Précarité du métier de journaliste et concentration des médias : deux obstacles majeurs au pluralisme de l’information.

dimanche 16 mai 2021.
 

Un média, pour être un bien commun, doit être pluraliste.

En cette période électorale, il peut être utile de rappeler que la question du pluralisme des opinions dans les médias reste toujours posée en 2017. Aucun progrès significatif n’a été réalisé depuis 2012.

1 – La précarité du métier de journalistes.

A – Journaliste, un métier de plus en plus précaire

Source : 20 minutes http://www.20minutes.fr/medias/1247...

La SCAM (Société civile des auteurs multimédia) publie une étude à l’occasion des Assises du journalisme de Metz... A. GELEBART avec AFP Publié le 07.11.2013

Petits boulots en extra, précarité, statuts contournés, sites à alimenter : les conditions d’exercice du métier de journaliste se dégradent, avertit la Scam (Société civile des auteurs multimédia) après une enquête auprès de 3.400 journalistes et présentée aux Assises du journalisme de Metz.

Des revenus en baisse. Près d’un journaliste sur trois déclare avoir une activité extra-journalistique pour compléter ses revenus. Des revenus d’ailleurs extrêmement disparates : 12% d’entre eux gagnent moins que le Smic, 18% entre 13.000 et 20.000 euros nets par an, 46% entre 20.000 et 40.000, 18% entre 40.000 et 60.000 et 6% au delà, selon cette étude

Des statuts divers pour réduire les charges patronales. Tendance grandissante, la diversité des statuts, car pour réduire leurs charges patronales, de plus en plus d’employeurs, surtout les nouveaux médias internet, paient les journalistes en droits d’auteur ou en factures en leur demandant de prendre un statut d’auto-entrepreneur. Ou encore, dans les télévisions, les journalistes vidéastes sont fréquemment employés comme intermittents du spectacle, ce qui permet de ne les payer qu’une partie du temps.

62% de CDI. Ainsi si 62% des répondants sont des salariés en CDI et 28% sont pigistes — statut assimilable à un salarié ponctuel — on compte aussi 6% d’auto-entrepreneurs, 6% de travailleurs indépendants , 6% d’auteurs et 3% d’intermittents. Un taux supérieur à 100% car 12% ont plusieurs statuts. Le phénomène se développe surtout chez les journalistes multimédias, qui sont à 30% travailleurs indépendants ou auto-entrepreneurs. Chez les réalisateurs, 48% sont intermittents. Les photographes, population la plus précaire, sont les plus nombreux à avoir de multiples statuts.

De plus en plus de journalistes sans carte. Conséquences de ce cumul : la difficulté pour les journalistes à obtenir ou conserver leur carte de presse, qui suppose au moins 50% de revenus salariés provenant d’entreprises de presse. Seule la moitié environ des journalistes sous statut d’auto-entrepreneur ou d’auteur ont une carte de presse. Nombreux sont ceux qui réclament une réforme de la carte de presse et de la Commission qui les délivre, pour tenir compte de ce problème. Actuellement on compte 37.477 journalistes encartés.

Une moindre protection sociale. Ce casse-tête administratif aboutit aussi à une moindre protection sociale. Ainsi 2,5% des journalistes interrogés n’ont aucune couverture sociale et 13% n’ont pas de mutuelle. La question se pose notamment pour les auto-entrepreneurs ou auteurs. Chez les correspondants de guerre, qui sont généralement mieux rémunérés que la moyenne, sauf les photographes et réalisateurs, 25% ne sont pas assurés, un taux qui monte à 50% chez les photographes de guerre.

Les pigistes en difficulté. Les pigistes ont de plus en plus de mal à vivre de leur travail, car le tarif au feuillet reste stable alors que les charges sociales augmentent, et les frais ne sont souvent plus pris en charge. Les pigistes ont d’ailleurs de moins en moins de place dans des journaux qui sont eux-mêmes en difficulté.

Un « alignement sur le buzz ». La multiplicité des supports créés aussi parfois de nouvelles charges de travail non rémunérées : une partie des journalistes interrogés racontent que leur employeur les fait travailler aussi pour alimenter un site en plus de leur travail quotidien et sans rémunération supplémentaire. Autre remarque, des sujets moins proches de la réalité : ils dénoncent un « alignement sur le buzz » et une prime aux sujets « censés intéresser le public plutôt que d’essayer d’intéresser le public à tous les sujets » , ainsi qu’une confusion croissante entre communication et information.

Fin de l’article

B – Dénonciation de la précarité par le SNJ

Précarité des journalistes

Source : Syndicat national des journalistes http://www.snj.fr/th%C3%A8mes/pr%C3...

