La Gauche défend la France d’en-bas !

samedi 23 août 2014.
 

Fondamentalement, principiellement, la Gauche défend la France d’en-bas et pas la France en soi comme la droite et le centre ! La gauche ne défend pas les français comme si tous les résidents étaient français, comme si tous les français étaient pareillement à défendre. Il y a donc à gauche une certaine distance critique, assez variable, par rapport au discours dominant.

La gauche est fondamentalement "sociale", ce qui ne signifie pas opposé au "sociétal" (les autres questions d’émancipation humaine dites "sociétale").

La Gauche ou "les gauches" se réfèrent tantôt aux classes sociales, tantôt aux couches sociales, tantôt au peuple mais alors il s’agit du peuple-classe (99%) ou du peuple social (90%). Ce qui ne signifie pas mépris de ce qui est culturel.

Quand elle pense démocratie, c’est pour que la parole et les intérêts du peuple social soit pris en compte. La démocratie vue de gauche ce n’est ni le paravant de l’oligarchie ni de la gouvernance avec des élus durablement installés à des postes de privilégiés aisés, éloignés des électeurs, proches des grands possédants.

1 - LA BIPOLARISATION FRANCAISE

Alain DUHAMEL a écrit (Les deux France, lire ci-dessous) au printemps 2013 un article qui montre que depuis 1789 il y a bipolarisation de la France en deux camps ou deux blocs. Il a raison.

Il ne dit pas nettement à mon avis que derrière ces enjeux ou trouve une summa divisio entre la France d’en-bas et celle d’en-haut.

Il ne dit pas que le social n’est pas opposé au sociétal. Souvenons-nous que le printemps 2013, c’est le début des "Manifs pour tous", de tous ceux et celles qui ont une vision hiérarchique et inégalitaire de la société contre celles et ceux qui sont foncièrement pour l’égalité et la laicité.

2 - ENSEMBLE : LE SOCIAL et LE SOCIETAL

Lutter contre les inégalités sociales - par en-haut et par en-bas - est un axe majeur d’une politique de gauche mais lutter contre les discriminations racistes, sexistes, homophobes dans un cadre laïque est aussi une forte préoccupation de gauche.

Les luttes sociétales sont indéniablement un souci de gauche - car elles sont sociales - même si on trouve des divergences à gauche sur les modalités de lutte, même si une certaine droite peut elle aussi se montrer antiraciste et antisexiste. Mais ce que la droite ne fait pas c’est de soutenir les différentes couches sociales du peuple-classe.

A propos des intégrismes religieux la gauche s’est divisée. Sous prétexte de nécessité s’attaquer à l’autoritarisme en général et au sexisme en général une certaine gauche a fait silence voire a couvert les pratiques des divers intégristes, notamment les sexo-séparatistes.

3 - OUVERTURES : L’ECOLOGIE et la GEO-POLITIQUE

S’y ajoute nettement depuis quelques années des préoccupations écologiques. Le rouge a du intégrer le vert. Avec la prise en charge de l’écologie ce sont trois "ismes" 1- l’anti-extractivisme, 2- l’anti-productivisme et 3-l’anti-travaillisme qui s’intègrent ou doivent s’intégrer progressivement au corpus idéologique de la gauche celle qui veut bien de cette intégration. C’est ici qu’il faut évoquer les gauches.

La gauche a aussi un souci géopolitique de solidarité avec les autres peuples-classe soumis soit à des dictatures internes soit à des guerres impérialistes, les guerres des Etats riches, des pays occidentaux comme les USA, Israël contre Gaza ou la France fière d’un "second couteau" en Afrique, son (ex) pré-carré.

Elle défend cette ligne de solidarité en ayant de vifs débats entre les campistes (défense en bloc du sud contre le nord) et les autres qui défendent les peuples-classe mais par les oligarques et autres dictateurs : "il y a du nord au sud et du sud au nord".

La chose est un peu différente pour le Hamas car quoiqu’on puisse penser de cette organisation - peu apte à accompagner une réelle émancipation de son peuple eu égard à ses méthodes archaiques - on ne peut que la défendre pour libérer les gazaouis du "carnage" (Fabius) d’Israel contre eux.

