Gloire à 1789 !

mardi 3 janvier 2012.
 

Réponse à MMes Deneuve, Parisot, MM. Afflelou, Copé et quelques autres qui détestent la Révolution...

Gloire à toi, année 1789 ! Depuis quelques jours, ton souvenir semble terroriser quelques nantis du nom d’Afflelou, Parisot ou même Deneuve (Et oui ! Même elle. Triste époque pour nos anciennes idoles). Il me faut donc prendre ta défense, chère année 1789, comme nous l’avons fait avec Laurent Maffeis il y a trois mois, quand nous avons publié notre « Robespierre, reviens ! » (Editions Bruno Leprince) précisément sur ce sujet : au Front de Gauche, nous refusons le mépris de la Révolution Française et de ses principales figures, dont celles de Robespierre, St Just ou Marat, accusées de toutes les vilénies.

1789 ! Comment être français, vraiment, c’est-à-dire républicain, et flétrir cette belle date ? 1789 ! Le monde entier le sait, ce fut la fin de la monarchie absolue dans ce qui était alors le pays le plus peuplé d’Europe et peut être le plus puissant. 1789 ! Pour le peuple de France, cette année là, un soleil s’est levé, non seulement sur lui-même, mais sur l’humanité entière… 1789 ! Ce fut le début d’une Révolution dont la flamme, deux siècles après, brûle encore !

1789 ! Pour eux, 223 ans plus tard, cette date les effraye encore. Eux ? Les héritiers des profiteurs de l’ordre ancien qui furent alors forcer de partager enfin une part de leurs richesses après des siècles d’égoïsme et de spoliation. Eux ? Il y a deux siècles, on les nommait aristocratie, aujourd’hui, ils sont devenus oligarchie. Oui, une oligarchie mélangeant hommes d’affaires, responsables politiques et de médias, et bien sur quelques gens de spectacle, tous si généreusement payés sans que l’on comprenne pourquoi.

1789 ! Laurence Parisot, Catherine Deneuve, Alain Afflelou, qui après Jean-François Copé et beaucoup d’autres comme MM. Bruno Gollnish et les Le Pen père et fille, prononcent cette date comme un juron, une honte, une insulte… 1789 ! Pour le peuple de France, ce fut pourtant la grande rupture qui marqua le véritable point de départ d’une ère nouvelle de son histoire. A ce titre, ce fut une date lumineuse. Après des siècles de servitude durant lesquels une monarchie parasitaire fit régner un ordre injuste et brutal, où elle massacra, tortura, mentit, humilia… on allait tenter de bâtir un monde nouveau. 1789 ! Et enfin, sur cette terre, on ne fut plus sujet du roi, mais Citoyen. 1789 ! L’obscurantisme religieux, complice de la couronne, allait subir un coup d’arrêt. 1789 ! Le 20 juin, dans une modeste salle où d’ordinaire on jouait au jeu de paume, 578 représentants du Tiers-état firent le serment de ne pas se séparer avant que ne soit élaborée une Constitution et... ils tinrent parole ! 1789 ! Le 14 juillet, le peuple de Paris en colère détruisit la Bastille, cette prison infâme, symbole de l’oppression royale où n’importe qui pouvait se retrouver en prison sans plus d’explication. 1789 ! La nuit du 4 août, les représentants du peuple, certes sous la pression des évènements, abolirent les privilèges et une bonne partie du régime féodal. 1789 ! Le 26 août, on proclama même une Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui fait encore la fierté de notre pays à travers le monde…. 1789 ! Jamais année n’avait été aussi féconde pour accorder des droits nouveaux aux Hommes. Sous son impulsion, quelques années plus tard, on mit un terme à l’esclavage, on accorda les droits civiques aux juifs et on accorda la liberté religieuse ancêtre de la laïcité. 1789 ! Grâce à toi, la question sociale commença à être débattu sérieusement. On voulu alors contrôler les prix, rendre l’impôt plus juste, donner des droits aux travailleurs….etc, nombre de choses qui prendront une dimension plus ample en 1793. Oui, il faut aimer et faire aimer 1789. Il faut être fier de cette année, où sur le sol de France, on a parlé à l’humanité entière pour lui tenir un langage de fraternité.

1789 ! Comme professeur d’histoire, dans mon lycée professionnel, j’apprends à mes élèves à t’admirer, à te comprendre, à t’utiliser encore comme source d’inspiration. Et je m’indigne que des gens à priori cultivé, et si privilégié, détruise mon travail, en ne pensant qu’à leur compte en banque et en faisant de 1789 une date sombre, dont il faudrait se méfier. J’exagère ? Jugez plutôt.

