Au procès de Béthune, Marine Le Pen bredouille

jeudi 19 décembre 2013.
 

J’ai consacré deux jours au procès de Béthune, qui m’oppose à Marine Le Pen à propos de son faux tract dans la campagne législative d’Hénin-Beaumont. J’ai pris ces deux jours sur ma présence au Parlement européen, puisque le calendrier faisait qu’il se réunissait aux mêmes dates. Une après-midi de préparation et d’apprentissage juridique avec mes conseillers, une journée à Béthune pour suivre personnellement l’audience. Car à mes yeux, des principes essentiels se jouent dans ce procès. Je ne suis pas partisan de la judiciarisation de la bataille politique ni des plaintes « coup de com » comme en formulent continuellement les Le Pen. Mais le procès du faux tract de madame Le Pen, qui voulait faire croire qu’elle parlait en mon nom et en arabe, est reporté une nouvelle fois. Son avocat a pu prétendre que c’était à ma demande, et la collection des gogos médiatiques ordinaires a avalé tout rond le potage. Désespoir de mes camarades les plus naïfs et rigolade de mon côté, car je les avais prévenus que les médias parisiens ne feraient rien, ne s’intéresseraient à rien, puisqu’il n’y avait ni sang ni buzz à l’horizon. Quel procès ! Le simple fait qu’il puisse avoir lieu est un exploit. En dépit de ma plainte, en dépit de la fourniture immédiate de l’identification des distributeurs de tracts et de leurs photos, aucune enquête de police ne fut demandée par le Garde des Sceaux, ni aucun de mes bons amis socialistes, ces faux derches qui passaient leur temps en campagne contre moi plutôt que contre elle. A Marine Le Pen, le PS reconnaissant en quelque sorte ! Nous avons donc avancé en la citant nous-mêmes, faute de pouvoir espérer la protection de nos droits et de ceux de la société par la Chancellerie.

Et bien sûr, il n’aura pas été dit un mot du contenu de cette séance, pourtant si révélatrice, du procès de Béthune. L’attitude de la défense de Madame Le Pen était d’une incroyable arrogance, disant aux juges qu’ils n’avaient pas a discuter, que la décision à prendre n’était pas de leur ressort mais de celui de la Cour de Cassation. Je pense qu’il s’agissait de provoquer une réaction qui aurait pu donner prise à l’argument de partialité. Peine perdue. Le tribunal ne cilla pas, si peu que ce soit. Car le reste valait son pesant d’abus. Excusez du peu : Madame Le Pen prétendait inconstitutionnel un article du code électoral constant depuis 164 ans, reconduit par trois Républiques, condamnant les « manœuvres frauduleuses » en matière d’élection. Un sujet beaucoup trop compliqué pour les récitants qui vont, pleurnichant et se tordant les mains, braire de façon si déchirante qu’il est temps d’agir face au péril. Ces faux inquiets et vrais dédiabolisateurs de la firme Le Pen l’entretiennent en fait du matin au soir, par des sondages racoleurs et leurs soi-disant enquêtes, psalmodiant en boucle les mêmes hagiographies depuis des mois. Pourtant, il est vrai que, dans cette affaire, Madame Le Pen risque l’inéligibilité !

Mais cela ne rentre pas dans le plan de marche de tous ceux qui ont besoin d’elle ! Et ils sont nombreux dans les rédactions ! Tous ceux qui pensent, comme on l’avait entendu en 2002, qu’avec le score Le Pen « les arabes vont se tenir tranquilles » ; ou bien les socialistes, dont c’est le dernier espoir pour provoquer le « vote utile » ; ou bien les disques rayés du Front Républicain ; ou encore la droite moisie, qui pense toujours que mieux vaut « Hitler que le Front populaire », celle à la Christophe Barbier, qui vit des jus de la poubelle anti-musulmane. Oublions.