4 - EGALITE : DROITE et GAUCHE

La droite défend surtout la France d’en-haut et derrière elle toute la France. Elle le fait comme le CNPF jadis puis le MEDEF maintenant défend les patrons et derrière tous les ouvriers, employés et techniciens de l’entreprise capitaliste. La droite défend le mode de production et de distribution capitaliste des marchandises. Elle abandonne nombre de services publics aux capitalistes ou les détourne de leur activité non marchande, non solvable, pour la satisfaction des besoins sociaux.

Le centre (de Bayrou à Hollande) défend un compromis entre ceux d’en-haut et ceux d’en-bas qui bien souvent fait l’affaire de la bourgeoisie. La CFDT ne s’en étonne plus car elle signe !

La gauche vraiment à gauche défend ceux et celles d’en-bas. Le spectre est variable et tout dépend du prisme adopté. Un syndicaliste défendra les intérêts matériels et moraux des travailleurs salariés du privé ou du public, qu’ils soient ouvrier, employé, technicien ou cadre. Il devra donc s’affronter à un patron petit, moyen ou grand ou à des directeurs du public. Si il ne veut pas le faire, ce qui se conçoit, il pourra rester simple adhérent. Un "politique" de gauche peut parler en termes de classes sociales (classisme) ou de couches sociales (stratificationnisme) mais dans un cas comme dans l’autre il s’agira de défendre les couches sociales d’en-bas, soit du peuple social (90% d’en-bas) soit du peuple-classe (99%) contre l’oligarchie.

Globalement, la gauche est soucieuse d’élever la situation sociale et les conditions de travail, de logement et de vie des gens pauvres, modestes et "moyens". Elle se préoccupe de façon diverse de justice sociale et donc de combattre les inégalités sociales à commencer par la réduction du fossé entre les très riches et le peuple-classe. Elle sait qu’elle doit réduire les inégalités internes au peuple-classe.

5 - LE NATIONAL DE GAUCHE : DANGER MAIS DU POSSIBLE

a) Négativement :

Il n’est pas une idéologie de repli nationaliste et xénophobe. Il doit se méfier de cette peste particulière très ethno-identitaire et nationaliste "cocorico franchouillard" - qui vient de l’extrême-droite !

Il existe un "européisme" de droite qui néglige le social (les peuples-classe) et le démocratique (pro-gouvernance, pro oligarchie bancaire - BCE)

b) Positivement :

Un discours qui évoque la nation depuis la gauche est fondamentalement social et ne parle que du social donc du peuple-classe au plan de ses droits sociaux et de ses droits démocratiques. Il ne faut pas craindre d’être lourd, de répéter, d’aller à contre-courant.

Les services publics nationaux sont pensés comme étant au service du peuple-classe car l’oligarchie n’en veut pas ! Un(e) militant(e) de gauche n’oublie jamais cela. C’est une différence importante avec celles et ceux pour qui le service public est chose à démanteler pour y mettre privatisation, marchandisation, financiarisation qui sont les trois grands accaparements de la droite des grands possédants.

Les nationalisations des entreprises d’énergie ou de transport (par exemple) sont pensées dans un sens écologique et social et pas pour enrichir une nouvelle "bourgeoisie d’Etat". Regardez la Hongrie qui veut nationaliser EDF et GDF - à raison - mais plus pour son oligarchie que son peuple-classe !

Un tel discours est ouvert sur les droits des migrants et des résidents extra-communautaires, ouvert sur l’internationalisme. "L’internationalisme prolétarien" sonne sans doute comme daté pour beaucoup, c’est en fait un mouvement de générosité transfrontière qui mérite éducation populaire. Il importe de faire vivre une solidarité des peuples-classes. Ce qui ne signifie pas approuver toutes les barbaries commises ailleurs, pas plus que les nôtre !

Christian DELARUE

Les deux France

Alain DUHAMEL (29 mai 2013, Libération

Cela dure depuis plus de deux siècles, très exactement depuis deux cent vingt-quatre ans : à partir de 1789, en chaque grande occasion la France se scinde en deux camps, deux blocs, deux France. Il y a eu les jacobins et les royalistes, les bleus et les blancs, les bonapartistes et les monarchistes, les communards et les versaillais, puis les républicains modérés et les républicains radicaux ou socialistes et toujours la gauche et la droite, bloc national ou Cartel des gauches, Front populaire contre droite et ligues, gaullistes contre vichystes, communistes contre anticommunistes, gaullistes contre cette fois la gauche.

