Il aurait suffi que Manuel Valls dise qu’interpeler une collégienne en pleine sortie scolaire était une faute. Il aurait suffi qu’il admette que c’est un trouble à l’ordre républicain que de demander à un enseignant de se transformer en auxiliaire d’une expulsion pour faire quitter le territoire national à un enfant qu’il est chargé d’éduquer. Mais Valls a fait un autre choix. Reprenant une technique qu’il réitère chaque semaine, il s’est livré à une énième provocation dans l’attente de nouvelles retombées sondagières. Cette fois ci ce fut déclarer qu’interpeller une collégienne devant sa classe était agir avec humanité. Rarement le pouvoir aura à ce point dénaturé le sens des mots, un procédé qui conduit à empêcher toute discussion démocratique. Ce que Valls n’avait pas prévu, c’est que l’indignation ferait descendre des lycéens dans la rue. Un voyant rouge s’est immédiatement allumé à l’Elysée. La mobilisation lycéenne est la hantise de Hollande comme de nombreux gouvernants. Dans les palais ministériels circule ce dicton : les lycéens, c’est comme du dentifrice, c’est facile de les faire sortir mais beaucoup plus difficile de les faire rentrer.
Hollande a donc dû intervenir. Ou plus exactement faire du bruit avec sa bouche. Dans un raccourci saisissant de la crise de la Cinquième République, nous vîmes le spectacle surréaliste d’un monarque républicain accordant à titre personnel le droit de séjour à une jeune fille, au mépris de toute loi, et d’un chef impuissant refusant de désavouer son ministre de l’intérieur en acceptant le retour de la famille. Petit grain de poussière dans la machine à broyer, Leonarda se vit sommée de choisir entre sa famille et son avenir. Une cruauté que de plusieurs conventions internationales ont pour mission d’interdire. Mais Hollande n’agissait pas en chef de l’Etat français, comptable de ses engagements internationaux et soucieux de l’image du pays dans le monde. Il est resté le Hollande des synthèses piégées, ruses à trois balles et autres coups tordus. Sauf qu’il ne s’agit pas d’un Congrès du PS. Il s’agit d’êtres humains et de la France, et loin de contenter tout le monde ces méthodes écœurantes mettent chacun en rage.
Faisons donc le bilan. Une jeune fille brisée, sommée de réagir en direct à l’intervention télévisée d’un chef d’Etat : rappelons qu’elle n’a que quinze ans. Une campagne aux relents xénophobes qui après avoir expliqué que les Roms refusent de s’intégrer présente ceux qui vont à l’école comme des usurpateurs et des menteurs. Un président de la République obligé de se mêler d’une intervention de police dans un bus scolaire. Une nouvelle crise politique dans la majorité au pouvoir. Est-ce cela l’ordre ? Non bien sûr, ce que nous avons vu la semaine dernière, c’est un complet désordre. C’est le désordre du libre-échange qui pousse à l’exil et détruit les vies. C’est le désordre de l’austérité qui empêche un traitement humain des étrangers et un examen rapide des demandes d’asile. C’est le désordre sécuritaire qui se nourrit de chacun de ses échecs. Cette semaine, le désordre avait un nom, Manuel Valls. Ce dernier est pourtant le ministre en charge du maintien de l’ordre. Nous sommes vraiment dans un moment où les mots ne veulent plus rien dire.
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