« Qu’auriez vous fait en 1789, mon corps en tremble encore ! ». Qu’est-il arrivé à Mme Catherine Deneuve pour qu’elle réponde, par presse interposée, cette phrase absurde à son confrère Philippe Torreton, qui s’indignait à juste raison, de l’égoïsme vulgaire de Gérard Depardieu. Pourquoi s’en prend-elle de la sorte à 1789 en sous entendant qu’elle y aurait perdu la vie ? Pourquoi ? Par qui ? Est-elle à ce point aveuglée par le film Danton de Wajda, magistralement interprété par son ami Depardieu, mais ô combien discutable tellement il est à charge contre Robespierre et si complaisant vis à vis de Danton qui aimait tant l’argent ? En 1789, la comédienne Deneuve n’eut rien à craindre. C’est même l’inverse.

Sait-elle, Mme Deneuve, que c’est justement cette année là que, grâce à une intervention de Maximilien Robespierre (oui, oui je parle bien ici de « l’incorruptible ») le 23 décembre 1789, les comédiens, c’est-à-dire les lointains héritiers de M. Depardieu, elle et beaucoup d’autres que nous admirons tant et qui sont désormais étrangement si bien payés, ont obtenu le droit de vote, que l’Ancien régime leur avait toujours refusé ? Ce 23 décembre là, au terme d’un discours exigeant les pleins droits de citoyenneté pour eux, Robespierre affirma : « Les comédiens mériteront davantage l’estime publique quand un absurde préjugé ne s’opposera plus à ce qu’ils l’obtiennent : alors les vertus des individus contribueront à épurer les spectacles, et les théâtres deviendront des écoles publiques de principes, de bonnes mœurs et de patriotisme. » En relisant cela, on se dit une nouvelle fois que Robespierre était un idéaliste optimiste…si loin de la légende noire que des minables ont fait de lui depuis deux siècles. Mais, c’est un autre sujet.

Aussitôt, décomplexé par les lignes stupides de la grande actrice, les ultras libéraux sont remontés immédiatement au front. « Je dis comme ce que dit Catherine Deneuve ce matin dans Libération, nous avons le sentiment aujourd’hui qu’on cherche à recréer quelque chose qui s’apparente à 1789, il faut bien mesurer à quel point c’est insupportable pour beaucoup de gens talentueux » Celle qui parle ainsi, de l’action du gouvernement Hollande, se nomme Laurence Parisot, responsable du Medef. L’outrance du propos est comique. Les acteurs ne sont pas simplement où l’on croit. Elle avait par ailleurs sensiblement dit la même chose durant la campagne présidentielle lorsqu’elle avait commenté la progression de Jean-Luc Mélenchon et du Front de Gauche avec angoisse, bien réelle cette fois là.

Emboîtant le pas à la patronne des patrons, samedi sur RTL, le richissime marchand de lunettes Alain Afflelou a dénoncé tout en finesse une « fiscalité injuste et confiscatoire (…) On est en train de faire une guerre de tranchées, de revenir en 1789 : il faut arrêter de dire que les chefs d’entreprises sont des voleurs, des voyous, des gens malhonnêtes ».

1789 par ci, 1789, par là… Halte là ! Je dis honte. Honte à tous ces ignorants, ces réactionnaires, ces malhonnêtes qui crachent sur la Révolution Française sans laquelle notre pays ne serait pas le même. Ils n’ont rien inventé. Cela fait deux siècles que ce mépris prospèrent, plus ou moins vivement selon les périodes. Parisot et Afflelou savent-ils que déjà le sinistre Goebbels, lors du congrès nazi de Nuremberg, dénonçait les « les germes morbides de 1789 » ? Sans doute que non, sans quoi ils n’utiliseraient pas le même vocabulaire que lui. Du moins j’espère. Benito Mussolini aussi définissait le fascisme comme « l’antithèse de tout l’univers des « immortels principes de 1789 » ». Alfred Rosenberg, un théoricien nazi, dans son livre Le mythe du XXe siècle dénonçait encore 1789 de la sorte : « la populace jacobien au teint foncé traînait à l’échafaud quiconque avait la taille élancé et les cheveux blonds… Depuis ce temps l’homme alpin à métissage européen apparaît au premier plan ».

Mépris du peuple, de la souveraineté nationale, des sans-culottes, de la Révolution Française, du grand Robespierre, encore et toujours… cela fait deux siècles que cela dure. 1789 leur a tellement flanqué la frousse, que certains des héritiers des contre révolutionnaires tremblent encore… La semaine dernière, invité sur la chaîne de la TNT Numéro 23, à l’émission Hondelatte Dimanche, face au Bloc identitaire (BI) , ce groupuscule qui détestent les idées des Lumières et la Révolution Française, un théoricien de l’« identité niçoise » (c’est le nouveau nom de ces néos fachos, dont le programme est un mixte subtil entre le Club de l’Horloge et le scénario du film Brice de Nice, l’humour en moins, bien sûr), étonnamment mis en scène par la TV, me reprochait, de façon narquoise, d’avoir écrit un livre en défense de l’incorruptible. Immédiatement, plein de finesse, ce monsieur s’empressait de dire que, bien sûr, comme mon modèle je voulais « lui couper la tête ». Arf, arf… Je vous laisse découvrir l’émission, si vous ne l’avez pas vu.