Politiquement, culturellement la France est binaire, comme l’ouverture du mariage et de l’adoption aux homosexuels vient de le rappeler.

On assurera qu’il y a des phases d’union nationale mais en fait, en dehors de 14-18, on les cherche en vain.

On objectera, là on aura raison, qu’au sein de chaque camp il existe plusieurs familles, plusieurs partis, plusieurs sensibilités. Cela va de soi. Il y avait autant de différence entre un légitimiste et un orléaniste qu’entre Herriot et Thorez ou qu’entre Rocard et Marchais. Il y a autant de distance entre Mélenchon et Ayrault qu’entre Raffarin et Marine Le Pen. On peut même plaider qu’aujourd’hui la frontière entre Européens et souverainistes devient un rubicon aussi difficile à franchir que le traditionnel clivage gauche-droite qu’elle trouble et parfois démode. Reste l’essentiel : ce qui cimente les deux blocs est plus fort que ce qui les fissure, et les deux France ressurgissent ponctuellement dès que l’enjeu éveille la conscience des Français.

Cela vaut en matière politique, d’autant plus que les modes de scrutin et les institutions de la Ve République enracinent les traditions. Chaque élection présidentielle, chaque élection législative déclenche un réflexe dit de discipline républicaine ou d’union des droites. Les premiers tours différencient, les deuxièmes tours rassemblent au sein de chacun des deux camps. Jean-Luc Mélenchon a eu beau ne pas vouloir prononcer le nom de François Hollande pendant l’entre-deux-tours, son électorat a massivement voté pour le premier président social-démocrate de la Ve République. C’est pour cela que les ouvertures ne sont jamais que des ralliements et non des coalitions. De même qu’à la fin, c’est toujours Nadal qui gagne le tournoi de Roland Garros, de même le dualisme finit toujours par s’imposer.

Le plus intéressant, le plus significatif, le plus spécifique peut-être se situe néanmoins aux confins du politique et du culturel, du politique et du sociétal. Ce qui mobilise les foules, ce qui met les masses en mouvement relève plus du social et du sociétal que du politique classique, même si derrière les grandes manifestations ce sont toujours les deux France partisanes qui émergent. En 1958, au moment du changement tellurique de régime, on a encore vu des grands rassemblements politiques, de gauche ou gaullistes. Depuis, les manifestations les plus spectaculaires ont été au-delà du partisan, vers le culturel, le sociétal ou le social. Depuis quelques semaines, on réactive les souvenirs de Mai 68 : étudiants en rebellions, salariés en grève ou même gaullistes en masse, c’était avant tout deux conceptions de la société qui s’affrontaient. Le mouvement et l’ordre opposaient des valeurs, des convictions, des cultures qui débordaient et en un sens surplombaient les clivages politiques, même si ceux-ci finissaient par les structurer. De même les grandes grèves de 1995 opposaient-elles un modèle social qui refusait le changement à un autre modèle social qui voulait s’affirmer.

Surtout, qu’il s’agisse des débats tumultueux sur la peine de mort ou sur l’avortement, ou bien de la grande manifestation contre l’antisémitisme (après Carpentras) ou encore, bien sûr, des défilés immenses pour défendre l’école privée ou pour protester contre le mariage et l’adoption pour tous, on discerne très bien les deux France morales, religieuses ou laïques, sociétales qui s’emboîtent dans le politique mais le dépassent et finalement l’inspirent. Les deux France deviennent alors deux « certaines idées de la France ».

La gauche, laïque et progressiste, porte dans l’affaire les valeurs d’égalité avant tout. La droite, religieuse et traditionaliste, défend bec et ongles ses convictions au nom de sa liberté de conscience. Familles classiques contre familles nouvelles, l’égalité laïque contre légitimité spirituelle, l’embrasement impressionne et la puissance des tempéraments, des valeurs et des convictions s’impose.

Derrière les deux France politiques, évidemment présentes, on perçoit bien les deux France sociétales et morales, l’aspiration égalitaire et novatrice contre la liberté de la tradition et des racines : Rousseau derrière Hollande, l’église catholique au-dessus de Copé.

Par Alain Duhamel


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