Sidérurgistes Sacrée colère !

jeudi 14 février 2013.
 

Cette fois, lassés des atermoiements de leurs gouvernements, les sidérurgistes avaient décidé, tous ensemble, tous ensemble, de converger vers le Parlement européen de Strasbourg. Par bus entiers, venant du Luxembourg, de Liège, de Florange bien sûr, ils sont arrivés. Ou pas… Eh oui, « on » les a bloqués, à 40 kilomètres de Strasbourg, « on » les a fait descendre, « on » les a fouillés à corps, et même certains se sont retrouvés menottés. Comme les dangereux terroristes qu’ils sont, probablement.

Nous, nous les attendions depuis 10 heures du matin. Sous la pluie, avec les camarades du Bas-Rhin, bien décidés à leur dire une fois encore qu’on est avec eux. 4 heures ont passé avant que les premiers n’arrivent. 4 heures pour nous, ce n’est rien. Mais eux, ces 4 heures-là les ont remontés comme des coucous. Ils sont descendus de leurs cars la rage au cœur et bien décidés à aller parler un peu du pays aux parlementaires européens. Lesquels (certains, faut pas rêver non plus  !) ont reçu une délégation. Mais les archers du roi ne l’entendaient pas ainsi.

Toutes les rues étaient bloquées à 300 mètres du Parlement. Je n’en avais jamais vu autant. Des grands et des petits. Des casqués et des en casquette. Des harnachés et des en civil. Il y en avait pour tous les goûts. Tu n’approchais de rien, pour peu que tu portes un drapeau, un peu rouge certes, mais pas belliqueux pour deux sous, ou un béret fleuri de badges. Tu ne passais pas, si tu ressemblais de près ou de loin à un métallo. Tu n’avançais pas si ta banderole était tant soit peu syndicale. Bref, l’enfermement. Et on ne connaît pas de meilleure technique pour rendre furieux des gars qui ont fait 10 heures de voyage, simplement pour dire leur envie de garder leur boulot.

Alors, furieux, ils le sont devenus. Les canettes (vides  !) ont volé. Et de l’autre côté, les lacrymos ont répliqué. Puis ce furent les pavés, les grilles de parking à vélos, les cailloux. Qui croisaient les balles en caoutchouc arrivant de l’autre bord. On a retrouvé Frédéric au sol, plié de douleur, touché au ventre. Puis, c’est Grégory qui a été trainé par terre. Juste avant qu’un copain belge ne nous quitte en ambulance, salement amoché, l’œil en sang. Les charges se sont succédé. D’un côté, puis de l’autre. Les gaz rampaient. Les abribus s’écroulaient. Les feux rouges aussi. On courait comme quand on a eu 20 ans, en 68. Les gars assis par terre tentaient de calmer les brûlures de leurs yeux avec des petites bouteilles orange qui sortaient on ne sait d’où  ! Apparemment efficaces, en tous cas. Et puis, tout à coup, on a vu arriver un groupe d’élus. Et bizarrement, les tirs ont cessé. Tiens, ça sert aussi à ça, un élu du peuple ? Tant mieux. La manif s’est terminée. Les gars sont remontés dans leurs bus. Frustrés. On les avait empêchés de porter leurs justes angoisses, leurs justes revendications.

Nous, on a essayé de retrouver notre voiture. Mais on n’avait pas la bonne dégaine. Il a fallu parlementer avec les bleus. L’un d’eux nous a reconnus. Un de nos anciens petits. Les gars n’ont pas changé depuis que Valls a remplacé Guéant. Et les ordres non plus, qu’il nous a dit. Nous aussi, on a pris la pluie, madame… Ah ben oui mon garçon. Tu aurais pu aussi devenir employé de bureau ou prof, que des beaux métiers à l’abri des intempéries et des jets de pierres. Quoique, pour prof, pas si sûr… Voilà. Elle était finie la manif des métallos de monsieur Mittal. Elle était terminée, dans la colère et la rancœur. Avec les yeux qui piquent encore un peu ce soir. On se demande bien pourquoi. Finalement, ils voulaient quoi, ces gars, ces casseurs, ces gros bras ? Pas grand-chose. Seulement travailler encore, travailler encore, forger l’acier rouge avec leurs mains d’or… Comme hier, comme demain.


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