Voici un exemple extrait d’uneune série de communiqués de ce syndicat concernant la précarité

.20 Septembre 2016 Communiqués de presse, Pigistes - Journalistes auto-entrepreneurs : c’est la mort de la profession ! Avec l’ensemble des syndicats de journalistes, le SNJ appelle à la mobilisation contre le contournement de la loi sur le statut de salarié des journalistes, permanents et pigistes, de la part d’employeurs qui refusent de payer en salaires ! La tendance s’est accélérée ces derniers mois …

31 Mai 2016

Communiqués des sections - Section régionale SNJ France Télévisions - Lettre ouverte à l’attention de Delphine Ernotte - Madame la Présidente,Nous, les salariés de France 3 Languedoc-Roussillon sommes atterrés par la situation professionnelle et humaine, dans laquelle se trouvent acculées depuis des années nos confrères, consœurs et collègues CDD historiques de notre région. Après des années de CDD (5, 10, 15, 17 ans...

C – Le journalisme précaire

Source : Acrimed

Une série d’études d’Acrimed sur la question. http://www.acrimed.org/-Le-journali...

D – Pour qui roulent les journalistes ?

Source : blog de Margaux Du quesne journaleuse. https://journaleuse.com/2014/02/14/...

Extrait :

"…Non, pour Jean-Jacques Cros, la réalité est bienplus pragmatique que cela. Nul n’est besoin de faire ici une longue tirade pour expliquer la situation de précarité immense dans laquelle se sont empêtrés les journalistes en choisissant ce beau métier. Le journaliste, le plus souvent « pigiste », se retrouve donc à devoir « se vendre » à qui veut bien écouter les sujets qu’il a proposés. Certains sont appelés épisodiquement, d’autres plus régulièrement, mais pas trop non plus sinon il faudrait le régulariser ! À quoi peut bien penser le journaliste en écrivant son papier, se demande Jean-Jacques : « Les journalistes écrivent pour leur pairs, car ce sont ces derniers qui pourront leur permettre d’exercer leur travail ! »…"

Fin de l’extrait.

Commentaire :

Cette précarité de l’emploi de nombreux journalistes n’est pas sans incidence sur leur liberté de parole et d’écriture. Pour conserver leur emploi ou ne pas perdre une promotion professionnelle, ils ne doivent pas trop bousculer l’ordre social et politique ambulant, ne pas franchir "la ligne rouge". Les contraintes économiques se traduisant par la course à l’audimat (ou au tirage maximal pour la presse) couplées à cette précarité ont une forte influence sur ce que Pierre Bourdieu appelait le "champ journalistique".

Voir à ce sujet l’exposé de Bourdieu en vidéo et notamment à partir de 26 min30 sec. https://youtu.be/I7qlfiERLJU

2 – La concentration des médias

.

Source : Acrimed

Depuis de nombreuses années, l’association critique médias a décrit et dénoncé la concentration croissante des moyens de production et de diffusion de l’information. Ce sujet reste d’actualité  :

Jeudi d’Acrimed : concentration des médias en France et ailleurs (19 janvier) par Acrimed, lundi 16 janvier 2017 http://www.acrimed.org/Jeudi-d-Acri...

Le jeudi 19 janvier 2017, à 19h, à la Bourse du travail de Paris. Avec Christophe Deloire (Reporters sans frontières) et Jérémie Fabre (Acrimed).

« Quand les journalistes m’emmerdent, je prends une participation dans leur canard et ensuite ils me foutent la paix ». À l’instar de Xavier Niel [1], .

Un phénomène de concentration de la propriété des médias qui n’est pas nouveau mais qui s’est accéléré dangereusement ces dernières années : rapprochement progressif de Libération, L’Express, RMC et BFMTV au sein du groupe de Patrick Drahi ; fusion de L’Obs et du Groupe Le Monde contrôlé par le trio Bergé/Niel/Pigasse ; rachat du Parisien/Aujourd’hui en France par Bernard Arnault, déjà propriétaire des Échos et de Radio classique ; mariage forcé entre I-Télé, Canal+ et Direct Matin sous la férule de Vincent Bolloré…

En France [2]et comme à l’étranger [3], le paysage médiatique se confond de plus en plus avec le classement des grandes fortunes.

Ces grandes manœuvres [4] ont des répercussions déjà bien visibles sur la qualité de l’information et sur les conditions de travail des journalistes, accélérant des phénomènes qui témoignaient déjà d’une dégradation de l’information et de ses conditions de production : conflits d’intérêts, course au clic et à la rentabilité, censure et autocensure des journalistes, licenciements politiques, plan sociaux

Dans son dernier bilan annuel, Reporters sans frontières (RSF) fait reculer la France à la 45e place au classement mondial de la liberté de la presse. La raison avancée est des plus claires : « L’appropriation des médias par une poignée d’hommes issus de la finance et de l’industrie constitue la principale raison du recul relatif de la France. Le phénomène, déjà prégnant ces dernières années, s’est accentué. »

Dans quelle mesure la tendance à la concentration des médias en France et à l’étranger [5] est-elle un véritable danger pour l’information et le journalisme ? Comment se manifeste-t-elle concrètement ? Comment s’y opposer ? Pour y répondre, Christophe Deloire, secrétaire général de RSF, sera notre invité. Jeudi d’Acrimed :

Concentration des médias en France et ailleurs jeudi 19 janvier 2017 à 19h Bourse du travail de Paris, salle Eugène Varlin (3 rue du Château d’eau, métro République) Entrée libre

Fin de l’article.

