Le concept d’économie sociale de marché n’est pas une escroquerie

lundi 13 juin 2016.
 

Long message argumenté reçu en forum sur notre site en réponse à l’article Economie sociale de marché : une escroquerie théorique

Long message argumenté reçu en forum sur notre site en réponse à l’article : Economie sociale de marché, une escroquerie théorique. Nos lecteurs réguliers savent que nous mettons en ligne les messages postés en forum. Aussi, malgré nos désaccords avec ce texte, le voici ci-dessous comme contribution sur un sujet politique réel et difficile.

Le concept d’économie sociale de marché n’est pas une escroquerie. C’est l’utilisation de cette dénomination pour dissimuler la nocivité des politiques néolibérale qui est frauduleuse. Voici l’un de mes textes, publié en 2010 sur le site les échos :

L’économie sociale de marché

L’économie de marché et le social sont deux termes qui s’opposent pour beaucoup de citoyens. Ils voient au mieux l’économie sociale de marché comme un rapprochement vide de sens qui dissimule probablement une arnaque. Pourtant, cette expression a un sens profond, et elle signe la volonté de redonner du dynamisme à un univers social et économique gelé par des années de néolibéralisme.

Le pacte social au cours des Trente Glorieuses reposait sur trois piliers garantis par l’état : salaire, conditions de travail et protection sociale. Le droit à une rémunération décente de son travail, était garanti pour les moins qualifiés par un salaire minimum et pour tous par une indexation des salaires sur le coût de la vie. De plus l’état donnait régulièrement des coups de pouce en prenant en compte la croissance économique et l’augmentation de la productivité.

Le droit à des conditions de travail correctes s’est progressivement amélioré par des réglementations de plus en plus protectrices et des accords collectifs sur l’hygiène et la sécurité, sur la limitation des horaires, sur le respect du repos hebdomadaire et l’augmentation des congés annuels. Des droits à l’information et à la représentation du personnel ont été accordés.

Les personnes et leur famille ont vu s’améliorer leurs protections contre les principaux risques sociaux (accidents et maladies, vieillesse, chômage, etc.) par des mécanismes d’assurance et d’assistance collectifs.

Ces droits qui fondaient un véritable statut du travailleur européen était le cœur de l’économie sociale de marché. Appelé "l’État-providence", ce système n’avait pourtant rien de providentiel : il mettait simplement l’homme au centre de l’économie et affectait les fonds collectés sur les revenus des travailleurs et une partie de l’impôt à des missions de bien-être social.

En mettant l’économie au service de l’humain, l’économie sociale de marché a permis pendant trente ans de garantir le plein emploi et un progrès social continu. On ne peut pas en dire autant des politiques qui ont suivi.

L’offensive néolibérale contre le compromis social

En trente ans, la mondialisation de l’économie et de la main-d’œuvre, voulue par les grands décideurs du monde des affaires et de la finance, a permis la destruction systématique de la législation sociale édifiée en Europe par les luttes sociales.

Censée garantir un meilleur avenir aux citoyens, cette évolution, qui se poursuit en France avec Nicolas Sarkozy, (et que Dominique Strauss Kahn et le FMI imposent partout dans le monde) s’est traduite par l’aggravation des détresses humanitaires sur fond de chômage et d’exclusion. Cette politique a dans le même temps creusé les déficits publics alors même que l’un de ses fondements était la critique des déficits liées aux dépenses publiques des politiques keynésiennes qui maintenaient le plein-emploi.

Rien n’a arrêté cette offensive, incroyablement violente et continue, contre le monde du travail et le modèle social en vigueur depuis un demi-siècle. Ni les alternances politiques, ni les appels à la justice sociale et à la charité n’ont rien pu devant cette volonté égoïste de modifier les équilibres sociaux en se moquant de la montée de la misère.

Les classes sociales dominantes ont profité de la crise et de l’effondrement du bloc communiste pour continuer à liquider le compromis social. En utilisant le chômage comme levier et l’état comme point d’appui, de nouveaux profits ont pu être obtenus en faisant petit à petit basculer le statut du salarié européen vers celui des pays moins avancés. Face à cette évolution, les nouvelles avancées sociales destinées à compenser les conséquences de l’exclusion comme la CMU ou le RSA apparaissent de plus en plus comme des pansements énormes posés sur des plaies qu’on laisserait volontairement suppurer.

Le renouveau keynésien

La création d’une social-économie tournée vers l’innovation, qui produit de la richesse, et qui offre du travail ne peut pas se concevoir sans prendre les moyens de mettre l’homme au cœur du projet économique. Social et économie doivent désormais se dire et se penser en un seul mot. En effet, une économie forte ne peut se concevoir avec des citoyens affaiblis par les difficultés, le chômage et la misère. Seule une économie prospère permet de financer les chantiers sociaux et les politiques structurelles à engager.

Dans ce domaine, il n’y a rien à attendre des dogmes économiques qui dominent les politiques économiques occidentales depuis ces trente dernières années. Il faut rompre avec la pensée unique néolibérale et oser s’inspirer de la seule expérience économique ayant réussit la synthèse du progrès social et de la prospérité des entreprises, celle qui a donné le plein emploi des années d’après guerre.

Il faut oser le keynésianisme, et oser moderniser Keynes pour réussir.

Jacques Tanguy


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