Indignation en Inde après un viol collectif ordonné par un conseil de village

mardi 28 janvier 2014.
 

« Terrible », « inhumain », « barbare » : les condamnations se sont multipliées parmi les dirigeants politiques indiens après le viol collectif, lundi 20 janvier, d’une femme de 20 ans à la suite d’une sentence rendue par le conseil de son village de Subalpur, dans l’Etat du Bengale-Occidental (nord-est du pays). Cette nouvelle affaire de viol relance la controverse sur les violences faites aux femmes en Inde, où un vigoureux mouvement de protestation avait suivi la mort, fin décembre 2012, d’une étudiante à New Delhi, violée et torturée dans un bus. Les manifestations exceptionnelles avaient débouché sur l’adoption par le Parlement d’une loi durcissant les sanctions contre les auteurs de violences sexuelles.

Si le drame de Subalpur présente cette fois un caractère exceptionnel, c’est qu’il résulte d’une justice villageoise expéditive. Jeune femme célibataire, la victime avait été surprise en compagnie d’un homme avec qui elle entretenait une liaison et qui était venu au village la demander en mariage, proposition qu’elle avait acceptée, selon les témoignages publiés dans la presse indienne.

Mais l’idylle a scandalisé le chef du village, car les amoureux appartiennent à deux communautés différentes. La jeune femme est issue du groupe des Santhal, l’une des principales communautés aborigènes (6 millions de personnes) d’Inde, principalement concentrée dans l’est du pays. Le prétendant est musulman et habite un village voisin.

« AMUSEZ-VOUS AVEC LA FILLE »

Après avoir découvert la liaison, le chef du village a convoqué, lundi 20 janvier, une réunion d’urgence du conseil coutumier local. Les deux accusés ont été ligotés à un arbre sur la place du village pendant que le conseil rendait son verdict. Dans sa première version, il s’agissait de payer une amende de 27 000 roupies (317 euros). Le jeune homme s’étant engagé à acquitter la somme, il a été relâché. Mais la famille de la jeune femme ayant fait savoir qu’elle ne pouvait payer, le chef du village aurait alors lancé aux hommes présents : « Allez-y, amusez-vous avec la fille. » Soit le feu vert donné au viol collectif qui a suivi.

Selon les spécialistes des Santhal, ce type de châtiment est très rare dans ce groupe tribal. Il illustre toutefois l’existence d’une justice parallèle en vigueur dans de nombreuses communautés en Inde, notamment chez les Jat de l’Haryana où les khap panchayat (conseils coutumiers) sanctionnent par la violence, et parfois la mort, toute liaison amoureuse jugée contraire à la tradition.

Le viol collectif de Subalpur alourdit un peu plus l’atmosphère au Bengale-Occidental, où une série de crimes sexuels a provoqué de violentes polémiques entre partis politiques. Dans un cas particulièrement dramatique, une adolescente de 16 ans a péri fin décembre après avoir été brûlée au kérosène par ses violeurs.

Frédéric Bobin (New Delhi, correspondant régional)

* LE MONDE | 24.01.2014 à 11h38 • Mis à jour le 24.01.2014 à 11h38.


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