Fermeté juridique ou hypocrisie gouvernementale

mardi 17 février 2015.
 

Il y a quelques jours, le Figaro se plaignait du laxisme de la justice française en titrant sur «  la justice traîne  ». À la traîne la justice  ? Plutôt en pleine dérive ultrasécuritaire. À l’heure où des enfants sont interrogés par la police, où on demande aux professeurs d’engager le débat avec leurs élèves et de dénoncer tout comportement contraire aux «  valeurs de la République  », on se demande ce qu’il faudrait pour contenter le Figaro  ! Depuis les événements tragiques des 7, 8 et 9 janvier, la justice ne chôme pas. Madame Taubira a diffusé aux magistrats du parquet des consignes de fermeté et, depuis, s’enchaînent les procédures expéditives pour «  apologie du terrorisme  » et les condamnations à des peines de prison ferme.

Les réserves du Syndicat de la magistrature, de la Ligue des droits de l’homme, d’Amnesty International n’y font rien  : madame Taubira, qui se vantait de mener sa politique pénale dans un esprit de «  concertation  » à long terme, revendique cette sévérité et annonce même sa volonté de durcir le régime juridique des insultes et de la diffamation. De quoi augmenter la surpopulation carcérale et faire accepter aux Français l’idée qu’il est normal que, sur de simples paroles, une personne puisse être condamnée à une peine de prison ferme. Il faut répéter qu’il s’agit, dans de nombreux cas, de comportements verbaux. Que veut dire alors «  apologie du terrorisme  »  ? Si le mot terrorisme est déjà bien vague (en Arabie saoudite, deux femmes vont être jugées pour terrorisme parce qu’elles ont osé conduire), peut-on parler d’apologie  ?

Les personnes condamnées à la prison ferme ne le sont pas pour avoir organisé une manifestation ou écrit des libelles mais pour des injures ou un statut Facebook  ! Cette loi applicable à tout et n’importe quoi est dangereuse et liberticide. Qui sait comment on définira «  terrorisme  » demain  ? N’importe quel contestataire ne pourra-t-il pas être accusé d’attitude contraire aux valeurs de la République et d’apologie du terrorisme  ? Que les opinions exprimées paraissent nauséabondes, voire dangereuses, certes, mais qu’elles méritent une peine de prison ferme est plus que contestable  : c’est un scandale et une dérive dangereuse. Valls et Taubira ne vont que contribuer à répandre la conviction que la liberté d’expression n’est qu’une chimère réservée aux riches et aux puissants et que la révolte populaire est l’apanage des islamistes et de Dieudonné.

Le gouvernement actuel ne se bat pas contre le terrorisme et pour la liberté d’expression  : c’est parce qu’il a renoncé à la justice sociale qu’il se replie sur le tout-sécuritaire et le tout-carcéral. On renonce à faire de la prison une étape possible vers la réinsertion et de l’école un lieu d’égalité et de formation. La traque contre les anti-Charlie du gouvernement n’est que l’expression dramatique et répugnante de son échec. Il faut nous opposer à cette dérive de la justice, à l’instrumentalisation policière de l’école, à l’utilisation raciste des valeurs laïques. Nos valeurs républicaines sont des valeurs d’égalité économique et sociale car ce n’est qu’à cette condition que l’on peut prôner l’application réelle de la laïcité et de la liberté d’expression.

Laélia Véron, de la Commission justice du Parti de gauche


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