Le prochain rendez-vous est fixé au six février à Béthune. La défense de Le Pen avait déjà obtenu un premier renvoi en septembre, en déposant son inepte « question préalable de constitutionnalité ». Elle fut tranchée ce jour-là : « manque de sérieux ». Rejeté ! Mais comme c’est une victoire pour nous, la discrétion médiatique fut de mise. On imagine dans le cas inverse ce qu’eut été la titraille des bulletins paroissiaux du PS et de L’Express réunis. Ce jour là, à ce moment de vérité, la défense de madame Le Pen, affolée à l’idée de devoir débattre séance tenante sur le fond, imagina un nouveau subterfuge : il lui aurait manqué des pièces du dossier de l’accusation. Demande de report. Stupeur dans le prétoire où le tribunal avait, par courtoisie et respect pour les autres prévenus et victimes, reporté les autres affaires inscrites à l’audience ! En fait, la Le Pen avait tous les éléments du dossier, à l’exception des adresses des témoins ! Le tribunal délibéra et reporta. J’en déduis qu’il veille scrupuleusement à ce que nul ne puisse se dire jugé sans avoir pu produire tous les moyens de sa cause dans cette affaire exceptionnelle.

Exceptionnelle ! J’utilise à dessein cet adjectif. Cela ne tient pas seulement à la personnalité de l’accusée ni au risque politique que lui fait encourir son escroquerie politique. Voici pourquoi. Des lettres anonymes, il y en a dans toutes les élections. Certes, il n’y a pas de cas où l’on en ait vu comme ici, au rythme d’une par jour. Cette crucifixion m’a pourtant été réservée à Henin-Beaumont ! Certes, il n’y a pas de cas où leurs auteurs aient été appréhendés, comme ce fut le cas cette fois-ci. Et, encore plus exceptionnel, il n’y a pas de cas où leur auteur se soit déclaré responsable de leur fabrication à la télévision comme l’a fait la Le Pen devant je ne sais plus quel gamin médiatique, qui en est resté sans commentaire, bouche bée : « sans transition maintenant on passe au troisième festival mondial des fabricants de castagnettes ». Mais ce n’est pas le plus extraordinaire de l’affaire, quoique cela seul suffise à justifier une sanction exemplaire. Ce que le matériel anonyme de madame Le Pen a d’extraordinaire, c’est qu’il prétend être un document que j’aurais édité moi-même. C’est un travail de faussaire. C’est nouveau. D’habitude, les documents anonymes insultent ou diffament d’un point de vue hostile. Ici, il est fait comme si c’était moi qui parlais. Autrement dit il y aura une jurisprudence de ce tribunal à l’issue du procès. Si madame Le Pen obtenait la relaxe qu’elle demande, cela signifierait que chacun a le droit, dans le pays, d’éditer des tracts sous le timbre de ses adversaires politiques. L’UMP pourrait éditer des tracts PS et vice versa. Tout le monde pourra aussi faire des tracts du FN, et vice-versa. Avec photo s’il vous plait ! Car c’est ce qui a été fait avec moi. Je pense que même au dernier degré de haine contre moi et de séduction pour elle dans la bonne société des nomenklaturistes et de leurs griots, s’il reste un soupçon du sentiment de l’intérêt général, il serait temps pour les démocrates et les républicains de s’alarmer de ce qui se passe là, dans cette affaire. Sans oublier que, dans le fil de l’action juridique, Madame Le Pen a réussi à faire mettre en examen mon avocate, fait sans précédent ! Et cela parce que maître Raquel Garrido aurait dit de madame Le Pen qu’elle était une « délinquante », fait qui semblerait littéralement avéré par le fait que le casier judiciaire de madame Le Pen n’est pas vide. En tous cas, le tribunal semble avoir bien entendu ce que nous avons dit sur le sujet dans le cadre de la double élection qui s’annonce cette année. Mieux valait que tout soit engagé avant le vif des campagnes électorales. Si bien que la prochaine audience est fixée au six février, au grand dam de la défense de madame Le Pen.


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