Complément : concentration des médias : article de Wikipédia ici.

Commentaire :

Les médias constituent des moyens d’influence considérable des groupes industriels et financiers non seulement sur le plan commercial mais sur le plan idéologique.

Nous n’insisterons pas sur les conséquences d’un tel phénomène de concentration sur le pluralisme de l’information qui sont fort bien expliquées par Acrimed.

Par ailleurs, un parti politique majoritaire (PS ou L R), par le biais de leurs représentants politiques au sein de l’État, a un certain pouvoir de contrôle sur les moyens d’information du secteur public. On constate ainsi, par exemple, que la visibilité d’un Mélenchon, d’un Poutou sur les chaînes publiques est faible y compris pour France Culture dont le taux d’écoute est de l’ordre de 2% ou LCP dont le taux d’audience est de l’ordre de 0,4 %.

Que les employés et ouvriers qui représentent plus de la moitié de la population active, que l’électorat de Mélenchon de quatre millions de personnes (et sans doute plus actuellement) qui paient leur redevance audiovisuelle voient et entendent très peu leurs représentants sur les chaînes de télé et de radio publiques, cela ne pose aucun problème de conscience à tous les responsables d’émissions pourtant forts inspirés pour donner des leçons de "droits de l’homme", de liberté d’expression au monde entier et notamment à la Russie. Ces journalistes ne se rendent pas compte qu’une telle situation asymétrique fait que l’auditeur averti n’accorde aucun crédit à leurs critiques de donneurs de leçons concernant la liberté d’expression. Et d’ailleurs, la France est classée au 45ème rang mondial pour la liberté de la presse.

3 – Des médias indépendants et pluralistes C’est possible avec "L’avenir en commun".

a) Rappelons pour mémoire, les propositions du programme " l’humain d’abord" de 2012.

"La Constitution que nous voulons garantira l’indé­pendance des médias à l’égard du pouvoir politique et des puissances d’argent. Les présidents des chaînes publiques seront nommés par leur conseil d’administra­tion, dans lesquels les représentants du personnel cons­titueront 50 % des membres. Nous améliorerons les conditions de travail des journalistes pour permettre une information indépendante, pluraliste et de qualité." http://www.jlm2017.fr/humain_dabord...

b) Le programme du mouvement France insoumise "L’avenir en commun" porté par Jean-Luc Mélenchon aborde la question des médias dans son chapitre 8 La révolution citoyenne dans les médias(page 30 – 31).

Il n’y a pas de démocratie possible sans informotion libre et pluraliste. Nos médios sont bien malades de l’argent, de la recherche du sensationnolisme et de la tyronnie du buzz. Lo révolution citoyenne doit être menée sans faiblesse dans les médias !

Nous proposons de réaliser les mesures suivantes :

– Faire élire les présidents de France Télévisions et Radio France par le Parlement

– Adopter une loi anti-concentration des médias, protégeant le secteur des intérêts financiers, favorisant la transformation des médias en coopératives de salariés et de lecteurs / auditeurs / téléspectateurs et attribuer des fréquences aux médias locaux et associatifs

– Combattre la « sondocratie » : interdire les sondages dans les jours précédant les élections et adopter la proposition de loi sur les sondages votée à I’unanimité par le Sénat en 2011 et enterrée depuis

– Créer un « Conseil national des médias » à la place du Conseil supérieur de I’audiovisuel pour en faire un véritable contre-pouvoir citoyen garantissant le pluralisme des opinions et des supports, ainsi que la qualité de tous les médias.

– Refonder les aides publiques à la presse pour les réserver aux médias d’information et mutualiser les outils de production (imprimeries, serveurs, distribution, etc’)

– Protéger les sources et l’indépendance des rédactions à l’égard des pouvoirs économiques et politiques par le renforcement du statut juridique des rédactions et une charte déontologique dans la convention collective.

Fin du texte.

Évidemment, le paragraphe 10 concernant la reconnaissance de la citoyenneté dans l’entreprise et de droits nouveaux pour les salariés (page 32) s’applique aussi aux entreprises du secteur des médias.

Les quelques accrochages qui ont pu survenir entre Mélenchon et certains journalistes, sont été montés en épingle par les médias, pour faire croire que Mélenchon serait anti journalistes et constituerait une menace pour la liberté d’expression. Son programme montre qu’il en n’est rien, Bien au contraire. Mais tous les journalistes sont-ils vraiment partisans d’un réel pluralisme ?

Hervé Debonrivage


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