« On ira tous en Aveyron » pour manger de succulents tripoux et déguster un petit blanc doux. Oui mais ce que ne dit pas la pub (ou alors le message est plus que subliminal) c’est comment on s’y rend en Aveyron !! Oui comment ?

 Ne me dites pas que Rodez, capitale départementale, n’est pas accessible au départ de Paris ! Enfin mademoiselle vous faites preuve de mauvaise foi !!

 Oui c’est vrai il existe bien une ligne Paris Rodez, 8h45 de voyage à travers la France profonde avec ses paysages pittoresques et ses jolis clochers. Il est juste dommage qu’entre 22H56 et 7h46 il soit un peu difficile d’en profiter. Rejoindre l’Aveyron ne peut se faire que dans la nuit noire, dans des wagons couchettes où promiscuité rime avec insomnie et où toute femme frémit qu’un Ahmed Rezala ait lui aussi eu envie d’entreprendre la formidable aventure. Je vous recommande Strasbourg-Rodez, un voyage initiatique et géométrique entre une capitale du triangle européen et une capitale de la diagonale du vide.

Une question me taraudait : « Pourquoi y a t il un afflux si important d’Anglais vers l’Aveyron alors que les jeunes, une fois partis, ne reviennent plus ? » Alors je comprends mieux à présent. Il est tout simplement beaucoup plus simple de faire « Londres-Rodez » que « n’importe où en France-Rodez » !! Alors Ryanair s’intéresserait-il plus à notre France des terroirs que notre chère et très puissante SNCF ? Ne nous méprenons pas, ils ne sont tous deux guidés que par le seul principe de profit économique. Tous deux ? Alors c’est vrai ce qu’on dit ? Un des derniers bastions du service public est lui aussi en train de tomber ?

 Mais oui mademoiselle enfin, l’Aveyron n’est pas tout à fait ce qu’on pourrait appeler un pôle de compétitivité alors le capitalisme vous boude c’est normal !!

 Normal ? Ah bon.

 Mais oui enfin ! Vous êtes jeune et un futur cadre dynamique !! Quel est ce combat d’arrière garde qui a l’air de vous préoccuper ?

 Un combat en effet mais certainement pas d’arrière garde. Tout simplement parce que moi quand je suis née, être soignée près de chez moi, circuler en toute sécurité, communiquer avec mes proches, avoir l’eau et le courrier où que je sois c’était un droit, un acquis... C’était ce qui faisait que l’âge de raison venu, j’étais fière d’être française, fière de tous ceux qui s’étaient battus pour que la devise française ne soit pas qu’une belle phrase de plus. Et voilà que le jour où je peux enfin contribuer à enrichir mon pays et à faire de lui une terre de droit et de justice on me rétorque que servir l’Etat, c’est freiner l’économie et entraver le règne des capitaux. Quel plus merveilleux compliment que celui-ci ! Puisque de toute façon ce n’est pas moi qui en profiterais de ces capitaux alors oui je freinerais, j’entraverais autant que je pourrais cette fuite vers le chaos et le non-sens. Parce qu’à 22 ans ce ne sont pas la compétitivité et les dividendes qui peuplent mes rêves !! Cette jeunesse française qui ne voulait pas du CPE ne veut pas non plus perdre tous les services publics qui ont bercé sa douce enfance. Mais elle ne connaît pas le danger qui la guette ! Qui saura le lui dire avant qu’il ne soit trop tard ?

Maélys Renaut