Cet obsédé des identités bricolées et des passe-porcs obligatoires, ce "toc" identitaire, qui finalement n’est qu’un avatar du FN, aurait mieux fait de se taire. D’abord, à quoi sert-il puisqu’il n’a d’autres discours que celui de Marine Le Pen, en plus ultra.. ce qui n’est pas peu dire. Et surtout, face à moi, il dira exactement la même chose que la patronne ultra libérale Sophie de Menthon lors d’un débat qui m’opposa à elle sur BFM TV quelques jours plus tard. Madame « de » Menthon, sans doute fière de sa particule, cru me déstabiliser en indiquant au téléspectateur que j’avais écrit un livre en défense de Robespierre. Décidement, grands patrons égoïstes, racistes de la côte d’azur, parasites réactionnaires, ultras libéraux décomplexés, acteurs surpayés, etc…tous partagent les mêmes arguments et la même angoisse. Leurs paroles et musiques sont toujours les mêmes : Pitié ! Que 1789 ne revienne pas !

Le plus drôle, ou le plus triste c’est selon, est que cette frousse n’a quasiment aucune raison d’être matériellement. Le gouvernement actuel est en réalité totalement impuissant et inactif devant la fraude et l’exil fiscal qui coûte tout de même entre 30 et 50 milliards d’euros chaque année aux finances publiques. Depuis 6 mois, aucune loi nouvelle n’a été adoptée à ce sujet. On est donc là en pleine opération de communication des plus riches qui hurlent très fort, pour que MM. Ayrault et Hollande baissent pavillon, avant même d’avoir agit. Croyez moi, si c’est le Front de Gauche qui dirigeait le pays, les choses ne se dérouleraient pas ainsi. Mais, hélas, pour cela, il faudra encore attendre un peu…

Un mot encore, au sujet de Philippe Torreton dont j’ai apprécié la courageuse lettre qu’il a écrite au sujet de l’exil de Gérard Depardieu. Bravo Monsieur Torreton. Dans la mesure où, depuis, il s’est fait méchamment attaqué par d’autres artistes, comme Gad Elmaleh, je voudrais sans états d’âme le défendre. Et, tout en m’affirmant résolument de son coté, je voudrais aussi souligner un passage important de sa lettre : « Evidemment, on cogne sur toi plus aisément que sur Bernard Arnault ou les héritiers Peugeot… C’est normal, tu es un comédien, et un comédien même riche comme toi pèse moins lourd ! Avec toi, on peut rattraper le silence gêné dont on a fait preuve pour les autres… C’est la nature de cette gauche un peu emmerdée d’être de gauche. »

Voilà qui est bien dit. Et, voilà qui est le cœur du problème et qui nécessiterait d’aller plus loin qu’une tribune dans Libération. Les postures m’agacent et je veux croire qu’elles agacent aussi M. Philippe Torreton. J’ai eu la chance de le rencontrer. Durant près de deux ans, j’étais assis à quelques centimètres de lui au Conseil de Paris. Il m’est arrivé de bavarder quelque fois avec lui. J’ignore si il s’en souvient encore. A cette occasion, j’ai pu découvrir un homme sincèrement de gauche et rapidement frustré de se retrouver dans ce groupe socialiste où il n’avait aucun rôle, et dont il ne comprenait pas les codes. Je me souviens de ses colères lorsqu’il considérait que la politique culturelle de la Ville était élitiste et inutilement dépensière aux mauvais endroits et pas assez dans d’autres. De dépit, il a démissionné après avoir compris sans doute qu’il avait mieux à faire ailleurs. Et si cette attitude était un des maux de notre temps ? Si Philippe Torreton veut une vraie justice fiscale, pourquoi ne vient-il pas aider le Front de Gauche ? Il y serait le bienvenu, et bien plus utile qu’à défendre et appeler à voter dès le premier tour pour le Parti Socialiste, ces gens « emmerdés d’être de gauche.. » comme il le dit si bien.

En 1789, ceux qui firent la Grande Révolution étaient des femmes et des hommes d’actes, sans lesquels rien n’est possible. Pour la nouvelle année qui vient, pour une fois, donnons raison à Mme Parisot qui a « le sentiment aujourd’hui qu’on cherche à recréer quelque chose qui s’apparente à 1789 ».

Oui, madame Parisot... Bien vu. Au Front de Gauche, avec Jean-Luc Mélenchon et beaucoup d’autres, c’est bien ce que nous cherchons à faire. Cette idée, si simple mais si ambitieuse, fait son chemin.


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