L’aliénation alimentaire conduit à des problèmes de santé publique

mercredi 22 mai 2013.
 

À travers la diversité des produits et des savoir-faire, l’agriculture a assuré à l’humanité tout entière ses possibilités d’évolution et d’échange. Dans l’histoire longue, l’agriculture a d’abord une fonction alimentaire au sens le plus fruste, celle d’assurer la survie. C’est encore cette fonction qui présente l’enjeu majeur pour une grande partie du monde actuel. Un milliard d’êtres humains souffrent de malnutrition par insuffisance alimentaire.

Mais rester sur cette acception quantitative porte en soi les fondements d’une réponse productiviste qui peut être destructrice pour la santé publique et l’environnement, tout autant qu’aliénante pour le paysan et le consommateur. À la tyrannie de la faim, on substituerait la tyrannie de l’exploitation d’une population nourrie pour produire plus et non pour vivre mieux et s’épanouir. Aujourd’hui, une alimentation saine et diverse reste le fondement de la santé publique et sociale des populations, consommateurs comme agriculteurs. Toutes les études montrent combien la diversité intrinsèque des régimes alimentaires influe sur la santé des individus et groupes humains.

Dans tous les pays on voit se développer une classe qui ne souffre plus de la faim sur le plan quantitatif, mais souffre d’une aliénation alimentaire conduisant à des problèmes de santé publique majeurs  : obésité, diabète, pathologies cardio-vasculaires… L’alimentation ne peut être uniquement dévolue aux seuls besoins caloriques/jour de chaque humain. Elle est enjeu fondamental de santé publique mondiale, alliant quantité et qualité, diversité, savoir-faire, bien-être social, échanges locaux, équilibre des territoires et de l’environnement. Incontournablement, il faut, dans la chaîne de production agricole et alimentaire, mettre fin à l’utilisation massive de pesticides qui en est le principal danger. Les politiques ultralibérales tentent d’imposer partout une concentration de l’agriculture sous le pouvoir de gros propriétaires, multinationales agrochimiques et de la grande distribution. Ces derniers s’approprient les terres et agissent pour l’interdiction du contrôle démocratique du processus de production agricole (génie génétique, pesticides, nanotechnologies…).

En Asie, en Afrique, elles développent avec violence l’expropriation des paysans et la déstructuration des régimes alimentaires. La spéculation sur les matières premières agricoles, l’absence de stocks alimentaires nourrissent les bulles financières et la volatilité des marchés. En Europe, c’est pour «  rester compétitif  », réforme après réforme de la politique agricole commune (PAC), que sont éliminées les exploitations familiales. Ce qui conduit à la standardisation de l’alimentation des masses. L’Europe doit tourner le dos aux «  signaux des marchés  », afin de ne pas sacrifier sa préférence communautaire et ses outils de régulation.

Nous défendons une agriculture paysanne et le droit à la souveraineté alimentaire pour tous. Il revient aux politiques publiques de définir une répartition territoriale des productions qui empêche la concentration agro-industrielle. Nous soutenons la pêche artisanale. Ces politiques doivent favoriser la relocalisation des productions, les circuits courts, le développement de l’emploi, l’aménagement environnemental…

Le financement des activités agricoles de production doit être renouvelé. Ces politiques publiques doivent également assurer des prix rémunérateurs garantissant une vie sociale stable et enrichissante pour les agriculteurs. Pour la PAC 2014-2020, nous appelons une politique volontaire d’appui pour un maillage dense d’exploitations familiales sur les territoires pour favoriser la qualité et la diversité des produits, la relocalisation des productions, la régulation des marchés et du foncier. Nous condamnons l’agriculture coloniale qui accapare des terres par la violence militaire, politique ou financière, au détriment de celles et ceux qui la cultivent et des peuples qui l’entretiennent.

L’agriculture doit sortir de l’OMC actuelle ainsi que du cadre des politiques libérales au service des marchés spéculatifs. En ce sens, nous portons l’émergence d’une nouvelle organisation mondiale de l’agriculture, une nouvelle politique agricole et alimentaire.

Le Parti communiste français puise dans son histoire et son identité rurale pour avancer aujourd’hui vers les chemins du possible. L’enjeu agricole et alimentaire en est un. Nous encourageons, dans l’action, la gauche à afficher son ambition agricole et alimentaire. Le présent nous appelle à l’urgence d’un autre devenir de l’humanité, émancipé des guerres, des dominations et de la faim. C’est ce sillon que nous empruntons.

Par Xavier Compain, membre du conseil national du PCF (secteur agriculture, pêche, forêt), et Éric Coquard, consultant international en agriculture.


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