les Philosophes et leur contexte historique

La philosophie est une réflexion datée, influencée par les conditions sociales, économiques, technologiques, politiques, éthiques et culturelles de son écriture.

Je ne comprends pas cette prétendue philosophie scolaire actuelle qui prétend s’en tenir à la lecture du texte d’un auteur sans référence au contexte historique. Cette méthode d’enseignement de la philosophie a pour but réel d’empêcher les élèves de se former une compréhension d’ensemble comme les fameux "documents" en histoire et les "extraits" en littérature.

Ni Descartes, ni Spinoza, ni Hobbes, ni Kant ne peuvent être vraiment compris hors de leur contexte historique. Jean-Jacques Rousseau aurait-il défendu les mêmes idées s’il n’avait été citoyen de Genève à l’époque des révolutions citoyennes de cette ville ?

Confucius est inséparable de la société chinoise classique, Thomas d’Aquin du Moyen Age, Marx du capitalisme du 19ème.

C4) Philosophie et raison

La philosophie est une réflexion rationnelle. « L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. [...] Toute notre dignité consiste donc en la pensée...Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale. » (Pascal)

C5) Eviter l’européo-centrisme

La philosophie n’est pas née vierge des conceptions précédentes et concurrentes du monde (animistes, mythiques, religieuses...). Choisir des Grecs comme premiers philosophes en ignorant l’Egypte, la Mésopotamie et l’Inde, le zoroastrisme, le taoïsme et le confucianisme me paraît dommageable.

La quête de connaissance n’a évidemment pas de commencement datable. Elle mêle par exemple besoins de l’agriculture et de la chasse, curiosité, croyances... Tel est le cas par exemple pour la compréhension des cycles lunaires et solaires, pour le décompte des humains ou des animaux tués...

D) Les philosophes dans la rubrique Philosophie de notre site

Les philosophes ont commencé bien avant la naissance du socialisme à essayer de construire une conception du monde basée non sur le mythe mais sur la connaissance scientifique. Durant de nombreux siècles, les penseurs furent aussi, bien souvent et logiquement des mathématiciens, des astronomes, des médecins... car la connaissance ne progresse pas indépendamment de la compréhension du réel.

Dans nos sous-rubriques concernant les philosophes, que le connaisseur ne cherche pas d’analyse subtile ou nouvelle ; nous nous bornons à présenter quelques textes ; une dizaine seulement émane de rédacteurs habituels du site.

Grands philosophes.

- > Héraclite (544-484 avant J.C.), premier penseur progressiste de la totalité

- >Confucius et le confucianisme, philosophie politique et morale depuis 2500 ans

- > Les savants-penseurs grecs avant Socrate – 1/ Les Milésiens et Pythagore

- > L’école d’Elée : Parménide et Zénon

- > Aristote réformiste radical de l’Antiquité grecque

- > 28 août 430 Mort de Saint Augustin Père des théologiens et des fascistes cléricaux

- > 12 juillet 1536 : Mort d’Erasme

- Spinoza : http://www.gauchemip.org/spip.php?r...

- > Diderot, penseur politique précurseur

- > Jean-Jacques Rousseau, philosophe de la souveraineté populaire

sous-rubrique Rousseau : http://www.gauchemip.org/spip.php?r...

- > Hegel, l’histoire et l’homme comme tel

http://www.gauchemip.org/spip.php?r...

Philosophes

http://www.gauchemip.org/spip.php?r...

Philosophes républicains, socialistes, communistes

Nous avons constitué une rubrique spécifique intégrant en particulier les penseurs marxistes car ils travaillent à partir des concepts spécifiques de cette pensée.

http://www.gauchemip.org/spip.php?r...

D) De la philosophie au socialisme

Les philosophes ont réfléchi avant et en même temps que les socialistes au matériel théorique nécessaire pour avancer vers une conception scientifique et humaine du monde, en particulier par la formulation et l’articulation des concepts.

En effet, le courant politique arborant un morceau de chiffon rouge, et défendant ceux qui vendent leurs bras pour un morceau de pain et portant le projet d’un monde plein de justice et de joie s’appelle le socialisme (avec ses variantes communiste, anarchiste...)

Depuis deux cents ans, les compagnons de colère, compagnons de combat du socialisme ont déjà écrit des textes indispensables à comprendre, à critiquer, à dépasser pour mieux aller droit devant dans la lumière. En lisant de Robespierre et Marx à Mélenchon en passant par Jaurès, Lukacs, Bensaïd et bien d’autres, ami lecteur, tu te confronteras à des philosophes utilisant fréquemment des concepts et des références du corpus philosophique.

La "philosophie" scolaire actuelle exclut les dirigeants politiques même ceux qui font partie des meilleurs philosophes des deux derniers siècles. Nous ne pouvons être d’accord. Pour nous la philosophie ne peut qu’intervenir sur le terrain politique comme d’ailleurs Platon l’avait déjà fait dans la Grèce antique, y compris par un programme extrêmement détaillé (et critiquable).

Pourquoi (re)lire Horkheimer, penseur critique des sociétés modernes  ?

Il est vrai que la hiérarchie catholique a poussé à séparer d’une part philosophie intellectuelle, d’autre part sagesse dans la société. Ainsi Paul de Tarse (Saint Paul) estime ainsi que la sagesse humaine doit être renversée :

1.19. Aussi est-il écrit : Je détruirai la sagesse des sages, Et j’anéantirai l’intelligence des intelligents.

1.20. Où est le sage ? où est le scribe ? où est le disputeur de ce siècle ? Dieu n’a-t-il pas convaincu de folie la sagesse du monde ?

1.21. Car puisque le monde, avec sa sagesse, n’a point connu Dieu dans la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication.

Le socialisme ne veut détruire ni la sagesse philosophique, ni l’intelligence. Il en souhaite au contraire l’accès au plus grand nombre par la démocratisation de l’école, de la culture, de la citoyenneté.

Bien au-delà du seul socialisme, de nombreux humains ont déjà réfléchi à des questions fondamentales comme l’accès à la vérité, le rôle des sciences, le rapport de l’Etat à l’individu, le bonheur... Au fil des ans, ami lecteur, tu découvriras Aristote, Hegel et Arendt... La philosophie ne t’est plus étrangère, bientôt tu seras devenu un petit philosophe... non pas pour parader comme expert sur le petit écran mais comme citoyen éclairé pouvant enfin le porter :

Le chiffon rouge de la liberté

Jacques Serieys

J’ajoute ci-dessous le lien vers la modeste rubrique Philosophie de notre site :

http://www.gauchemip.org/spip.php?r...

Eléments de sitographie

- La philosophie comme art de la réflexion

http://sergecar.perso.neuf.fr/cours...


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